Mélomanie végétative

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Comme presque chaque matin c'est le doux chant des oiseaux qui m'avait réveillé. J'attendis quelques instants avant d'ouvrir les yeux ; ma cécité momentanée me rendait ainsi l'ouïe plus fine et me permettait de jouir pleinement de ce son enchanteur. Quand je m'en fus suffisamment imprégné je décidai de recouvrer la vue et m'étirai de tout mon long. Le gazouillis des oiseaux se fit plus indigné, mes mouvements les ayant sans doute effrayés, mais ils reprirent bientôt leur joyeuse symphonie. Parfois une mère de famille pressée passait devant moi à toute allure, ses ailes battant l'air dans un souffle, et faisait piailler de plus belle les nourrissons gâtés qui l'attendaient dans leur nid. Quelle cacophonie pouvaient produire ces êtres pourtant si minuscules !

À ce chant se mêlait celui un peu plus rauque des grillons. L'un d'eux vint se poser sur moi d'un bond habile. Je le laissai me chatouiller le ventre avec une envie de rire et finis par frémir sous ce contact, chassant alors l'insecte apeuré qui alla striduler ailleurs.

Soudain, une bourrasque fit provisoirement taire tout ce beau monde et je n'entendis alors plus que le souffle du vent et le bruissement des feuilles qu'il emportait plus loin. Quelques-unes frappèrent mon visage avant de continuer leur chemin. À mes pieds quelques pissenlits s'agitaient, me titillaient avec taquinerie. Leurs pétales jaunes allaient se frotter aux herbes sauvages, apportant ainsi leur contribution au concerto.

Le bourdonnement qui résonnait dans mes oreilles suite à cette violente brise s'arrêta aussi brusquement qu'il était apparu, me laissant comme sourd, frissonnant encore à cause du froid qu'avait causé le vent. Un silence de cimetière régna alors pendant une minute ou deux sur la forêt avant que chacun ne reprenne ses activités. Mais les oiseaux n'étaient plus seuls ; je pouvais également percevoir le léger clapotis d'une source voisine. Rien qu'avec le son je pouvais imaginer les pierres sur lesquelles devaient rebondir les gouttes avant de se rejoindre dans un bassin. J'eus l'envie subite de m'y rendre et d'y plonger mes pieds, mais un nouveau bruit attira mon attention. Juste à côté de moi une branche venait de craquer. Était-ce le bras d'un arbre qui s'affaiblissait ? Un animal en plein milieu de sa balade digestive ? Je ne bougeais plus mais promenais mes yeux aux alentours pour tenter de trouver la source de ce bruit. Je ne pus rien repérer.

Cela me fascinait : la capacité que possède la nature à produire tous ces sons sans se révéler totalement. J'y poussais depuis maintenant trente ans et ne m'en lassais toujours pas.

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