NARQUÏA

Amarille

Il y a longtemps de cela, assise sur un banc en fer forgé, je fumais une clope. Un type survint de nulle part, et comme il n'avait plus de quoi fumer, ni feu ni tabac, je lui en offris une. Il me dit alors qu'il s'asseyait : « Que foutez-vous sur mon banc ? Vous êtes sans gêne et moi ça me gêne ! » Un peu con, comme je le suis sur les bords et franchement au milieu, je le regardais, hagarde et lui répondis : « Je suis désolée, je ne pensais pas que ce banc appartenait à quelqu'un, il me semblait qu'il était à tout le monde… » Il se mit à rire, ce qui me fit rire, puisque j'eu l'impression qu'il me faisait une blague ; cependant, ce n'était pas une blague. Il cessa net et se tournant vers moi, me fixant dans les billes, s'assura que je comprenne bien où j'avais posé mon derrière : « Ici, tout le monde sait que c'est mon banc, depuis toujours je m'y assoie, et… » « Et il serait temps que ça change, non ? Z'avez pas envie de partager ? C'est sympa de partager un banc, je partage bien mes clopes avec vous et on papote… Non ? » Fière de mon argumentation, je lui souriais espérant en retour un sourire de sa part. Il prit une bouffée, et le regard appuyé sur le mur en face de nous, souffla. Il prit une profonde respiration et plissa les yeux ; sa bouche commença à s'étirer comme pour dessiner ce genre de sourire satisfait qui fait toujours flipper car on sait jamais ce qu'il veut dire. Il resta un moment sérieux, impassible puis tourna la tête vers moi, me dévisagea et reprenant une bouffée, il commença à me raconter une histoire avec ce sourire qui restait là…

Il y a quelques temps de cela, une femme qui était partie marcher la nuit fut surprise par un très violent orage, elle n'eut pas le choix de trouver un abri, et comme elle se promenait par monts et par vaux elle se hâta de rentrer dans une grotte que le vent avait creusé à flanc de colline. Elle resta assise, attendant que passe le violent orage. Elle pouvait voir de là où elle était toute la vallée, et sous cet orage, avec ses éclairs, elle y voyait comme en plein jour. Heureusement pour elle, elle était en sécurité. Et voilà ce qu'elle me raconta…

« Ha ! Parce que vous l'avez connue ? »

« Vous savez pas vous taire vous ! Ecouter et vous taire, vous savez pas faire ! »

« Heu… »

« Ce n'était pas une question mais un constat. Donc, voilà ce qu'elle me raconta… »

 

Les éclairs foudroyaient la vallée, c'était sublime. Il y avait un vent qui couchait la pluie vers l'ouest, les blés s'allongeaient sous le poids, il y avait l'odeur de la terre mêlée à l'eau et les éclairs qui tombaient à pic auraient pu incendier les pins… j'étais spectatrice de la nature, contemplative je regardais, écoutant les bombardements s'abattre çà et là, parfois même, où, je ne sais pas. Mais inlassablement, on aurait dit les canons d'une symphonie qui s'achève majestueusement, irradiant chaque partie de votre être à ne pouvoir jamais l'oublier, encrant dans votre mémoire la puissance d'un tambour qui vient remuer le fragile que nous pouvons être face à ça, réalisant que nous ne sommes rien face aux éléments, et en même temps, nous sommes là et que rien n'est plus beau que ça, dans l'instant.

J'avais posé mes mains au sol, fermé les yeux, et mes paumes caressaient la terre, la pierre. Je passais mes doigts entre les interstices glissant, me faufilant. Puis mes doigts furent embarqués dans des tranchées faites dans la pierre. Surprise je regardais aussitôt, et d'un éclair qui illumina le ciel, la grotte fut éclairée et je vis là où mes doigts s'étaient posés des traces de griffures, dans la pierre. « Ho putain ! » Ce furent mes premiers mots. Puis essayant de voir un peu mieux, je fronçais les sourcils et la lumière fut… dans un badaboum je découvris les parois de cette grotte, griffées de partout. Une peur soudaine me prit « Ho putain ! » Je me levais d'un trait, mais ayant oublié que j'avais dû me baisser je me cognais la tête et tombais à terre. Je me souviens, alors que je fermais les yeux, qu'un éclair éclairant la grotte, se dessinait l'entrée d'une caverne. « Ho pu… »

[…]

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