Miroir aux allumettes

La police invente des mannequins pour faire baisser la vitesse sur les routes. Ces doublures sont à l'échelle un, la taille réelle du flic, soit un mètre soixante-douze aux dernières mensurations de la population coercitive. Il représente un flic en uniforme avec des jumelles à visée laser à la place des yeux, l'ersatz plus con que nature fonctionne très bien. Les Belges ont essayé avec de gros poulets, mais les résultats furent moins concluants.

Cela marche bien, mais un temps seulement, car l'automobiliste de base, qui n'est pas le dernier des abrutis, dès qu'il connait l'emplacement des leurres, accélère méchamment pour le happer au passage.

Qu'importe la police ne manque pas de ressource, elle a collé un vrai flic derrière chaque faux flic. Si vous voyez un flic bicéphale, c'est que le vrai mesure un mètre quatre-vingt-dix. Vous me direz ; que les trop grands pourraient toujours se baisser, mais je vous dis ; qu'il ne faut pas trop leur en demander, non plus ! Ce ne sont pas des douaniers, encore, non plus !

Donc le vrai flic se déplace maintenant toujours avec son double sous le bras. C'est comme avant en plus fatigant, car l'épouvantail pèse cinquante kilos. Les plus astucieux, si, si, il y en a, m'a-t-on dit, ont collé des roulettes aux pantins, c'est la raison de la multiplication de tous ces flics en uniforme à rollers sur le bord des routes. Au lieu de faire du sport de loisir, ils feraient mieux de travailler, on les paye à quoi ces fainéants ? Bordel !

Et en parlant salaire, voilà comment une bonne idée a engendré une grogne parmi la population répressive. En effet, à la suite de cette idée lumineuse, leur solde a été divisée par deux pour payer les doublures. Mais le mécontentement généralisé a été atteint après le licenciement d'un fonctionnaire, chose relativement rare, sous prétexte qu'il était plus bête que son effigie. D'ailleurs le ministère de l'intérieur envisage de remplacer toute la population punitive par des marionnettes dont il pourrait tirer les ficelles à moindre coût.

Je ne sais pas comment évoluera cette idée fumeuse, fumante,  fumiste, mais en ce qui me concerne, ils pourront toujours se brosser quand ils viendront me vendre leurs calendrier de la nouvelle année. Je leur dirais que j'ai déjà donné à leur succédané. Ma tendre me souffle à l'oreille, qu'il y a méprise, ce que je prenais pour des flics raquetteurs n'étaient que des facteurs. Je comprends mieux, à présent, l'incompréhension du postier, quand je l'accueillais avec un « Mort aux vaches ! »