Monstre?

noryx

~Un vieux devoir de la rentrée retrouvé lors de mes rév'. On devait écrire un sujet d'invention sur deux grands personnages du XVI siècle ayant alimenté la polémique de l'humanité et du monstre.

Il a longtemps, eu lieu un débat comme tant d'autres, néanmoins fondamental de par les idées s'en dégageant sur ce qu'était un homme et plus généralement, de ce qui déterminer d'un monstre qu'il le soit. Nos deux personnages, éminents philosophes mais aux opinions divergentes, tiennent à cœur leur idéologie et sont plongés dans une discussion passionnée. L'un, petit bonhomme d'âge au crâne dégarni, écoute parler un vieillard à la barbe florissante sans jamais l'interrompre avant qu'il ait fini d'exposer ses idées. L'autre, moins respectueux ou plus engagé, on ne saurait dire, l'interrompt parfois s'écriant à grand cris d'indignation ou sifflant de mécontentement. À présent, bien que la conversation dure depuis un certain temps et que le sujet ait bel et bien dérivé un nombre considérable de fois, on en vient à parle de monstres:

 

 

-Il est vrai, que le caractère de toute chose, peut se prêter à exprimer l'acte de Dieu, j'en conviens avec vous. Mais mon point de vue diffère néanmoins, car je serais en effet plus à en penser que Dieu, par son infinie sagesse, a placé dans toute forme de vie, une explication ou une rationalité nous dépassant. Ainsi, ce qui pourrait nous sembler étrange et nous alarmer, porterait un caractère de raison si profonde, que nous, n'ayant pas la même sagesse et arrêtés par des œillères bien tristement humaines, auront tendance à discerner cela comme étant quelque chose "de monstrueux". Alors que c'est bien tout l'inverse.

 

-Ridicule! Ces formes de vie ingrates et malheureuses, n'ont rien de sage ou d'illuminé. Ce ne sont que de pauvres entités, maudites de par leur naissance et leur destin, placées ici-bas pour punir la bassesse de sots et pauvres hommes. Elles ne sont pas là, pour une autre raison que celle de nous inciter à voir où l'inhumanité mène et, de par leur difformité, enjoignent les hommes à mener une vie de si ce n'est de plus pieuse, d'au moins plus réfléchie. Sinon, pourquoi croyez-vous qu'on eut placé une si néfaste essence en leur sein?

 

-Cette essence, affirme d'un air posé le gentilhomme, n'a rien de néfaste ou de maudite. Et si vous ne croyez point qu'elle ait un sens, alors, je me permettrai d'ajouter que d'un point de vue strictement humain -car après tout, qui sommes-nous pour interpréter ainsi la parole de Dieu?-, elle est fort appréciable à l'introspection. Non point de ceux qui diffèrent de par leur anatomie, mais de nous, qui mettons guère peu de lucidité ou de placidité dans nos regards empli de préjugés. Depuis toutes à l'heure vous parlez de monstres,  mais croyez vraiment que celui qui montre du doigt en riant vaut mieux que celui la tête penchée sur autre chose, tente de faire abstraction de cette odieuse injure? Celui devant faire preuve de retenue et subissant sans broncher depuis la naissance le même sort, serait donc moins estimable que celui qui rit sans retenue, pour une raison qu'il ne comprend pas lui-même?

 

-Voyez, persifle le deuxième homme, comme vous êtes magnanime! Vous prenez en considération ces monstres engendrés dans le pêché et essayez même de leur prêter un caractère sacré! Puis à défaut d'y parvenir vous tentez, bien vainement cependant, de leur donner un caractère humain! Mais non, je ne me laisserai pas fourvoyer ! Je peux vous dire, qu'ayant lu un nombre considérable d'ouvrage d'érudits estimables et étant proche de tout ceci, que tout cela, tous ces bons mots que vous sortez sont en réalité bien faux. Car ces existences malheureuses portent un sens profond qui n'est pas réfutable. Ce sont des arguments dogmatiques en tout point religieux et emplis de bon sens, qui nous prouvent ce que sont vraiment les monstres. Je peux vous assurer que malgré tout ce que nous ayons débattu, tout cela n'a pas d'autre explication que celle que je vous donne. Dieu, suprême dans sa grâce, sait qu'il faut punir les hommes avec des actes et des faits ainsi furent créés le lac de feu et les monstres.

 

-Hé bien, dit le bonhomme tout troublé... C'est une vision des choses et je ne la mépriserais point. Cependant, de mon point de vue...

 

-De votre point de vue?! Allons bon, n'écoutez-vous point ce que je dis? Il n'y a qu'un seul bon point de vue à adopter!

 

Pensif, le petit homme se frotte le menton.

 

-De mon mauvais point de vue pour vous alors, il m'apparaît comme évident, qu'un monstre n'a guère le droit de l'être car ces semblables humains ont jugés par son apparence qu'il le serait.

 

-Ce n'est pas une question de point de vue, affirme l'autre homme fermement. Mais tout simplement de voir l'évidence. Et il n'en est justement rien d'autre qu'une réaction naturelle à ce qu'une infamie pareille réveille en nous. Les difformités monstrueuses que nous avons la bonté de qualifier de monstre, sont tout simplement l'incarnation du mal à l'état brut, placés sur terre par Dieu.

 

-Vraiment?

 

-Vraiment.

 

-Et celles qui n'étaient pas difformes à la naissance?

 

-Alors, c'est que Dieu a du s'apercevoir de leur noirceur et, a décidé de nous la montrer en la mettant aussi sur leurs corps.

 

-Pourtant il existe d'autres hommes, qui ont commis des actes bien plus néfastes que ceux que vous qualifier d'infâmes, mais qui malgré tout garderont une belle apparence jusqu'à l'échafaud.

 

-Mais cela sont des hommes.

 

-Et pas les autres?

 

-Non. Pas puisque Dieu en a décidé ainsi.

 

 

Et sur ces paroles, les deux hommes convaincus pour des raisons différentes que le débat est bel est bien clôturé, marchent en silence encore quelques temps, attendant malgré tout peut-être un dernier argument. Puis se souhaitent mutuellement une bonne journée, avant qu'Ambroise Paré et Michel de Montaigne retournent vaquer à leurs occupations respectives.

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