Mon cœur à nu sous mes côtes pointues
Lev Hamels
Je cherche encore le moyen d'aimer ce corps qui me semble bourré de défauts et de cynisme. Certains disent que j'ai un miroir grossissant dans les yeux. Ont-ils raison, ont-ils tort ? Je ne sais pas.J'ai voulu détruire celle que j'ai pu être. A tort, à raison, sait-on jamais ? Je ne supportais plus cette fille, puisqu'elle ne pouvait plus être aimée de celui qui comptait tant à mes yeux.Le piège anesthésiant de l'anorexie, c'est qu'avec la tête pleine de chiffres, les sentiments se font plus discrets. L'anorexie est méthodique, et c'est sûrement cette rigueur que je cherchais. Le poids est un chiffre, L'IMC un calcul, les mensurations un volume. Rien n'est laissé aux sentiments ou au jugement. 50kgs sont 50kgs peu importe les états d'âme. L'anorexie était rassurante.Mais à quel prix ?Fatigue, isolement, étourdissements, culpabilité, angoisse... Mais qu'est-ce que je fais ? C'est décidé, je vais guérir. Et dans la seconde qui suit, l'idée de reprendre ce poids si durement perdu s'impose à moi comme un cauchemar. Ne pas redevenir "grosse", quitte à n'être qu'un sac d'os. Ne pas redevenir laide à mes yeux, quitte à l'être pour le reste du monde. Plutôt avoir un corps terrifiant qu'une vie terrifiante.Le paradoxe qui empêche de guérir malgré la conscience du risque : Je veux guérir et je veux maigrir. Je veux être en bonne santé, avec un IMC de 15. Je veux engloutir pizzas et chocolat, et rentrer dans du 8 ans (j'en suis déjà à 12). J'ai peur de guérir, peur de retrouver tous ces complexes sur lesquels mes yeux zooment indéfectiblement. J'ai peur de me haïr à nouveau, peur de ne jamais atteindre cet idéal fixé.