Même la musique.(1)

Lorsque j'écoute de la grande musique (moderne ou pas), je suis comme elle, à ramasser à la petite cuillère ou à tirer sur les cordes pour hisser les voiles. J'ai parfois peur, j'ai l'impression que le compositeur est entré dans le show-room de ma maison, prenant de-ci de-là quelques bouts de mon mobilier et aussi la mesure de mes fenêtres: il se sent comme chez lui, il n'hésite pas à tirer sur mes volets pour abaisser les points lumineux et fabriquer son intérieur plus secret. Il m'arrive de m'entendre lui dire: "Au voleur, rends-moi ça !"

Lorsqu'il s'assoit à ma table basse, c'est pour mieux profiter de mes invités et de mon Gin.

- Vas-y, fais-toi plaisir !

Malicieusement il fait des croche-pattes et se permet de dire des trucs que même des mots justes ne sauraient signifier. Il semble bidouiller des algorithmes clandestins. Quand il balance des dièses pour hausser d'un demi-ton ses gammes, qu'en est-il de ses demi-soupirs, vers quelle intention vont-ils ?

- Vous avez une bien belle robe !

- Elle est en soie d'araignée !

- Elle pique ?

- Ça dépend !

- Elle vous va bien... (soupir)

- Merci ! (émoi)

Oui, les compositeurs qui s'invitent dans mon salon peuvent faire des compliments à Betty... je le supporte comme le soleil sur la peau... j'en rougis au début et puis ça passe après la crème.

- C'est douillet chez vous ! (soupir)

- N'est-ce pas ? (émoi)

Le confort est indispensable à l'écoute. On peut en bonne compagnie, se laisser défaire jusqu'au dernier étage par une musique d'ascenseur, sans pour autant monter au septième ciel sur un canapé Camarguais !

- Il est en quoi ? (soupir)

- En couilles de taureau ! (émoi)

- Il meugle ? (interrogation)

- Ça dépend ! Mais si vous l'ouvrez, ça peut faire aussi un lit ! (cataracte).

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