Mes moires du manoir

flodeau

Chaque matin où elle se lève, comme chaque matin où elle se couche, elle raccroche son réveil sur l'éclat rouge et noir d'un tableau qui s'éveille. Le soleil offre d'abord ses lueurs timides du levant sur des couleurs fracassantes, dont deux ne sont même pas de vraies couleurs d'ailleurs, rouge et noir sur fond blanc. Les yeux encore embués de sommeil, on ne peut qu'encore si peu, en deviner le contenu. Pourtant sans cesse son regard se pose et se repose sur ces quelques rayons qui vont s'intensifier et faire sortir de l'ombre,  de ce tableau souvenir, auquel elle s'est attachée, une nouvelle couleur, qui n'en est pas vraiment une non plus, la couleur argenté. Ce n'est pas une œuvre, non vraiment pas en soi, c'est un tableau de bric et de broc qui n'a aucune valeur marchande, comme presque tout ce qu'elle possède : contreplaqué, 50x70, revêtu d'une simple couche de gouache noire, d'un puzzle, papillon rouge sur fondu jaune-oranger, peint par quelque peintre anonyme,  de 500 pièces, de quelques vers de Baudelaire en lettres de lune manuscrites. Ce tableau a déjà huit ans, se dit-elle, ce matin-là, et puis se posa la question de savoir surtout pourquoi il est encore là ?

Chapitre un : Avoir la main, moment où pour la première fois elle l'avait fait et accroché au mur de sa chambre, une autre chambre d'ailleurs, en autre lieu : 

Episode 1 : Mettre la main à la pate

Le guitariste numéro un était en train de sortir de sa vie avec perte et fracas, son alcoolisme, sa jalousie maladive de plus en plus extrême avaient finis par ensevelir sous des horreurs tout ce qu'il lui avait apporté de bonheurs. Chose dont elle a énormément de mal à faire face, mais si ils restent ensembles, il y aura trop de blessés, elle se doit de protéger ses enfants. Lui non plus, elle n'a  pas su l'aider. Alors pour anesthésier son cœur et son âme et retrouver un peu de calme, elle fait des puzzles, pendant des heures, cela lui évite de mourir d'une overdose de pensées mélancoliques. Il aura même établi un record, 3500 pièces en une semaine, en quatre puzzles, dont un, le papillon, même le claviériste, père de ses deux précieux enfants, avec tant d'années de vie commune, n'en a pas demandé autant. Mais, le guitariste humaniste en valait le coup et elle l'aime tellement encore. Pendant qu'il se colère à ses affaires, elle colle les 500 pièces sur le contreplaqué, bien centré, ou presque, car elle est un peu fâchée avec la symétrie d'ailleurs, et se dit qu'il lui reste encore beaucoup d'espace à combler, pas comme les puzzles à 1000 pièces qui remplissent le tableau tout entier. Alors, comme elle est aussi fâchée avec l'harmonie des couleurs, elle se demande avec quoi va le rouge et tombe d'accord avec elle-même sur le noir. Top départ de la période bleu qui avait sonné son glas, elle habillait son intérieur de rouge. Son pinceau encore tout barbouillé, elle regarde le tableau insatisfaite, tout ce noir lui fait peur, il manque quelque chose d'important qui donnera une certaine lumière, mais quoi ? Il passe et repasse devant elle, il va partir et veut qu'elle le retienne, alors elle sait. Elle va l'écrire de son stylo argenté, ses vers fétiches depuis l'aube de ses collégiennes années, l'essence même en reflet de ce qu'elle est ou de ce qu'elle croit être :

 

Prends dans ta main cette larme pâle

Aux reflets irisés d'un fragment d'opale

Et mets-la dans ton cœur

Loin des yeux du soleil

 

Comme un miracle, elle regarde extasiée, la lumière et la calligraphie qu'elle vient d'apposer, la délicatesse et la perfection s'entremêlent parfaitement au tableau de bric et de broc, malgré toute la douleur qu'elle ressent, elle trouve le courage de le laisser partir.

 

Lorsque le soleil a fini de courir juste un peu plus loin sur le mur blanc éclatant, et juste un peu plus haut, elle s'attarde parfois à regarder le second tableau, sur le principe, c'est le même que le premier, sauf que comme elle les a achetés ensembles, les puzzles, et que le choix des couleurs en histoire de rouge, c'est l'affaire du cœur, sur celui-ci, pas de papillon mais en tout , neufs cœurs en patchwork de 500 pièces, toujours d'un peintre inconnu, même gouache noire, même crayon argenté, mais pas de vers fétiches, des citations qui devraient se mêler sur la toile comme un miracle, mais qui sonnent en discordance, dans son cœur oblige, comme des questions :

L'amour est l'acte par lequel une pensée se fait libre, tout en pensant une liberté.

L'amour n'est ni raisonnable, ni raisonné, c'est une évidence, une intuition.

Dans le véritable amour c'est l'âme qui enveloppe le corps.

  • Les pensées mélancoliques, je les dégomme avec ma console. Si je suis tué, je refais une partie.

    · Il y a environ 3 ans ·
    Lwlavatar

    Christophe Hulé

    • La game over est cependant une seule défaite parmi d'autres qui entraine le gamer à ....à toi de me le dire ;0)

      · Il y a presque 3 ans ·
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      flodeau

  • Pas toujours aisé de s'accorder avec un guitariste.

    · Il y a plus de 3 ans ·
    30ansagathe orig

    yl5

    • Plus facile qu'avec la note ;0))

      · Il y a plus de 3 ans ·
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      flodeau

  • Une écriture avec un sujet un verbe un COD et tout le tintouin.
    quelques réflexions en vrac sur ce texte.
    Le guitariste n'était même pas bon coup à la guitare.
    les puzzles, fastoche ! je fais les 1000 pièces en 3 minutes, mais avec un marteau.
    Signe-t-elle ses puzzles collés sur de l'aglo ? :o))

    · Il y a plus de 3 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • Moi aussi j'aimerais aérer aux quatre coins de Paris, façon puzzle...je ventilerais enfin les psy-choses d'a narcisse! ;0))

      · Il y a plus de 3 ans ·
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      flodeau

    • Moi j'aère parfois mon appart. Je suis un petit joueur.

      · Il y a environ 3 ans ·
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      Christophe Hulé

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