Mon Phallus voulait. Pas moi.

hectorvugo

Derrière la fenêtre embuée, la ville dort. Il pleut des pommes et les chats sont verts.

Les matins ne me réussissent pas. L'appartement ressemble à une chambre d'adolescent. C'est un vaste désordre, une caverne d'Ali Baba ou résonnent les voix de la nuit dernière, celles ayant crié trop fort leur bonheur.

La jouissance ça fait mauvais genre, ça ne résiste pas à la propreté des « puceaux de la vie » ces gens trop clean pour prétendre s'envoyer en l'air avec des pilules ou des joins.

Je les déteste. Je leur préfère les kamikazes du plaisir. Leur compagnie n'est pas discrète, mais elle a, au moins,  le mérite de donner à l'existence un relief suffisant pour la supporter.

Même si à l'aube j'ai l'air d'un hibou gobant le  monde sans trop le comprendre.

Pourquoi les matins d'après défonce, je me prends la ville en plein visage comme un Magritte que je ne digère pas.

« Il pleut des pommes et les chats sont verts », pauvre imbécile !!!

Et s'il neige, c'est de la compote !!!!!

Et si les félins se prennent pour des greens c'est pour paraître écolo !!!!

Je ne vois pas l'intérêt. Ils le sont déjà avec cette manie de se soulager dans un bac à cailloux blancs.

Bonjour l'odeur. Les chats ont l'art de laisser une trace olfactive de leur passage. On ne les oublie pas. Un peu comme  les femmes et les hommes à l'hygiène douteuse.

On ne rêve que d'une chose c'est de s'en débarrasser.  On les raye de notre carnet d'adresses, on ouvre les fenêtres en grand pour aérer les pièces. Sans résultat probant. L'odeur reste dans les esprits, les caves de l'intime. Elle infuse pour pourrir votre mémoire.

Ce matin, je sens cette odeur s'installer à jamais dans les tiroirs de mon épiderme.

Une odeur d'urine, de transpiration, de parfum de luxe, les trois se mélangeant pour donner un cocktail à vomir Ou niche-t-elle ? Pas ici, pas dans ce salon. Malgré son fumet dont je subodore la  présence timide, une sorte d'invitée tapie dans l'ombre, discrète, et suffisamment puante pour être remarquée. C'est comme une mauvaise surprise qui vous dit : « viens me rejoindre là où je réside vraiment ».

Je me lève, je la suis. J'enjambe les cadavres de bouteilles, les cendriers, les vinyles de Cole Porter, les hebdo aux couvertures ringardes, les verres à moitié vides, les coussins multicolores du canapé ayant fugué loin de la table basse, une écharpe rouge dressant une ligne imaginaire vers le couloir, le chemisier rose à deux pas de la salle de bain, la jupe noire au seuil de la chambre, et enfin un soutien-gorge et une culotte au pied du lit.

Gros plan sur le sommier. Les draps sont froissés. Un corps y termine sa nuit. Il est nu, presque sensuel, doué d'une chevelure mal assumée, mal cachée avec une couleur blonde qui devient brune à la racine.

Les cils trop noirs finissent de trahir cette volonté d'échapper à une image d'Ava Gardner.

Ce corps étranger ronfle. On dirait une porcine qui achève un rêve dont je crains être le personnage principal.

Sa bouche s'ouvre et envoie quelques gémissements. C'est mauvais signe. Le réveil d'une femme heureuse ne me dit rien qui vaille. Qu'est-ce que j'ai fait avec elle la nuit dernière ? Qu'est-ce que je lui ai balancé aux oreilles pour qu'elle se retrouve là dans le plus simple appareil ?

Elle émerge et me sourit.  Même défoncé au petit matin, elle me trouve beau. Quel manque de clairvoyance. Elle s'approche de moi.  Je perçois franchement cette odeur, cette invitée surprise qui m'a mené jusqu'ici. Sa peau suinte ce trio infernal d'urine, de transpiration et de parfum de luxe.

Elle me susurre « bonjour mon chou » et m'inflige un french kiss.

La métaphore pâtissière c'est le bouquet !!!

Que lui répondre ? Je n'en sais rien. Je subis. J'ai presque un haut le cœur en sentant sa langue caresser la mienne. J'y échappe avec la méthode de la laitue. Quand j'embrasse une femme que je n'aime pas, je pense très fort à une scarole que je mastique. Ca fait passer la pilule du baiser que l'on ne désire pas.

La laitue le matin c'est spécial, ça change de la tartine et du café.

J'ai un mal de chien à faire le vide. Je cherche le prénom de cette poupée qui s'acharne à fouiller amoureusement mon palais.

Comment s'appelle-t-elle ? Je l'ignore. C'est dingue.

D'où je la connais ?

Je scanne dans ma tête la liste mes amis femmes ou hommes. Rien, Nada, Le vide.

Pire, je n'ai aucun souvenir d'elle pendant la soirée d'hier. Il y a eu tellement d'allers et venues.

J'ai juste l'image floue d'une étreinte entre deux hallucinations.

C'est flippant !!!!

Quand je regarde le calendrier placé au-dessus de ma table de nuit, un frisson me parcourt le dos. Nous sommes le 15 février. Je comprends l'erreur stratégique phénoménale de coucher avec une inconnue la nuit de la Saint Valentin.

Satisfaire sa libido un jour pareil c'est aller au-devant d'un terrible malentendu. L'amour et le sexe ne se mélangent qu'à une seule condition. Il leur faut de la lubrification et des sentiments.

Or je n'éprouve rien pour elle.

-          Ma cacahuète d'amour, tu veux bien me faire un café ?

-          Oui ma caille

Qu'est-ce qui me prend de l'appeler ma caille ? D'où sors ce sobriquet ? Je ne suis ni éleveur, ni poète. Seulement son prénom ne me revient pas. Elle a une tête à s'appeler comment ? Mon cerveau mouline dans le vide. Mon disque dur rame. Alors ma caille ça meuble, c'est passe partout.

Elle enfile ma chemise blanche et en respire le col.  Elle ferme les yeux.

-          J'aime tout de de toi, même ton odeur

S'il savait ce que je pense de la sienne, elle me quitterait sur le champ.

Je lui prépare un café à l'ancienne, dans une cafetière à filtre. Le Nespresso je le réserve pour mes amoureuses. Faut pas pousser.

Elle s'installe dans la cuisine. Elle m'observe attentivement. Je sors un bol, une cuillère, deux sucres.

-          Tu fais bien l'amour ma cacahuète. J'ai joui trois fois hier soir

Elle tient la comptabilité de ses orgasmes. C'est effrayant. J'ai l'impression d'être un sexe toy qui prépare son petit déjeuner.

-          J'ai faim. tu peux me donner de la brioche mon roseau enchanté ?

Tiens, voilà de la poésie chinoise. Roseau enchanté quelle idée ! Je lui rétorque : « oui mon canard »

Elle rougit en trempant sa brioche dans son bol de café.

Ça démarre mal cette histoire. Je ne maîtrise rien.  Je la vois rêvasser les yeux dans le vague.

Je suis mal. Comment je vais m'en débarrasser ?

-          Dis-moi bichon, tu les trouves comment mes jambes ?

Ca y est la miss se la joue Bardot dans Le mépris. Moi je ne suis pas Piccoli. J'ai juste picolé un peu et pris de l'exta hier. Voilà le résultat. J'ai un sparadrap avec deux gros seins dans ma cuisine qui me fait l'inventaire de son physique.

-          Je lui réponds : longues.

Quelle répartie mon vieux !! Une autre femme m'aurait ri au nez et filé. Pas elle. Elle rêvasse encore plus et adopte une pause provoquante toute en finissant de déglutir sa brioche. La commissure de ses lèvres laisse échapper un filet de café au lait qui finit sa course sur ma chemise blanche.

Un amour, ça nait, ça grandit, ça se tue dans le quotidien avec le temps. En l'espèce, je  n'en attends pas grand-chose. J'assiste à son avortement.

Comment ai-je fait pour coucher avec elle ?

Une erreur de jeunesse ? Non. A mon âge c'est dépassé.

Une envie à satisfaire ? C'est plus probable.

En fin de soirée quand les convives les plus frais partent (ceux  suffisamment lucides pour conduire, prendre le métro, ou encore appeler un taxi), ils restent les grands consommateurs, les « overdoseurs » jappant leur appétit de vivre dans un trop plein d'expression physique. Alors on danse, on chante.

Généralement  ils sont trois ou quatre grand maximum. Hier soir, nous étions deux. Elle et moi. Quand un homme et une femme se retrouvent seuls, c'est toujours une histoire de peaux, de frottements et d'emboitements circonstanciels. Surtout s'ils sont dans un brouillard artificiel.

C'est choses-là n'arrive jamais à jeun.

La voilà qu'elle plonge sa tête dans le bol. Elle boit. Elle imite le vieillard qui avale sa soupe dans une déglutition sonore immonde. Ca scratche, ça glougloute, c'est David Guetta à Télématin.

Sa tête sort du bol dans un mouvement au ralenti très « Elséve » de « l'Oréal ».

Est-ce qu'elle le vaut bien ? Non.

J'ai envie de lui dire : «  Pars, Casses toi ! ». Mais un reste d'éducation m'en empêche. J'ai pitié  de son regard. Elle a les yeux d'une chienne paumée, d'une batarde  que j'ai caressé par pulsion, par charité chrétienne aussi.

Trop bien  puisqu'elle semble m'aimer.

Elle me fixe en silence, puis le brise avec ce mot : « qu'est-qui nous arrive ? »

Elle est tellement dans son délire d'amoureuse qu'elle fait des fautes de grammaire. Elle utilise le nous. J'ai envie de lui dire : « Tu seras  gentille de ne pas m'associer à ta question, enlève le nous tu veux, remplace le par un m apostrophe. Repose-toi la question correctement : qu'est-ce qui m'arrive ? C'est ton problème ma vieille, pas le mien ».

Mais ma langue ne suit pas mon cerveau. Ou plutôt les mots n'arrivent pas assez vite. Alors je reste dans un mutisme qui peut être dangereusement mal interprété.

Je ne dis rien et je baise les yeux comme un timide pris en flagrant délit sentimental.

La bêtise absolue. Le contresens qui tue.

-          T'es trop chou tu sais.

Elle se lève et m'embrasse. Un baiser court heureusement.

 

-          Je vais me doucher.

Je souris en imbécile heureux. Ma voix intérieure balance : « Bonne idée. Avec un peu de chance ton odeur fichera le camp »

Pourvu qu'elle nettoie chaque centimètre de son corps avec application, cela me donnera le temps de réfléchir à la façon de me la mettre dehors.

J'entends le jet d'eau dans la cabine de douche, le début d'un retour à l'ordre établi.

Mon portable sonne. C'est Arthur.

-          Salut Jack. Alors bien dormi ?

-          Pas assez.

-          Quelle soirée hier hein !!

-          Tu m'étonnes. On s'est bien éclaté

-          Tu n'as pas eu de problème avec les voisins

-          Aucun. Tu sais bien que je les invite toujours

-          Ils étaient là eux aussi ?

-          Oui

-          Je ne les ai pas vus. Il y avait tellement monde.

-          C'est vrai. Je me demande si c'était une bonne idée

-          Pourquoi ?

-          On était un peu à l'étroit

-          Sauf en fin de soirée

-          T'as raison

-          Alors ?

-          Alors quoi ?

-          Ca s'est fini comment avec Petra ?

-          Petra ?

-          Petra, celle qui tu emballais déjà avant que l'on parte.

-          Ah oui, ça me revient

-          Tu sais que c'est la femme du « zigouilleur ». S'il apprend que tu t'es approché d'elle, tu risques de gros problèmes. Alors dis-moi tout ? Tu lui as offert un dernier verre, tu as repoussé ses avances et tu lui as appelés un taxi ?

-          Non. Il me semble avoir couché avec elle.

-          Il te semble !!! Il te semble !!!!

-          A quoi elle ressemble cette Pétra ?

-          Mais tu es à l'ouest mon vieux !!! t'es encore défoncé !!!!

-          Arrête de me gueuler dessus tu veux !!!! Dis-moi juste à quoi elle ressemble !!!!!

-          C'est une fausse blonde un peu en chair et un poil vulgaire. Ça te revient ?

-          C'est le portrait de la fille que j'ai trouvée dans mon lit ce matin

-          Elle est encore chez toi ?

-          Oui. Elle prend sa douche.

-          Le zigouilleur la cherche partout. Il a envoyé ses hommes à travers la ville pour la retrouver. Un conseil Jack, Tu la sors de ta salle de bain, tu l'habilles, et tu la fous dehors sinon…..

-          Sinon quoi ?

-          T'es un homme mort

 

Les amis ça sert parfois à vous dégriser. Jack m'a servi de café noir salé.

Tout m'est revenu absolument tout. Hier soir Petra but une bouteille de vodka, et désinhibée par l'alcool elle caressa mon entre jambes avec entrain. Devant la faiblesse de ma réaction, elle décida me lécher le  lob de l'oreille gauche, tout en m'avouant en anglais : « I want you  ».

Même si mon cerveau ne la trouva pas à son goût. Shakespeare réveilla mon sexe. Petra devint pour lui une femme désirable sur le tard.  

J'étais ailleurs, en pilotage automatique, sans ce libre arbitre qui, en temps normal, fait de l'homme un animal doué de raison.

Mon phallus prit le contrôle de tout avec son expression intellectuelle binaire sans grande réflexion.

Avec lui ou c'est oui ou c'est non. Hier soir c'était oui.

Petra sort de la salle de bain. Elle s'est rhabillée.

Mon cerveau s'est remis à l'endroit. Les mots viennent. C'est du classique.

-          Petra, il faut que l'on parle

-          Ne te donne pas tout ce mal mon chou. Je sais.

-          Ah bon.

-          Tu vas me dire de partir parce que Zadig me cherche.

-          Zadig ?

-          C'est le petit nom du zigouilleur mon chou. Je file t'inquiètes il n'en saura rien pour nous. Je te laisse le numéro de mon deuxième portable

-          Mais…

-          Y a aucun risque. Tu m'appelles quand tu veux.

-          Tu sais Petra, nous deux ça va foirer

-          Si y a une chance que ça foire alors je veux la tenter.

Elle ouvre la porte, m'embrasse à nouveau et part.

Cette femme est bien un sparadrap avec deux gros seins. J'ignore encore comment je vais la larguer.

Il le faudra bien. C'est une question de survie.

A moins que mon phallus en décide autrement…….

  • Que c'est embarrassant.. Que ne sommes nous pas capables d'anticiper les conséquences de ces coups de queues, si insignifiants, si irresistibles. Voir un peu plus loin que le bout de sa queue nous éviterait tant de deconvenues... Que nous arrive-t-il ?

    · Il y a presque 7 ans ·
    Baiser lanfeust2

    dinoruf

    • nous sommes victimes de notre nature......

      · Il y a presque 7 ans ·
      Image 8 54

      hectorvugo

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