Mémorial de la côte 204, place au Printemps de l'Irrespect.

Le dimanche 16 mars 2014, vers 17h, je me rendais au mémorial de la côte 204, à Château-Thierry (02400), afin d'entretenir le souvenir des victimes de la deuxième bataille de la Marne (1918). Au loin, deux éléments me frappaient alors, d'une part l'imposant monument que l'on distingue depuis la départementale, comme toujours je ne pouvais que m'émouvoir devant un tel édifice, d'autre part, distinguant au loin le parking, j'étais frappé et heureux de voir tant de véhicules stationnés ! Mes chers concitoyens seraient-ils enfin soucieux de comprendre et de sauvegarder la mémoire du passé ?

Cependant, cette douce impression se transforma très vite en désillusion lorsque, entrant sur ledit parking, je découvris une scène cauchemardesque à la limite du réel et de l'entendement ! Le soleil resplendissant, portant avec lui un air de printemps, venait de déverser sur les murs du Mémorial une éclosion d'irrespect ! Quelle ne fut pas ma première « surprise » d'entendre éclater les rires, les cris et les raps de mauvais goût crachés par des chaines hifi, inonder les lieux, dès la sortie de mon véhicule ! Mais cela n'était rien qu'un bruit de fond à une orgie d'irrévérences ! Les pelouses entourant ledit monument étaient semblables à un square public ! Je n'aurais pris la peine de compter le nombre de carré de tissus sur lesquels des familles complètes pique-niquaient, ni le nombre d'enfants, sous les encouragements de leurs parents, jouant au football en s'injuriant de tous les noms sur les versants même ou des milliers de soldats trouvèrent la mort ! Au centre, les murs du Mémorial servaient de cages de buts, de tables où deux hommes dégustaient un champagne (Que célébraient-ils ? La victoire de l'inculture et de l'insolence ? ), ou encore de piste de vélo et de trottinette … Il est vrai que la carte sur laquelle est représentée le champs de bataille est un excellent spot pour faire des cascades en deux roues ! Merci aux architectes des années Trente d'avoir pensé à pareil divertissement pour la jeunesse française !

En somme, j'étais le spectateur impuissant d'une profanation sans nom ! C'est les larmes aux yeux que j'assistais à cette mascarade ! Découvrir cette jeunesse, poussée par leurs parents à l'incorrection la plus totale me laissa un goût amer ! Il y a cent ans, dix millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont quitté ce monde dans l'horreur d'une guerre sans pareil ! Aujourd'hui, l'on apprend aux enfants à jouer sur les monuments qui sont dédiés à toutes ces victimes !

Que dirait un citoyen américain s'il découvrait quel respect la France offre à ses ancêtres sacrifiés sur les bords de la Marne ?

Le bouquet final à ce feu d'artifice immonde est, selon moi, cette réflexion d'une femme, à ses enfants, « On s'en fout de jouer sur un monument aux morts ! Allez y les enfants tirez dans les murs ! Ils sont morts, ils sont morts … On va pas en faire un plat ! » ! Que dire... si ce n'est résumer cette phrase par le titre d'un des romans de Boris Vian : « J'IRAI CRACHER SUR VOS TOMBES ! ». Voilà donc, en mars 2014, ce que devient le Mémorial de la côte 204 : UN PARC PUBLIC ! N'y a t-il pas suffisamment d'espaces verts à Château-Thierry ?

C'est le cœur lourd que je termine cette lettre, qui n'est que le pâle reflet d'un spectacle inimaginable ! En 19 ans je n'ai jamais vu pareil outrage ! D'Oradour à Verdun en passant par Omaha Beach jamais je n'ai assisté à un tel florilège d'horreurs ! Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour les citoyens du monde qui viennent sur la côte 204 pour se recueillir... Quel belle image de la France ils ont ! Quel respect pour ceux qui sont morts ! Quelle représentation des valeurs républicaines !

Avec le printemps, renaît la nature ! À Château-Thierry, avec le printemps demeure l'irrespect ! En conclusion, jamais je n'ai été aussi choqué et ému par pareille stupidité ! Loin d'être fermé d'esprit, je viens vers vous dans le seul but de vous informer afin que cette scène ne soit pas rejouée aussi fréquemment que je n'ose l'imaginer ! J'espère que ces mots ne resteront pas vains, afin que la MÉMOIRE jamais ne se meurt !