New York

Sève Maël

Autre chose que cette vie stoïque, comme un automate averti, le gris du ciel entre les nuages irréels, les tours du vent comme des pas de géants qui rapetissent tout, mortels éternels puisque tout peut mourir.  Bleu, blanc, qui tournoie, vacille, tombe… Sur les courbes du ciel, la morsure de l’irréel. Monter, descendre et toujours suffoquer, l’immensité du Seigneur sur un pic de glacier, droit comme un i, aux fenêtres irréfléchies, transparence infinie, que reste-t-il face à cette immensité ?

   S’accrocher aux branches des ascenseurs pour ne pas tomber, arpenter les corridors au gré des panneaux, remonter le temps à chaque étage gagné, arpenter chaque corridor et trouver la sortie, monter au ciel par une porte entr’ouverte, vers la grandeur, le sublime, la magnificence incarnée.

Marcher, trépigner et parcourir les allées, à droite à gauche, se perdre et recommencer, tourner encore, courir toujours, à talons, à crampons, les pieds comme des leviers et arrêter le temps d’un bouton pressé, figer le néant d’un bureau condamnée, CAC 40 écroulé, bourse évidée, les immeubles dressés comme les remparts du passé, contre un futur amoncelé, une volonté décidée ? 

Contempler les vitres, les armées d’échafaudages et ne pas voir que derrière se couve le rivage, le matin du monde d’un capitalisme effréné, la décision de l’humanité sous une montagne de papiers. Et tout ça dans des tiroirs sous des tonnes de dossiers, la destinée d’un pays derrière chaque carreau.

New York fantomatique, déesse de l’infini et ton architecture, colossale, comme notre peur de tomber. 

   Au rouge, je m’arrête, à l’orange je m’excite, au vert je démarre et plus vite, plus efficace. Le temps c’est de l’argent, la vie un business. Courir, courir, contre l’instant, contre la vie, la montre toujours plus grosse, les aiguilles plus rapides, les immeubles comme des bouches à manger le monde, dévorant le bitume d’un sourire angélique. Illusion optique, soif de regards, les vitres comme des miroirs de son moi intérieur, le rendez-vous du temps avec l’argent, la couleur des lumières dans chaque bureau. Ingénieux, astucieux, enviés, appréciés, plus beaux, plus hauts, plus grands, plus vivants, chaque immeuble comme un Dieu qui dicte sa loi. Tourne et tourne la tête, irréelle, abusée, décontenancée de tant de virtuosités, noyée, esseulée dans ce monde sans pitié, harcelée, appelée de tous côtés. Puzzle mosaïque, terre enlacée, des marches de cheminées, des toits de fumée, Cendrillon y aurait-elle trouvé son conte de fées ou aurait-elle eu besoin de la Mary Poppins ? Zoomer sur un quartier et y faire sa niché, établir sa maisonnée et tout re-décorer. Un peu, partout, un zoo de panneaux, courir, courir pour ne rien manquer. Moi, toi, au-dessus, en dessous, ton voisin, ma voisine, mon chien, ta femme, nos gosses, vos poubelles, mes déchets, ta musique, mon courrier, ton paillasson, tes escaliers, mon grenier. La belle inconnue qui se mire dans son miroir et mon voisin de pallier qui ne fait que baiser. Jardin privé, vie cachée, vue publique, non protégée. Et quand le vent souffle et que se brouillent les fenêtres, comme un mirage urbain, un miracle du destin. Chatoiement irréel aux couleurs des humains, qui a construit plus haut que la réunion de nos mains ? Tessons de bouteilles qui scintillent en plein jour, la réverbération des immeubles comme un kaléidoscope loué. Sommes-nous à chercher plus haut que nos ancêtres, à nous vouloir Dieux pour dépasser notre être ? Ou n’est-ce que la réponse d’un monde de construction ?  D’un play-mobile géant pour une partie entre amis ? Face, pile, huit étages, deux ascenseurs, je te prends ton appart, rejoue, passe ton tour, une tour, un fou, échec et mat, à la bataille naval, j’ai gagné le ciel.

  • Merci pour ce beau kdo... J'espère t'entendre slamer un jour. Bises!

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Pict0528 54

    Sève Maël

  • J'ai vu New-York... New-York U.S.A....

    J'ai jamais rien vu de haut, j'ai jamais rien vu d'aussi beau.... Oh c'est haut c'est beau !!

    Terrible... franchement j'adore grave cette vision presque instantanée du monde dans lequel nous vivons...

    K do :

    · Il y a plus de 13 ans ·
    P211109 12.530001 orig

    Kevin Carlier

Signaler ce texte