Murles ou L'homme qui dormait avec dame nature

koss-ultane

            Murles ou L'homme qui dormait avec dame nature

“En s'y ingéniant un peu, n'importe quel type débrouillard peut faire réussir le plus accablant des connards”.

Clyde Tolson, 1er janvier 1945

     Dire qu'on le prenait pour un original. Pensez ! Un type qui possède la plus belle maison du village et dort dehors toutes les nuits qu'il pleuve, neige ou vente. Bonnet de jour à pompon vissé sur la tête et chaussons dorés aux pieds pour faire marrer les gosses du voisinage l'espionnant par les rares trous dans la végétation ceignant sa propriété, il se pageait toujours avec un peu de lecture. Cela allait de “J'aime tes seins magazine” à la reliure sous le manteau des “Plus belles gouaches de Saint-Eustache”. Que voulez-vous, quand on a été un mange-bitume parisien pendant beaucoup plus d'un demi siècle, il vous reste toujours comme un fond d'addiction à tout ce qui est un peu nocif et brouillon. A la campagne et dans les villes sages les éléments s'apposent, à Paname, ils se télescopent, parfois se persillent. Là où Londres est un agglomérat de villages, Lutèce est une partouze de quartiers indéfinissables par décret qui s'entubent à qui lieu lieu. Le bouchon est lyonnais comme le confit est de canard et l'écheveau parigot. Vous croyez voir une trouée étiquetée avenue, boulevard ou place, et vous ratez immanquablement les vingt-cinq cours, les quatre-cents toits et les cent mil caves et couloirs qui vous guettent. Il y a toujours dans ce rond imparfait, ce poing serré, cette coquille faisant l'article, quelque chose qui vous cerne, une force du désordre comme remède imparable aux forces de l'ordre. Ici, les légalistes sont battus d'avance et les légitimistes n'y ont jamais mis un orteil en gage. Elle n'a pas été créée par des résistants, elle n'est que ça, la rétive. Que les touristes ne s'étonnent plus de la mauvaise humeur des New-Yorkais ou des Parisiens, on vient en masses vagissantes visiter leurs lieux sans accorder un regard à ceux qui les font. Ecarte-t-on du bras le peintre pour mieux voir sa toile ? Paris sans Parisiens, c'est un œuf de Fabergé à demi ouvragé parce que resté coincé en poule, un escargot sans persillade. A quoi bon tout ce merdier ?!

     New York, le hérisson, Paris, la pieuvre fouisseuse, devinez dans laquelle les cloportes ont le plus longtemps eu la main sans jamais avoir la mairie ? Cela avait été sa vie, coureur de tentacule sous l'octopus vulgaris celto-romain, éminence grise de tout ce qui ne cède qu'à contre-cœur et parce qu'ils ont trouvé mieux ailleurs. Généralement un ailleurs de trois pas, à petites gens naines foulées. Ajoutez-y la zone et ses faubourgs qui en sont des vrais et vous comprendrez pourquoi il n'a jamais été ne fut-ce que mentionné sur une liste de suspects après cette première relaxe. A chaque fois que les lardus pensaient avoir trouvé la cantine de cette ombre incertaine, de ce “il”, de ce “on”, de cette éventualité de marionnettiste qui les rendait flous, ils omettaient les chiées de recoins qui transformaient son pré carré en myriagone insondable. A Paris, le fugitif peut manquer de tout sauf de repaires, même les squares ont des sables mouvants où disparaître et faire disparaître, c'est dire. Ne pouvait être totalement commune une cité où les plus vieux immeubles populaires ne tenaient en l'air qu'aux béquilles de la crasse, du souvenir et de la réclame Byrrh ou Cinzano tatouée en leur flanc. Ici, on ne se contente pas de passer à travers les édifices, on leur sable les fondations et vit sur leur toit, là même où personne n'a jamais vu de terrasse. Ce qui ne devrait d'ailleurs pas tarder à nous valoir quelques rigolotes descentes d'organes. Qu'il avait été bon à ces double-jeux d'arrière-cours, de triple galops, et de sous-terrains minés par les souvenirs de ceux-là mêmes auxquels ils sauvèrent la vie ! Paris est une ville sans impasse, ne connaissant que deux limites, la zone et ces Parisiens qui n'en sont pas. Car on ne naît pas Parisien, on le devient puis l'entretient. N'est pas Parisien celui qui récite son quartier sur le bout des doigts comme d'autres leur bréviaire ni celui qui connaît son bitumard par le menu mais celui ou celle qui sait où se partage l'ombre, la confraternelle comme la maléfique, comprenne qui pourra, comprend qui a marché, fureté, titillé la ronde joliesse aux quatre-vingts quartiers sottement entérinés. Paris est-il une terrine ?

     Souvent aussi, il revisitait souriant un album où photos et coupures de presse se volaient la vedette page après page. Bienheureusement exilé à Murles, elle avait été son investissement premier dans sa vie d'adulte indépendant financièrement cette baraque aux douze grandes pièces plus huit de confort ou d'aisance selon la distance qui vous séparait de la fosse et de la lie des hommes. Bien que parfois secondé, il ne s'y était jamais rendu que seul sur les derniers kilomètres après avoir feinté l'escorte. Il n'y avait aucun rituel chez lui contrairement à ses congénères gériatriques, il pouvait se pieuter à dix-neuf heures comme à deux plombes du mat' et la température et sa météo jointe n'y modulaient rien. Blindé de tunes et de solitude, caparaçonné dans sa dignité sitôt dans la rue, il se drapait volontiers dans une indifférence polie à tout ce qui l'entourait sans jamais se départir d'une parfaite courtoisie envers la gente féminine et un demi sourire qui lui pétillait jusque dans la rétine. Ce n'était pas un enfant de la commune ou du canton mais on disait qu'il était de la haute d'un coin pas si loin. Il avait ni la tronche de métèque du cru ni d'ailleurs. Sans être blanc comme un cul ou un “nord-Lot” en retraite dans le secteur, il avait quelque chose qui le singularisait au premier coup d'œil. Rien n'avait de prise sur lui, il semblait être passé à travers tout, pare-brise compris tant son visage comptait de cicatrices en étoile. Bambin, sa mère avait expérimenté le lancé de faciès tendre à travers baie vitrée et les séquelles de lacérations grandirent avec lui au lieu de s'estomper. Au détour de la quarantaine, ses sillons intimes passèrent plus pour de nouvelles rides que pour d'anciennes coutures. Le pli commun l'emporte toujours sur tout, il suffit de le savoir et de pratiquer le clientélisme en toute circonstance afin d'être réélu ad vitam aeternam fussiez-vous notoirement malhonnête. Il écoutait rock et ragtime endiablés tous les soirs dans son pucier sous baldaquin tout en rédigeant quelques pages de son autobiographie non autorisée aux yeux avertis. Seule sa téméraire boulangère osa lui demander un jour pourquoi il ne dormait plus qu'à l'extérieur de son château ? Il répondit que “lorsque les fantômes du passé se font trop sentir il faut leur laisser la place”. Cela en resta là, clos par un magnifique sourire qui fit durcir les tétines à la montreuse de miches. L'homme s'éteint dans son sommeil satellite d'une mort plus vraie que nature à quatre-vingt-cinq hivers pétants, ses mémoires posées tout à côté de sa tête, le sourire aux lèvres d'avoir ourdi sa sortie. Mais le plus étrange était encore à venir. D'outre-tombe, le roi du cache-cache allait jouer au montreur d'ours. Chez le notaire, le numéraire fut légué aux stands de tir de la police et la propriété à toute une liste d'enquêteurs ou anciens du corps dont seuls quelques-uns étaient encore vivants. Le plus fameux d'entre eux, et seul à se déplacer, fut le commissaire Hun, Ari Hun, une vieille gloire du trente-six de trois ans le cadet de son original donateur. Ni le nom ni le visage, aux diverses époques de sa déliquescence biologique, du bienfaiteur des œuvres de la police ne dirent rien à l'ancien flicard de brie. Il était demandé expressément au notaire de Montpellier, petite bourgade d'avant-garde proche de Murles, de remettre en mains propres l'ouvrage pré-funéraire du claqué de la semaine. Le commissaire avait été connu pour son style direct avec les gens de la haute et les truands qui voulaient péter plus haut qu'ils n'avaient l'échappement. Il avait plu aux journaux et leurs lecteurs et s'était fait casser plusieurs fois à cause de cela mais avait toujours été rappelé sur les affaires les plus délicates en raison de l'inexplicable hypersensibilité de sa truffe dans des brouillards parfois si épais que la presse elle-même n'osait plus se foutre de la gueule des flics tant elle n'y comprenait que pouic.

     _ Bonjour monsieur le commissaire, dit le notaire âgé emprunt d'un ton immodérément bonhomme pour se rassurer plus que pour mettre son célèbre interlocuteur à l'aise. Je dois vous remettre ceci en mains propres.

     _ Je viens de me gratter le cul, qu'est-ce qu'on fait ? lâcha le reste d'argousin tel un parpaing sur la tronche d'un notable qui ne savait déjà plus quelle contenance prendre.

     _ …

     _ Abrège le baveux ! J'ai toujours eu horreur du sud et j'ai pas l'intention de m'y éterniser. Ooooh ! T'enchaîne ou je me casse ?! fit Ari Hun en agitant sa main devant le regard soudain imprécis du préposé aux dernières volontés.

     _ oui… oui-oui, marmonna le tabellion mécaniquement. Il vous revient cet ouvrage de la main du défunt et sa propriété.

     _ Et c'est quoi l'astuce ? Y a trois milliards de dettes ?! plomba le condé décati de ses paupières molles de vieilles marquises distendues.

     _ Aucunement, aucunement… bégaya presque le notaire détruit.

     La vieille gloriole, égérie des chroniqueurs judiciaires, décacheta l'enveloppe d'un pouce épais et nerveux. Un journal intime de format vingt-et-un-vingt-neuf-sept de fort bel aspect apparu. Un broché-relié de cent pages et deux cents feuillets rayés de quarante lignes chacun proposait huit-mil guirlandes jumelles portant chacune six fois un unique vocable soit quarante-huit-mil fois le même mot à la calligraphie rigoureusement identique et soignée. Quarante-sept-mil-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf virgules et un point final égayaient l'ensemble et rythmaient le leitmotiv depuis la majuscule initiale jusqu'au tourné de dos de la couverture bleu nuit de l'ouvrage.

     L'ancien policier dégaina une paire de triple foyer afin d'en débuter le déchiffrage quand une jolie lettre cachetée et dodue, introduisant l'itérative lecture, attira son attention :

     Cher con,

     Permettez que je vous appelle “cher”. Tout ceci est arrivé à cause de notre 28 décembre 1906, assis dans le bocal à faire tournoyer mon peigne-poignard entre les doigts de ma main gauche et deux gitans de Reuilly, raflés que nous avions été après qu'un type s'eût fait larder la couenne à la porte Saint-Martin, vous passâtes en coup de vent devant nous et engueulâtes la paire de cognes qui nous avaient ramassés. “Pourquoi croyez-vous qu'les pisse-copies ont baptisé le tueur “la main droite du diable” ?! aboyâtes-vous. “Vous voyez qu'c'lui-là est gaucher !? Libérez-le ! On va être envahi de sous-merdes sinon !”. Moi qui avais encore du sang tiède de la victime du coude jusqu'à ma mitaine-mouillette, je me suis dit “qu'un bipède d'un tel calibre ne pouvait qu'évoluer dans le merveilleux et qu'il fallait absolument tout faire pour que la féerie se prolongeât”. En effet, un spécimen pareil devait impérativement réussir afin de garantir la tranquillité civile et la paix de mes braves. Un détail, comme beaucoup dans ma partie, j'ai commencé en tant qu'escamoteur, à cette époque bénie des montres à gousset et des rombières embijoutées jusqu'à l'os, et la dextérité digitale exigeait du praticien qu'il fût ambidextre, monsieur le génie. Dès lors, je me suis attaché à vous livrer en des temps records des coupables plausibles à coté desquels vous pouviez poser pour les photos de vos quotidiens favoris et monter en grade à la vitesse de l'éclair. Que de fous rires grâce à vous, monsieur, pour mes occasionnels complices et moi-même ! Et quelle rigolote et prophylactique marotte m'aviez-vous suggéré ! Encore merci et bravo pour cet aussi inattendu que profitable partenariat.

     Dans mon recueil de souvenirs en legs, comptez autant de “mot” que de coups de main, grands ou petits, qui bâtirent votre triomphale carrière à votre insu, plus quelques insultes et remarques personnelles, je le crains. Tous les cadavres des quelques véritables nuisibles que nous avons éradiqués par nos sales moyens sont intra intra-muros dans cette belle bâtisse désormais vôtre, cher con. Toutes les explications, décortiquées des pattes aux antennes, ont également été envoyées à ces différents journaux qui, presque autant que moi, ont fait votre renommée.

     Qu'il est bon d'être mort, n'est-ce pas ?

P.S. : j'ai eu l'honneur de faire partie des quelques qui ont demandé et obtenu votre légion d'honneur. Méritée. L'homme qui a fait condamné Martin Chalignac en tant que “violeur du parc Montsouris”, maintes fois poursuivi, à pied, à cheval et en voiture par une maréchaussée toujours battue à la fuite, ne peut que receler une miette de ce merveilleux sus-mentionné plus avant. Ce Martin Chalignac là, unijambiste notoire, mais ancien délateur des nôtres et de quelques résistants pendant les heures noires, nous vous l'avons fourni l'esprit léger, ayant abattu nous-mêmes le trousseur de jeunes filles du quatorzième arrondissement. Il est dans le mur ouest du salon de votre nouveau chez-vous. Gone de naissance, ignorant dans quel état de conservation vous le trouverez, ne vous étonnez pas de l'inventorier avec sa quenelle dans la bouche. On peut être Parisien et respecter le régionalisme et ses corollaires spécialités. Dans une veine cousine, vous posâtes fier de vous et imbu de votre statu à côté de Pierre Crossou, souvenez-vous, que vous fîtes passer, preuves à l'appui, fournies par nous et lui, pour “le faussaire de la Villette”. Ce même Pierre Crossou réformé des armées pour anarchisme léger mais daltonisme sévère. Mais n'est-ce pas là une affection congénitale tirée d'un célèbre patronyme de brigand après tout ? Nous lui avions garanti le pactole à son hypothétique sortie de geôle. C'est pour ce miroir aux alouettes qu'il se montra si amène avec les autorités au point d'éveiller en vous ce ravissement que vous ne décliniez à l'époque qu'envers vous-mêmes. Etc. Etc. Etc.

     Pour de plus amples informations, je ne puis que vous enjoindre à la lecture de vos quotidiens favoris ces jours prochains.

P.S. bis : Si j'eusse été une sous-merde, oserais-je vous appeler “Soussou”, cher con ?

     L'ex-commissaire Ari Hun feuilleta l'ouvrage et découvrit quarante-huit-mil fois le mot “connard” calligraphié à la perfection sur ses lignes brancards aux illusions.

     “La nécropole de Murles” ou “Les murs de Murles hurlent” furent quelques-uns des gros titres tragiques de l'année dix-neuf-cent-soixante-deux qui n'en manqua pas. Attila fut le dernier et unique Hun à survivre dans toutes les encyclopédies de la république. Ari, lui, passa de légende vivante du quai des orfèvres au trente-sixième dessous, de la mise en geôle à la mise en joie des plus brumeux cireurs de zinc et petites frappes du monde entier. Toutes ses médailles tombèrent de sa poitrine et il eut bien du mal à démontrer à ses anciens subalternes qu'il n'y avait jamais eu entente entre le défunt et lui-même. Lettre à l'appui. Un comble.

     Dix-sept macchabées furent démurés de l'anonyme masure. Il fallut trois semaines d'intense travaux afin de les extraire sans prendre la maison sur le carafon. Ce ne fut qu'à la toute fin d'un après-midi d'harassant labeur qu'un ouvrier, les mains sur les reins et le crâne renversé sur sa nuque sciée, découvrit le visage peint au plafond rappelant un des cinq bustes anonymes disséminés dans le jardin que tous avaient baptisé “Beethoven”. Le buste, pas le jardin. Il était sous-titré d'une citation étrange que chacun déchiffrait, yeux au ciel et bouche bée, l'air idiot : “Rien ne vaut un grand pour attraper tous les petits et les grands mieux que les soi-disant”. Signé “Brigand”. Un démissionnaire du cabinet Bertillon car juif, aujourd'hui vieillard de presque quatre-vingt-quinze ans, rendit une visite en voisin et curieux à ce chantier qui défrayait la chronique de façon chronique tout à coté de son gazon. Il s'amusa du surnom “Beethoven”donné au buste et à la fresque plafonnarde, garda pour lui son savoir, et salua ses anciennes connaissances qui lui demandaient si, retraite prise, il avait assouvi sa faim de voyages. Il sourit encore plein de malice en pensant au thé glacé qui allait bientôt le désaltérer et rétorqua aux moins imbéciles de ses interlocuteurs : “Les voyages ?! Oh ! Non. Sitôt installé ici, je me suis trop attaché à ma vie d'oc”.

     Toutes soigneusement signalées d'un petit tableau, représentant des chrysanthèmes, accroché devant une croix noire peinte sur la cloison ne laissant plus aucun doute quant au point d'impact du premier coup de pioche à donner à l'exact endroit de leur nombril sous plâtre, dix-sept fracassantes erreurs judiciaires furent démoulées de la célébrissime bicoque. Ces œuvres picturales discutables mais argumentées étaient toutes signées “G.Princip”. Que voulez-vous, on patiente comme l'on peut en attendant le cortège. Le revers de la croûte était, quant à lui, daté et circonstancié et, ma foi, plus distrayant que le côté colorié. Beaux joueurs, quelques exemples de ces chef-d'œuvres inversés restent les pièces les plus commentées du musée de la préfecture de police de Paris.

     Affaire des démurés de Murles, Hérault, Languedoc-Roussillon, février 1962.

     Mur nord du salon : deux corps.

Corps n°1 derrière le tableau mauve et jaune dont l'envers renseignait de ceci :

Baristo Levandeli, assassins de vieilles dames, capturé et écharpé-piqué, le 13 mai 1913 à dix heures sept à la gare de Reuilly, Paris 12ème, Seine, par Jo “la trombine” et votre serviteur.

-          Rapatrié à Murles en trois sacs postaux, le Paris-Brie-Comte-Robert lui étant malencontreusement passé dessus. Peut-être ante mortem pour le premier bogie, certainement post mortem pour les autres.

-          Dernière parole du défunt : “Argh ! Merda ! ”.

-          Arrêté à sa place par le commissaire Ari Hun : Charles Royeur, époux violent et bourreau d'enfants.

-          Condamné à mort malgré ses ironiques déclamations d'innocence.

-          Anecdote : Charles Royeur, enfant des Batignolles et ancien conscrit de Compiègne, n'avait jamais mis les pieds dans le 13ème arrondissement, lieu du crime, avant d'y être amené par la police et reconnu par deux témoins oculaires formels, Jacques Fanti dit “la bigle” et Charles Carame dit “porte-beau”.

Corps n°2 derrière le tableau bleu et jaune dont l'envers renseignait de ceci :

Blaise Doul, meurtrier des époux Granger et de leur petite Agnès, capturé et égorgé, le 12 avril 1921 à vingt-trois heures douze, à la sortie du “Pyralène”, bistrot du 4 rue Danton, Kremlin-Bicêtre, Seine, par Sisto dit “le bot”, dit “la botine”, dit “Clopido” et votre serviteur.

-          Rapatrié à Murles en fût de Gevrey-Chambertin.

-          Dernière parole du défunt : “Fils de Ch… ! ”.

-          Arrêté à sa place par le commissaire Ari Hun et son adjoint Charles Berna : Patou Bolsèque dit “la trompe”, poivrot et demi-sel, étai de tous ce qui portait jupailles boulevard Blanqui et adjacences.

-          Condamné à mort malgré ses ironiques déclamations d'innocence.

-          Anecdote : le souteneur Bolsèque dit “la trompe” fut celui qui donna l'identité du véritable criminel à votre serviteur.

     Mur est du salon : deux corps.

Corps n°1 derrière le tableau rouge et jaune dont l'envers renseignait de ceci :

Caliste Blanquet, donneur et casseur de coup, assassin de Jean Polto, fourgue, meurtrier des Martin-Chapus et de l'agent de police Berthe, oblitéré à la masse de forge, deux fois, le 4 juin 1927 à sept heures vingt-deux, passage du manège, Montrouge, Seine, par Marcel “la truche” et votre serviteur.

-          Rapatrié à Murles à dos de Panhard & Levassor X49, tombé deux fois, égaré une, finalement arrivé droit dans le mur.

-          Dernière parole du défunt : “Ah… ! ”.

-          Arrêté à sa place par le commissaire Ari Hun et ses adjoints Charles Berna et Jean Luz : Brag Malikovitch dit “Malko la pompe”, complice puis donneur des frères Bercel après le rinçage des coffres de la “Maison Suisse”.

-          Condamné à mort malgré ses ironiques déclamations d'innocence.

-          Anecdote : Caliste Blanquet, et l'humanité avec lui, s'était toujours cru hermétiquement muet.

Corps n°2 derrière le tableau bleu et rouge dont l'envers renseignait de ceci :

Marcel Fueff dit “le chodar”, indicateur zélé, meurtrier et violeur de la petite Luce Gambe, malhabilement zigouillé au surin de quatre pouces, le 20 novembre 1907 à trois heures dix-neuf, dans la cour du 16 rue Tournefort, Paris 5ème, Seine, par Léopold Fueff dit “fofafio” et votre serviteur.

-          Rapatrié à Murles par chemin de fer et Peugeot BEBE type 69 en malle Sturm.

-          Dernière parole du défunt : “Qu'est-ce que… ?”.

-          Anecdote : paresseusement décédé le 23, suite à une couche d'apprêt.

-          Arrêté à sa place par l'inspecteur Ari Hun : Léonce Vaillant, valeureuse cloche, atteint de démence précoce, dénoncé et reconnu par Jacques Fanti dit “la bigle” et Charles Carame dit “porte-beau”, ses amis, ayant témoignés sous les identités de messieurs Roux et Combaluzier afin qu'il puisse dormir dans un lit le restant de sa vie, plaisir qu'il n'avait plus connu depuis ses huit ans.

-          Condamné à la réclusion à l'asile de Charenton malgré ses “mais ?! mais ?! mais ?!” à répétition.

     Le malfaiteur bienfaiteur de l'ex-commissaire Ari Hun s'avéra être le paveur de tous ses succès faisant les voies royales comme les pires enfers. A la lecture de ces quatre encarts et des treize autres, l'ancien hâbleur du trente-six, la tête entre les mains, ne sut que chevroter la ressasse “c'est pas possible, c'est pas possible” jusqu'à ce que mort s'en suive pile un mois après la macabre découverte.

     Il n'est de plus lourd héritage que le sien.

     “Pour peu qu'elle soit martelée aux bonnes heures, la connerie fédère presque autant que le génie répugne”.

Paul Joseph Goebbels, ministre méritant, bientôt chancelier chancelant, 20 avril 1939

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