Mourir de son vivant

Jean Claude Blanc

"Foules sentimentales, voyez comme on nous parle" merci Souchon... hymne à l'amour du travail mais sans l'humour de Zemmour...

                            Mourir de son vivant

 

On nous fait filer doux, juste bons pour raquer

Les vertus du progrès, elles sont bien dévoyées

De nous bourrer la gueule, on perd connaissance

Mourir de son vivant, faut en saisir la chance

 

Plus aucune passion, n'agite nos neurones

L'enfer à petit feu, carbonise son homme

On s'habitue à tout, aux insultes quotidiennes

Que nous sert la routine, aux coutumes malsaines

 

Pour nous faire avaler, sa part de balivernes

La France des nantis, alors se prosterne

Même se prostituent, les gus qui nous gouvernent

Pour recueillir les voix, des hommes des cavernes

 

On doit faire des efforts, pour dégonfler la crise

Mais sur ces entreprises, on n'a aucune emprise

On invoque les énarques, pour qu'ils nous socialisent

Les guerres, les misères, balisent, banalisent

 

On nous gave la tête, dose homéopathique

Se retrousser les manches et surtout la boucler

Forme d'euthanasie, piquouze moins tragique

Mourir sans souffrir, le cerveau trépané

 

De ces électrochocs, on voudrait s'en passer

Délester nos pensées, des soucis coutumiers

A chacun sa façon, fuir la réalité

Moi, j'ai saisi ma plume, pour vous égratigner

 

On nous bourre le mou, de réclames resucées

Pour faire monter d'un cran, fougueuse adrénaline

On s'emballe, on se jette, sur faits divers infimes

Le gogo abusé, lui se fait enfiler

 

C'est la mode aujourd'hui, pour arriver placé

On compresse nos idées, pour les synthétiser

Le superflu gommé, et la coupe au carré

Plus question de rêver, ni même d'improviser

 

Où est l'humanité, jadis, éclairée

On a mis le couvercle, sur nos bouillants débats

Le couvre-feu s'avance, apaise les éclats

On se meurt doucement, mais on n'est pas pressés

 

C'est quoi la fin du monde, s'enquièrent nos gamins

On ne sait que répondre, nous-mêmes ignorants

Notre for intérieur, nous invite au silence

Car chaque jour qui passe, c'est un atout en moins

C'est bien beau le progrès, on n'en voit pas l'effet

Tout est robotisé, parait, pour soulager

Ouvriers à la chaine, on n'en a plus qu'assez

Ces emplois inutiles, on va les supprimer

 

En force de travail, sont comptabilisés

Mécanique à bosser, fidèlement réglée

Mais une fois usée, est jetée au panier

C'est sûr a de beaux jours, la machine à broyer

 

C'est un marché de dupes, le bal des faux culs

On nous enterre vivants, tous cuits à l'étouffée

De l'homme ou la machine, choisir, il a fallu

Le bipède à jugeote, jeté sur le pavé

 

Un emploi supprimé, c'est un espoir gâché

La chance de construire, de bâtir la cité

On veut plus d'éclopés, dépourvus de CV

On rogne sur leur dos, pour économiser

 

Notre cœur est bouillant, de trop plein de colère

Est prête à exploser, centrale humanitaire

Faut enfin promouvoir, nouvel ère « fraternaire »

J'ai repris de Monod, ce vocable visionnaire   

 

Hélas, j'ai rêvé, de révolte pas question

Tellement on est plongés, dans un sommeil profond

Comas artificiel, suffit d'une potion

Pour prolonger la vie, sans espoir d'horizon

 

On a tous pigé, qu'on nous prend pour des cons

Avant de trépasser, reste l'extrême onction

Car on veut bien mourir, pour sauver la Nation

Mais encore faut-il, en connaitre la raison

 

Partir les yeux ouverts, en toute lucidité

Pas grand-chose sur Terre, on ne fait que passer

On est avides de sens, tellement on est brimés

Juste pour prêter main forte, à notre destinée

 

Mourir de son vivant, c'est un peu présomptueux

T'as pas voix au chapitre, citoyen besogneux

Ce qui t'arrive, ma foi, on s'en rebat les couilles

Dans ce monde égoïste, c'est le système débrouille

 

Ressasse dans ma tête, le Boléro de Ravel

La marche silencieuse, des peuplades du Sahel

Armées de crèves la faim, qui trainent leur misère

Mais qui, je le redoute, n'atteindront pas la mer

 

L'avenir qu'on nous promet, est bardé de soupirs

Une bougie chancelante, que le vent fait frémir

Humaniste naïf, je souffre le martyr

Ce monde d'artifices, fait présager le pire

 

Qui n'a pas projeté, de se voir jugé

Non pas ad patres, survivre à jamais

Témoin incognito, de réflexions altruistes

Qui vont faire le bilan de notre vie d'artiste 

 

JC Blanc                 mai  2020 (soutien aux ouvriers… aux chaines anonymes)

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