Natacha (Héroïne)

salem

Natacha aime les jolies choses. Les belles et jolies choses que lui montre la télévision. Natacha aime les jolies choses. Les belles et jolies choses qui lui font perdre la raison. Car la raison, Natacha ne s'en soucie. La raison, Natacha elle n'en a point. Car les soucis, Natacha a la solution. La solution, c'est de ne pas avoir de raison.

Alors elle se morfond. Elle se morfond la Natacha. Broyée dans l'illusion elle n'a plus de raison. Les noires jolies choses lui paraissent alors toutes roses.

Natacha possède un placard rempli de jolies choses. Des jolies robes, des jolie chaussures et même des jolis bijoux. Natacha et son placard, c'est un véritable fourre-tout. Le vendredi soir Natacha sort sa plus jolie robe, c'est-à-dire la plus décolletée, ainsi que ses plus jolies chaussures, c'est-à-dire les plus casse-gueule. Elle aime traîner des heures devant son miroir telle une duchesse dans son boudoir. Et Natacha se maquille. Comme on lui dit de faire dans les magazines de filles. Alors Natacha met du rouge sur ses lèvres, plaie ouverte sur un visage inerte. Elle agresse ses yeux de mascara et ne s'arrêtera que lorsqu'elle aura viré panda.

Alors elle se trouve belle. Elle se trouve belle la Natacha. Superstar d'un soir Natacha convaincue de toucher son heure de gloire. Héroïne d'un soir Natacha qui s'avance au bord du trou noir.

Natacha aime les jolies choses. Mais seulement à coup de petites doses. Ces toutes petites doses, petites choses fragiles comme elle. Elle petite chose fragile qui veut déployer ses ailes encore trop malhabiles.

Mais les ailes sont bien trop lourdes Natacha se sent encore beaucoup trop gourde. Le pas hésitant de la petite Natacha qui trébuche et se relève, l'absence de raison qui laisse place au tourment d'un rêve. Les jolies choses sont-elles éphémères d'un coup Natacha a les nerfs. Frustration brutale de la femme-enfant c'est l'injection létale qui lui fait bouillir le sang.

Alors elle se calme. Elle est calme la Natacha. Le trou noir et menaçant s'approche, c'est aux jolies choses que Natacha s'accroche.

Natacha aime les jolies choses. Les belles et jolies choses qu'elle s'injecte à coup de petites doses. Dans son tiroir de poupée Natacha y trouve ses jolies choses cachées. Les jolies choses qu'elle aime à coup de petites doses. Alors Natacha prépare son voyage et repose sous son plus sombre nuage. C'est là un réconfort acide pour les petites filles livides. La force de sa conviction surpasse sa fragilité d'apparence, ce sont des étoiles par milliers qui accompagneront sa transe. Le sale tapis rouge déroulé pour la superstar. L'héroïne tragique qui vit son dernier soir.

Alors elle se noie. Elle se noie la Natacha. L'immersion de son corps dans un monde utopique, l'immersion de l'enfant dans une réalité tragique.

Et la réalité est lourde et douloureuse. Comme le corps cambré de la petite Natacha qui s'est voulue trop tôt plus grande que ce qu'elle n'est, victime de l'illusion formatée de ce que lui balance la télé.

Et la réalité est lourde et visqueuse. Comme la salive amère de la petite Natacha qui lui coule sur son visage pâle et inerte. Une expression d'effroi sur son joli minois de fillette trop tôt tombée sur un sol pailleté qui dissimule la crasse épaisse de la réalité.

Cette réalité qui est lourde et étouffante. Comme l'envolée lyrique du mouvement de ses yeux qui quant à eux ne pourront jamais atteindre les cieux. C'est sous-terre que bascule le corps vide et morne de la petite Natacha qui découvre déjà les catacombes qu'on nomme les cieux de l'en-bas.

La lourde réalité qui s'éteint. Comme l'étoile scintillante dans les yeux de la petite Natacha, tandis que la sève acide et amère lui parcourt les veines, promesse d'un paradis d'artifices sans peine mais éphémère.

Alors elle s'éteint. Elle s'éteint cette étoile. Et le scintillement de l'aiguille au creux de son bras est maintenant la dernière chose qui brille chez la petite Natacha.

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