Nathalie

Marie Cornaline

Quand j'étais enfant ma meilleure amie se prénommait Nathalie. Elle était imaginaire. Nathalie était toujours la première à dégoter des tas d'idées ingénieuses avec mon cerveau. Aujourd'hui elle s'en est allée, mais grâce à son souvenir, j'ai su préserver mon âme d'enfant, mais j'ai su aussi garder... celle d'une schizophrène...

Je suis une schizophrène abandonnée, une schizophrène nostalgique souffrant de solitude. Oui ceci est une contradiction, mais la diction je crois, n’a rien contre.

Nathalie m’accompagnait partout, même à l’école. Dans la salle de classe elle se cachait dans mon taille crayon holographique en forme de télé. Oui, mine de rien, Nathalie adorait les émissions pointues.

Dans la cour de récré, c’était la seule à ne pas me trouver bizarre. Quand elle me sentait trop seule au milieu de ce brouhaha de rires et de cris, elle m’emmenait dans son monde qui se situait au loin, en dedans des apparences. Et comme le temps était figé là-bas, on jouait à montre-montre pendant des heures, qui n’en étaient pas. De là-bas, je voyais les choses différemment, j’avais moins peur, mais j’avais un peu le vertige aussi quand même, de voir les choses aussi rondes. Il y avait des lutins merveilleux qui chantaient des comptines, des comptines qui parlaient de nous, de la terre et des vagues.

Nathalie est bien loin aujourd’hui. Elle est partie voguer de dimensions en dimensions, sautant de nuages en nuages, nageant dans le vide, se trémoussant dans des atomes vibrants.

Elle me manque souvent. Je suis vide de son absence, je suis vide de ses idées abracadabrantes. Elle me manque tellement que parfois j’essaie d’y redonner vie en l’imaginant, comme une seconde réplique. Mais le clonage mental a ses limites, cette duplication là est bien terne, rien de pertinent ne sort de sa bouche. Cette duplication ne sait pas mieux que moi chatouiller mon cerveau, elle le caresse juste, du bout des doigts…

Alors je la laisse rejoindre le néant, lentement, avec beaucoup de douceur, je lui lâche la main.

Et j’appelle Nathalie. Je lui demande de me faire signe, de me donner de ses nouvelles. Est-ce que ça a changé là-bas ? Comment vois-tu les choses de là-dedans ? Es-tu fière de moi ?

Souvent mes appels restent sans réponse, mais il arrive parfois que je reçoive de sa part une carte mentale de sa belle contrée. Ca fait du bien vous savez de la sentir présente, ne serait ce qu’un instant.

Elle m’écrit de drôles de choses que je n’arrive pas à saisir, pourtant au plus profond de moi je sais qu’il y a quelques années de cela, j’aurai su traduire.

Que m’est il arrivé ? Mon cœur s’est il fermé ? Et si c’est vraiment le cas, où peut bien se trouver la porte ? A moins que ce soit la clé que je ne distingue plus.

Le Médecin me dit que Nathalie est moi-même, et que même moi, je suis Nathalie.

Vous vous rendez-compte ? Il me dit que ces belles idées, que cette petite fille joyeuse c’est moi, qu’elle est une sorte d’archétype de moi-même que je n’autorise pas à exister.

Mais qui suis-je pour oser dire que Nathalie c’est moi ? Mais qui est Nathalie pour oser dire que je ne suis pas elle ? Et puis en même temps, je n’imagine pas Nathalie dire le contraire, elle est si bienveillante.

Il parait que je dois accueillir Nathalie au point de la manger, telle une grosse guimauve rose aux multiples saveurs. Une fois digérée elle n’existera tellement plus qu’elle en sera vivante, que j’en serai vivante… Bizarre hein ?

Et vous ? Il s’appelait comment votre ami imaginaire ?

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