Noces funèbres
justine_diot
Sarah devait se marier demain. Ce sera le plus beau jour de sa vie, sans conteste. Elle se souvenait du jour de leur rencontre comme si cela était hier. Tommy était toute sa vie à présent. A cette pensée, son cœur s'emballa. Demain, elle serait sa femme. Elle lui appartiendrait, corps et âme.
Elle se dirigea dans la cuisine et se prépara une collation. Elle n'arrêtait pas de se repasser la liste des choses à faire demain avant la réception. Il ne fallait rien oublier : la coiffeuse, le maquillage, appeler Katia pour qu'elle réceptionne les fleurs... Elle s'orienta dans les dédales de pièces et de couloir de la maison parentale et s'installa près de la verrière admirant les étoles qui scintillaient et son esprit erra, loin.
C'est lorsque la sonnerie du téléphone retentit, qu'elle émergea enfin. Elle se leva de son fauteuil non sans ressentir quelques fourmillements dans ses jambes et se dirigea pour décrocher.
- Mademoiselle Causse, Sarah Causse ?
- Oui, que puis-je pour vous ?
- Agent Norton, connaissez-vous un certain Tommy Miramonde ?
- Oui. Il s'agit de mon fiancé. Que lui voulez-vous ?
- En fait, nous ne voulons pas lui parler...
- Que se passe-t-il ?
- Nous sommes dans le regret de vous annoncer...
Sarah n'entendait plus rien. Le son de sa voix ne parvenait plus à arriver jusqu'à elle. Elle tenta de mettre des mots sur ce qui se passait autour d'elle, mais rien... rien ne lui parvenait. Ses paroles n'avaient aucun sens.
... Accident...Grave... Désolé...
Lentement, elle reposa le combiné. Il lui fallut un long moment pour remettre de l'ordre sans ses idées, mais elle avait tout son temps, c'est tout ce qui lui restait à présent. Elle demeura, figée, près du téléphone durant une longue période entrecoupée par l'apparition du visage de Tommy, de ses cheveux blonds et de son sourire en coin qui la faisait chavirer.
Une vague de panique la submergea, l'obligeant à rebrousser chemin vers la cuisine. Non, ce n'était pas ce qu'elle croyait. La panique lui nouait la gorge. La demeure semblait plongée dans le silence, aucun son ne lui parvenait. Sarah laisse son regard errer à l'affut du moindre indice. Ses pensées dérivèrent inévitablement vers lui.
Elle comprenait à présent ce qui lui arrivait. Elle ne savait pas comment réagir. Elle ne savait pas... Indifférente au temps qui s'écoulait, elle laissa son chagrin l'envahir. Pleurant, jurant, elle jeta violemment contre le mur tout ce qui se trouvait à portée de mains. Une tasse, une assiette des fracassèrent tout à tour, les bouts volant à travers la cuisine. Elle regarda les morceaux éparpillés non sans constater que son cœur était dans le même état.
Cette constatation la remplissait de colère. Elle n'était pas préparer à ça. Alors que dans quelques heures elle aurait dû être vêtue de blanc, marchant au rythme de la marche nuptiale jusqu'à l'autel, elle devra faire des démarches pour l'enterrer. Comment ? Comment cela pouvait-il changer aussi vite en si peu de temps ?
Les larmes jaillirent en plus grand nombre. Elle se faufila difficilement le long du couloir et s'immobilisa, l'estomac soulevé par un haut-le-cœur. Son corps s'écroula au sol, ses jambes ne la soutenant plus. Pourquoi lui ? Pourquoi ?
La blessure était indescriptible. Elle avait l'impression qu'un coup de couteau venait de lui être assené. Là, juste dans son cœur. Elle n'arrêtait pas de se dire que cela était impossible, qu'il s'agissait vraisemblablement d'un mauvais rêve, que cela ne pouvait être vrai... Ca ne se pouvait pas.
Elle était affalée sur le sol, ses épaules se secouant au rythme de ses pleurs. Tout son monde s'écroulait. Rien ne serait plus comme avant, se disait-elle, rien. Elle avait l'impression que le monde dans lequel elle gravitait auparavant n'existait plus. D'être ailleurs, dans un autre temps. Elle voulait... elle voulait Tommy.
Elle était agitée de tremblements compulsifs, prête à sombrer dans l'hystérie. Ses mains tremblaient tellement qu'elle ne parvenait plus à s'appuyer pour se relever. Elle persista, se raccrocha, réessaya mais inévitablement ses bras lâchèrent sous le poids de son corps. Les larmes marquaient son doux visage de stries et retombèrent sur le sol.
Elle était meurtrie dans sa chair. Rien ne pourrait lui rendre son Tommy. Il l'avait abandonné. La blessure était si profonde. Il l'avait laissée seule, la privant du lien qui les unissait, la privant de toute attache, de son amour, de sa vie. Elle errait, perdue, dérivant au loin dans son esprit. Elle pleurait la mort tragique de son bien-aimé.
Sarah devait se marier demain. Ca devait être le plus beau jour de sa vie.