Modiano

petisaintleu

Je n'ai pas pris la peine de consulter le Bottin Mondain ou le Who's who. Il y en avait bien un à  la bibliothèque municipale, mais il datait de 1989. Je le voyais mal côtoyer un jet setter ou une baronne siliconée, lui qui ne sait même pas aligner trois mots sans butter dessus. Dans les Pages Blanches, je ne croisai qu'un Medrano et un Mariano. Mais, là  encore, je ne l'imaginai pas, même en clown triste, pousser la chansonnette. J'en  trouvai un sur Tourcoing. Il était dermatologue. S'il avait été psychologue, peut-être serais-je allé le rencontrer pour qu'il m'aide à  me débarrasser des croûtes qui encombrent les obscures boutiques de mon esprit.

Un dimanche d'août, je me rendis à  Paris. Durant une semaine, je me plantai à  Charles de Gaulle, persuadé que sa nostalgie le ramènerait vers la place de sa première étoile littéraire. Je n'y croisai que des touristes, Japonais, Russes ou Allemands, pacifiés dans la même illusion que l'avenir leur appartenaient. Ils ignoraient les boulevards de ceinture et leurs périphéries misérables.

Pour noyer ma désillusion, j'entamai une errance capitale pour me retrouver, par le plus grand des hasards, rue de Courcelles, face à  la maison Loo. Dans ce quartier perdu, abandonné à  la haute bourgeoisie, je n'y rencontrai que les fantômes d'une jeunesse perdue qui avaient depuis longtemps oublié qu'ils furent de si braves garçons.

 

Je retournai dans ma villa triste d'une ville grise, loin de toute occupation balnéaire ou thermale. Alors, pour tuer le temps, avant qu'il n'ait eu ma peau, je me plongeai dans la généalogie et je m'inventai, pour masquer un pedigree des plus banals, un livret de famille fantasmé.

Le soir venu, pour alimenter ma mélancolie, je m'absorbai dans Modiano.

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