Moi, motard et solitaire

Yann Reynaud

Je les laisserai jouir de leur absence de libre-arbitre, heureux de tourner en carré dans leur enclos de 4 par 3 qu'ils défendront bec et ongles au milieu d'une Nature qu'ils ne sauront même pas voir.

Y a des jours comme ça, t'as juste envie de dire "Oubliez-moi", de prendre ton sac et de prendre la route.
Au hasard.
Loin de cette populace que tu ne comprends pas et qui ne te comprend pas.
N'avoir rien d'autre que tes roues sur le bitume.
Impersonnel. Intransigeant. Impardonnable. Interminable.
Enlever ton masque d'individu lambda pour te confronter à l'inconnu, à l'autre, à toi-même.
Choisir la 3° option. Toujours.
Avec toi, contre toi ou sans toi.
Tu peux te faire submerger par tes peurs, leur faire front ou simplement les oublier.
Arrêter le temps. A ta manière. Selon tes critères. Selon tes envies. Selon tes choix.
Vivre, là, ici, maintenant, sans se remémorer hier ni s'imaginer demain.
Profiter du paysage, sans en faire partie. Regarder le monde au travers de ta visière quand d'autres s'émerveillent sur la connerie humaine au travers de leur écran abrutissant et faisant d'eux de la bouillasse de cerveau neurasthénique conditionnés pour consommer ce qu'on leur dit, comme on leur dit, quand on leur dit.
Avec eux, contre eux ou sans eux.
Je ne me battrais pas. Je les laisserai jouir de leur absence de libre-arbitre, heureux de tourner en carré dans leur enclos de 4 par 3 qu'ils défendront bec et ongles au milieu d'une Nature qu'ils ne sauront même pas voir.
Juste prendre la route, et considérer chaque rencontre, chaque étape, chaque chapitre comme un nouveau point-relai qui ne servira qu'à contempler le chemin parcouru, se remettre les idées au clair brièvement pour vite repartir vers des destinations que l'on ne veut surtout pas définir.
Juste prendre la route, éteindre son cerveau et se sentir vivant.
Le plus longtemps possible.
Sans oublier que quelque soit la vie que l'on mène, on n'en sortira pas vivant.
Alors fais du sur-place si tu veux.
Moi j'pars devant.
Et n'essaie pas de me suivre, car même si on prend la même route, on ne verra pas les mêmes choses. 

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