Mon âme habite ici

Louisa Slama

Un air de violon flottait dans la friche. Il faisait nuit et en marchant, je levais la tête. Le ciel était noir et gris, pas une de ces nuits orange comme seule la ville peut en créer.
Puis il y avait la lune, grosse et boursouflée de lumière qui se détachait lentement d'un amas de nuages. Je restais plantée là, à attendre de pouvoir la voir nue, rallumant patiemment ma cigarette. Quand elle apparut, pleine, entière, me procurant la même émotion habituelle, celle si particulière de la découverte de la Beauté, sonna une évidence en moi. 
L'entêtante cause de la recherche de la Beauté, ses formes et son Art, le sentiment premier, l'émoi qui vous percute en pleine chair, m'avait filé des doigts. Je l'avais perdue, oublié dans un recoin pitoyable, éclairé par une lumière douteuse, grisonnante sous les volutes de fumées épaisses. 
Ma recherche, quant à elle, des corps, des sensations et apprentissages nouveaux, n'était qu'une façade creuse pour me divertir d'une recherche plus hargneuse, violente et ingrate, celle de la Beauté ou, je ne peux définir, de l'Art.
Je n'ai jamais su comment sortir des méandres de ma tête. L'avis extérieur en devient donc vital, même maladif, prenant amèrement les courbes de l'égocentrisme. 
C'est le fouillis et j'ai l'impression que j'ai la tête remplie d'eau qui dégouline et s'agite au moindre frôlement, se transformant en tempête à chaque impact. 
Ma tête cogne souvent d'ailleurs.

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