Mes petits secrets 5

laurencemarino

Secret : ne doit pas être connu par autrui ou par un grand nombre, qui est caché, invisible.


Chacun a sa collection, ses passions et hobbys. J'ai jamais entassé les timbres ni les porte-clé. Dans la rubrique passion, mis à part l'écriture, pas grand chose pour me faire repérer. Alors j'ai cherché un joli mot savant pour me démarquer.

Je suis stomatophobe. Deux fois par an, je gobe des demi lexomil pour me relaxer. J'ai peur du dentiste. Enfin pas « du » dentiste parce que la mienne elle est blonde, jeune et s'habille en noir. Elle a un accent slave et met de la musique très fort.  Non, j'ai seulement la frousse d'aller m'allonger sur le fauteuil gris. Puisque ma dentiste rock and roll a gardé le fauteuil gris qui se déplie et m'éloigne du sol.

Personne de ma génération n'aime aller montrer ses bouts d'émail et ses ratiches. J'ai le souvenir des longues heures passée la bouche ouverte, le bruit de la roulette et les douleurs ignobles.

Aujourd'hui le cabinet dentaire s'est civilisé. Il y a des écrans, des ordinateurs, une assistante qui vous nettoie la commissure des lèvres et aussi des tableaux au mur. Ça sent bon et on ne pleure plus dans la salle d'attente. Sauf moi. C'est pour cela que ce n'est pas vraiment un secret. Ce n'est pas caché puisque les autres patients deviennent complices.

Je commence à avoir mal aux dents le jour avant la prise de rendez vous. Voyez-vous la nature m'a doté d'une superbe dentition. Un pauvre plombage rescapé des années 80, quelques traces de carries soignées durant l'enfance mais pour le reste tout est parfait.

Deux fois par an, je prends ce maudit rendez vous et j'ai soudain mal aux dents. Mal d'avoir tellement appuyée sur ma mâchoire, mal de coller mes dents les unes contre les autres, mal aux cervicales de me tordre le cou pour passer le fil dentaire entre mes dents serrées. Même elles, elles serrent les fesses.

Je me raisonne. Je me persuade. Je me dis que je suis idiote, que cette peur est déraisonnée. Rien n'y fait.

Tenez, hier soir, je passais la soirée avec des amies dont l'une qui est éducatrice nous racontait quelques profils de mères étranges qu'elle suivait. Des oh, des ah. Mais de ma bouche rien. Cela aurait été malvenu de me moquer alors que moi super cadre dynamique, je prends du lexomil avant mon rendez vous buccal.

 

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