Mon ultime trésor.

Celine Chapuis

Dans l'ascenseur, je m'accroupis. Je reste figée par l'intensité de la douleur. Les mots deviennent des cris, je ne suis qu'à moitié consciente de ce qui se passe autour de moi. Une sage-femme me prend en charge et me conduit jusqu'à la salle d'accouchement.

- Je veux la péridurale!

- Je vais d'abord vous examiner pour savoir à quel stade vous en êtes. (...) Ah. Non, il arrive. Il va falloir vous mettre en position pour pousser.

Ma douleur se transforme en terreur. 

- Sans péridurale? Là? Tout de suite? Non! Je ne peux pas.

Mettez-vous sur le côté, et à la prochaine contraction, vous allez pousser de toutes vos forces et il va sortir.

Les larmes se mêlent aux cris. Je ne suis pas prête. J'ai mal, j'ai peur. Je plonge mon regard paniqué dans celui de mon mari pour y puiser un peu de courage et quelques encouragements muets. Il me sert la main. Un hurlement accompagne la vague croissante de douleur désormais familière qui s'intensifie et semble ne jamais vouloir disparaître. Comme si une bourrasque m'emportait au loin, mon esprit part à la dérive.

Mais soudain je pense à lui. Il est là, prêt à sortir. Est-ce qu'il a mal? Est-ce qu'il a peur? Je rassemble mes forces pour le sortir de là rapidement. En quelques secondes, je sens sa tête passer. Je suis bouleversée mais je dois continuer. L'émotion se mêle à la douleur. Son corps tout entier glisse hors de moi. Il est là. Je peux le prendre, je peux le voir. Il pousse son premier cri. Il a mal, il a froid. Lové contre mon coeur, il se réchauffe tout contre moi et se rendort. Quelques heures plus tard, je porte un regard rempli de tendresse sur ce corps minuscule, emmitouflé sous sa couverture. Je suis béate d'admiration pour ce petit être dont la vie vient d'être bouleversée et qui demeure pourtant si paisible. 

Mon troisième bébé. Mon ultime trésor.

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