Mon AVC à MOI
Hervé Lénervé
Tout commença comme tout commence, avant d'être déjà arrivé. Je me levais tranquillement un matin, tranquille, oui, tranquille, le gars ! Pourtant, j'avais une petite interrogation qui me trottinait derrière la tête comme une ritournelle qui « ritournait » sans cesse en me titillant un brin. Je savais que je ne travaillais plus, certes, mais je ne me souvenais plus de la raison exacte pour laquelle je ne travaillais plus, moi ? Donc au lieu d'aller me recoucher, tout bonnement, comme j'aurais dû le faire, j'eus la mauvaise idée de poser la question à ma Tendre.
- Dis-moi, Ô ma Chérie, ma muse, mon égérie, mon crapaud ! Là, ôte-moi d'un doute ? Suis-je en vacances, en maladie, à la retraite ou tout bonnement, mort ?
En fait j'étais à la retraite depuis trois mois seulement, c'était récent et j'aurais très bien pu l'avoir oublié. Ma Tendre ne l'entendit pas ainsi, car ma femme n'aimait pas que je l'oublie, que voulez-vous ma femme est une femme ! Allez, hop, les Urgences !
Pour avoir glandé plus de dix dans les UFR de psycho à la Fac, je connaissais par cœur les questions des urgentistes, pourtant je me suis trouvé con à ne pas savoir leur répondre. Le nom du président actuel ? Pas De Gaule, sûre ! Mais l'autre, le Hollande, perdu, aux oubliettes de l'Histoire, de ma Mémoire du moins. A ma décharge, il n'a guère marqué les esprits. Le jour actuel ? Je ne me souvenais même pas de l'année, alors le jour qu'il pouvait bien être dans cette année absente, franchement, quelle importance ? Je répondais pourtant sans y croire, 2027, pourquoi 2027 ? Aucune idée ? C'est peut-être l'année de ma mort, allez savoir ? Avec le psychisme, tout est possible ! J'avais perdu « le maintenant » mais pas « l'ici ». Je savais être à l'hosto de Montreuil et habiter Romainville, c'était déjà ça. En fait, pour être sincère, mon état d'égarement ne m'inquiétait pas plus que cela et même pas du tout, d'ailleurs. J'avais tellement failli mourir dans ma vie que c'en était indécent et je m'y étais habitué. Habitué à toujours m'en sortir. Ce que je trouvais le plus perturbant là-dedans, étaient des souvenirs que je savais ne pas pouvoir m'appartenir et qui se mélangeaient, avec la même acuité, à d'autres qui auraient pu être plus plausiblement, miens. Ça c'était véritablement troublant. Ne plus savoir dans le peu de souvenirs qui vous restent, et qui font de vous, la certitude intime d'être Soi, ce qui est de la réalité, de ce qui est de la fiction. Ne pas pouvoir être certains que ces images, ces réminiscences, qui vous habitent, ne sont pas celles de livres, de films ou de discussions avec d'autres. Ça c'était balèze ! Ce flottement peut laisser pour le moins perplexe, enfin je ne sais pas pour vous, mais pour moi, si, j'étais perplexe de perplexité. En fait, je savais être Moi, mais je ne savais plus exactement qui était ce putain de Moi. C'était confus et j'étais assez confus ! Une impression de flotter dans une confiture fruitée à la confusion. Je passais donc mon temps d'hosto, à passer aux cribles mes archives perso pour trier le bon grain de l'ivraie.
Maintenant que vous savez tout ou presque de mes défaillances, vous serez plus indulgents sur mes incohérences, mes délires, mes conneries quotidiennes. « Ô vous tous ! Mon trouble est profond. Ayez pitié du pauvre Hervé ! » Ca ça marche toujours ! Un soupçon de commisération et hop ! C'est s'assurer une bonne note au devoir, j'avais déjà testé le truc à l'école.
La prochaine fois je vous raconterai quand j'ai failli mourir en tombant de mon toit, en tombant de vélo, en tombant de moto, en tombant d'un avion de ligne, en tombant dans un volcan, en tombant dans les pommes, en tombant amoureux. Enfin on verra tout cela, une autre fois, peut-être, qui sait ? Vous ferez le tri de tous mes délires mieux que moi. Enfin, évitez de chuter et gardez-vous des chutes de tuiles du toit sur soi.
Allez, Bisous les gars et les garsettes !
Tu as eu de la chance. Un de mes clients a eu un AVC... 12 mois plus tard il arrive à peine à se servir d'une souris pour ordinateur ; quand à ma gueule, pas d'AVC mais une embolie bi-latérale à 40% (sachant que l'embolie est mortelle à 18% sur un poumon) ; je me considère comme un petit veinard aussi...
· Il y a environ 7 ans ·Marcus Volk
Quand la mort ne veux pas de nous, il n’y a rien à y faire Elle ne veut pas, elle ne veut pas ! C’est une vraie bourrique la camarde !
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
Je ne sais pas pour toi, mais moi je ne cherche aucunement à la contrarier...
· Il y a environ 7 ans ·Marcus Volk
Tu as mille fois raison. La vie est belle ! Profitons d’elle tant qu’il y en a.
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé