monster.

redisblacklove

Penchée au velux de ma chambre, uniquement vêtue d'une couverture polaire qui se trouve sur mes épaules, cigarette à la main droite, mon corps encore tremblant de l'instant d'avant, je me contente d'observer la ville de nuit et ses mille points de lumière.

Il y a cette musique qui reste ancrée dans ma boîte noire. Elle semble si présente, et pourtant, cela fait des années que je ne l'avais plus écouté. 

Cette sensation de manque qui traverse mon corps n'est que davantage présent à cet instant. Et en plus de celui ci, tant d'autres choses sont parties.

1) Des gens de ma vie, 2) le bonheur qui autrefois était souvent présent, 3) ce qui me remplissait intérieurement, 4) l'amour.



Retour en arrière, comme une sorte de flash-back mental. 



Je me revois à travers ces notes de musique et la fumée qui sort de ma bouche. Elles me rappellent la fille que j'étais autrefois. Je suis allongée dans mon lit, du sang dégoulinant de mon visage singulier. 
Bien sûr qu'il s'agit du mien, je suis seule dans cette grande maison qui je décrirais comme une de mes prisons mentales. 

Il y a cette maison, dans laquelle j'habite depuis maintenant onze années, le jour de la semaine "jeudi", le mois de mars et ce banc qui font partis de ces prisons. Pas n'importe lequel, non, juste celui auquel je pense. 

Ce sont ces petites choses qui font ce que je suis à ce jour. Froide, méfiante, mais surtout intérieurement vide. 

La maison. Il y avait tant d'ondes négatives lorsqu'on passe le pas de la porte d'entrée que je ressens en double, voir triple. Je me sens comme contrainte de retenir le plus possible ma respiration pour n'en inhaler qu'une quantité minime. Je ne m'y sens pas chez moi, et ça m'angoisse. Seule ou non, je m'y sens très mal.

Jeudi. Jour de regrets, d'abandon, de tristesse, d'espérance mais surtout dernier jour. Toute chose qui dans ma vie débute, a prit fin un jeudi.


Le mois de mars. De très belles choses ont commencées pour moi en mars. Des choses tellement magnifiques et inimaginables que forcément, leurs chutes feront mal. Je me méfies du bien presque inavouable qu'elles me procurent afin d'avoir moins mal lors de atterrissage. Une fois une erreur, pas deux. La naïveté du trop bien et du trop beau est révolue. 


Le banc. Une seule fois je m'y suis assise avec toi. Une seule m'a suffit pour que je haïsse ce banc de pierres qui me déchire le cœur rien qu'en l'apercevant. Une seul regard pour que je tombe amoureuse, une seule seconde pour que tu m'oublies. 

Toutes ces choses qui font que, mentalement, tout tourne encore moins rond chez moi qu'auparavant. 



Fin du flash-back.



Les mains moites, je n'étais pas réellement consciente de ce que je venais de faire. Ce n'était qu'une fois redescendue et revenue à mon vrai "moi" que je me rendais enfin compte de ces choses. Mon visage saignait de ma propre rage. Mes bras étaient remplient de bleus présents pour extérioriser mon mal être. Mon corps tout entier exposait une haine proéminente qui montrait à quel point j'étais devenue dingue.
Mon passé m'avait rattrapé par la pensée, tandis que mon "moi" resté sur place s'était chargé de me faire payer le fait d'y repenser.

Je n'étais rien d'autre qu'un monstre dont sa seule cible était lui même. 
Inconsciemment, je me foutais en l'air de la manière la plus sophistiquée imaginable : par la folie mentale qui m'habitait. 

J'ai toujours trouvé un certain plaisir dans la douleur et le dépassement de soi. A ce jour, je ne pourrais nier que les choses ont changées. Le monstre en moi s'accroche, et si je veux m'en débarrasser, je dois me contenter d'attendre.

En trois ans je m'y habitue beaucoup mieux. Je suis capable de le sentir lorsqu'il va sortir de moi, prendre du recul avec les gens pour éviter de leur faire du mal, et surtout, de m'en faire en les perdant. 

Mais je sais que dans plusieurs années, quand j'aurais enfin le courage de me remettrais sur ce banc, un livre sur les genoux, en train de fumer ma cigarette pour dépasser le mal qui me ronge, ou peut être tout simplement comme ce soir là, en me retrouvant devant ce velux à admirer le paysage, ce monstre sera toujours là.

Ce second "moi" qui aura réussi à mettre tous le monde en dehors de ma vie. Et étonnement, cette solitude me conviendra. 

Puis qui sait, peut être qu'une goûte de sang frais dévalera sur mon visage mais cette fois-ci, sans que je n'y prête attention car les deux "moi" ne feront plus qu'un.

Mais est-ce le mal ou le bien qui triomphera?

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