Mystère et loi de la jungle

Rébecca Brocardo

en classe

   Coutumière de la défensive et cachant ses émotions, ce qui lui conférait une aptitude à la révolte sans perdre son innocence, Pauline se méfiait des exhortations qui masquaient de vraies sollicitations tout en sachant que rien à part elle ne viendrait endiguer le cours des événements. Pourquoi existait-il des agresseurs et des agressés et quelle règle permettait aux dominants d'imposer leurs lois ? Comment se reconnaissaient-ils entre eux pour le partage du territoire ? Mystère et loi de la jungle. Qu'y gagnait le plus fort des plus forts ? La soumission des autres individus de l'espèce, les faveurs de l'esprit féminin ? Fallait-il prendre parti avec ou contre les prédateurs ? Des alliances s'étaient formées parmi les élèves, des castes qui allaient en piétiner d'autres.

   Toujours de son propre côté, Pauline la jouait habituée, solitaire et insolente. L'homme médiocre est partout. Si j'en souffre, tout le monde doit souffrir. Elle voulait s'affranchir de toute notion de respect pour ne plus craindre personne, comme un enfant qui en cherchant ses limites face à l'autorité parentale finit par se rebeller contre toute forme de hiérarchie. À commencer par les professeurs, qui montraient des signes de lassitude. Elle se méfiait de ceux qui, trop indulgents envers leurs détracteurs, se rangeaient de leur côté. Les pleutres étaient dangereux en ce qu'ils ne pouvaient protéger les agressés. Donner des leçons, d'accord, mais dans la limite du scolaire. Pour les autres, surtout pour ceux qui n'étaient pas des femmes – car il était communément admis que les femmes seraient toujours une cible de choix, qu'elles soient parentes, élèves ou professeurs – quand elle ne les ignorait pas, elle s'amusait de leur répondant.

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