La nécessité du devenir

Rébecca Brocardo

En classe

   La salle de classe ressemblait à un décor de saynètes où évoluaient des personnages à la fois naïfs et pervers, sauvés du désordre par l'éducation et qui se réinventaient en permanence dans une grande improvisation. Le fond des choses étant plus difficile d'accès que la forme pourtant déjà complexe, personne ne se comprenait. Derrière la douceur nubile d'un adolescent : haine et vanité. Sous sa laideur stupide : le désir d'apprendre et de partager.

   La composante temps filait en répétitions tandis que s'enchainaient paroles et cris, leçons et contrôles, pauses et cigarettes, soirs et week-ends, vacances et reprises. Tout ce qui avait pu s'apparenter à une découverte, une difficulté ou à l'émotion d'une première fois devenait familier, ouvrant la voie à la désinvolture et à un nouveau chaos. Entre l'hésitation polie où elle se contrôlait et l'exaltation sans borne où elle gâchait tout, il y avait ces moments exquis où Pauline franchissait le pas, persuadée que son rôle n'était pas d'être plus pure que la société autour. Être pure à l'intérieur et en marge à la surface. En dehors de son père devant qui elle s'affichait encore avec un maquillage ton sur ton parfaitement indécelable, elle bravait volontiers l'autorité, parce que c'était nécessaire à son développement personnel.

   Les élèves se laissaient guider par la nécessité du devenir. En d'autres lieux, la vie professionnelle, composante du programme adulte, demeurait la grande inconnue. Les adolescents voulaient se lâcher avant que les obligations sordides de la société les rattrapent. À force d'envoyer tout le monde balader, Pauline comprit que ses congénères avaient, à défaut d'un but, les idées plus ou moins dévastées par l'envie, la peur ou la domination. L'homme était une bête qui ne pouvait se confondre complètement avec sa partie sauvage et animale. Ce « mammifèrisme » était-il la lutte de l'acquis, patrimoine de l'humanité évoluée, contre un instinct inné dans un corps oppressé, passage obligé pour atteindre l'âge de la raison ? Elle n'échappait pas aux règles mais ne ressentait pas encore ces tiraillements, trop occupée à se défendre. Son intouchable beauté était perçue comme un bonheur à partager, une promesse non tenue. L'homme souffrait inévitablement en contrôlant ses pulsions.

  • ... sinon en ce qui concerne votre expression "loi de la jungle" je vous recommande une vidéo "You Tube" que vous trouverez en tapant "empathie" sur google...(attention : pas celle où il y a Mickael Jackson) vous verrez qu'elle n'a pas grand chose à voir avec ce à quoi les "humains" appliquent cette expression...

    · Il y a presque 13 ans ·
    Camelia top orig

    Edwige Devillebichot

  • Belle description ! je trouve dommage que les enseignants, la plupart du temps... n'utilisent pas plus les comportements des jeunes pour en faire un matériel qui est passionnant à développer ? (peut-être pas en maths...) "l'insolence" est pourtant bien présente dans la littérature, je pense à Beaumarchais, par exemple... et il n'est pas donné à tout le monde d'en être un virtuose ? ce qui nécessite beaucoup d'esprit... mais enfin ! merci pour ce témoignage qui vous voyez m'intéresse beaucoup !

    · Il y a presque 13 ans ·
    Camelia top orig

    Edwige Devillebichot

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