Noir asphalte
gabrielle-m
Benoit Levasseur, sa jeune épouse Emilie et Océane, leur bébé de trois mois, étaient partis à l’aube pour tenter d'échapper aux éternels bouchons du chassé croisé des juilletistes et des aoûtiens. Pendant les quinze prochains jours, ils allaient enfin pouvoir oublier le stress de la vie quotidienne dans la capitale et s’offrir un peu de repos bien mérité. Là-bas, au bout de ce long rouleau noir d'asphalte les attendaient la Méditerranée, ses cigales, ses pins parasols et ses plages de sable blancs. Ils avaient loué un mas provençal dans un petit village de l'arrière pays fleurant bon les vacances et le farniente. Il faisait un temps splendide et pour l'instant le voyage se déroulait à merveille. Océane avait dormi une bonne partie du trajet et venait tout juste de se réveiller. Il allait être temps de faire une pause. Benoit Levasseur avait choisi d'emprunter d'abord les petites routes départementales avant de rejoindre l'A666, la toute nouvelle autoroute récemment ouverte pour décongestionner l'A7 chroniquement saturée lors des transhumances estivales. Bien lui en avait pris car le trafic quoique dense était resté relativement fluide depuis qu'ils avaient quitté Paris.
Il était environ midi lorsque Benoit Levasseur s'engagea sur l'aire d'autoroute à hauteur de Montélimar sud. En cette fin juillet, la chaleur était intense à ce moment de la journée et le contraste avec l'intérieur climatisé du véhicule était saisissant. En quelques secondes, ils étaient déjà en nage. Ils se hâtèrent de pénétrer dans le relais routier pour y retrouver un peu de fraîcheur. Océane était dans les bras de sa mère et commençait de s'agiter sérieusement. C'était l'heure de son biberon et son petit estomac criait famine. Emilie avait tout prévu et emporté dans le vanity de quoi préparer le repas de sa fille et de quoi la changer. Tandis que Benoit faisait la queue au milieu des vacanciers pour obtenir une table au restaurant, Emilie prépara le biberon et le fit chauffer quelques instants dans le four à micro-ondes mis à disposition des clients. Le bébé hurlait maintenant et se débattait furieusement, manifestant clairement son impatience. Heureusement le brouhaha dans la salle couvrait ses cris et personne ne paraissait y prêter attention. La jeune femme faisait aussi vite que possible afin de faire cesser les hurlements déplaisants de sa fille. De grosses larmes coulaient sur ses petites joues rougies par la colère. A peine la tétine approchée de ses lèvres, le bébé se calma et se mit à aspirer goulument le breuvage tant attendu.
Une fois repue Océane se rendormit presque aussitôt, totalement apaisée et insensible au bruit autour d'elle. Emilie la posa dans son landau et alla rejoindre son mari dans la salle du restaurant. La serveuse venait juste d'installer Benoit Levasseur à une table près de la fenêtre. De là ils pouvaient apercevoir l'autoroute et son flot ininterrompu de voitures filant vers le sud et le soleil des vacances. Il observa sa femme tandis qu'elle prenait place en face de lui. En dépit de ses cernes sous les yeux qui trahissaient des nuits tronquées par les réveils intempestifs du bébé, elle était magnifique et il ne put s'empêcher de penser qu'il avait de la chance d'avoir une telle créature à ses côtés. Emilie avait opté pour une tenue décontractée. Elle avait revêtu un short noir qui mettait en valeur ses jambes interminables et un T-shirt blanc en V faisant ressortir encore davantage sa chevelure d'ébène. Elle avait retrouvé depuis longtemps sa silhouette sylphide d'avant la grossesse et le temps ne semblait pas avoir de prise sur elle. A vingt huit ans, elle resplendissait de grâce, d'élégance naturelle et de bonne humeur.
"J'ai commandé deux verres de rosé" lui annonça t-il en souriant
"Tu as bien fait, je meurs de soif." répondit-elle en se plongeant dans la lecture de la carte.
Elle opta pour une salade César tandis qu'il choisissait un plat plus roboratif, une pizza quatre fromages. En attendant qu'on leur amène leur repas, ils discutèrent de choses et d'autres, de leurs vacances et des loisirs qu'ils allaient s'offrir, de leur projet d'acheter un appartement et surtout de ce qui les préoccupait ces derniers temps, de la recherche d'une nounou pour garder leur fille. Emilie souhaitait reprendre son travail de consultante en informatique. Elle n'était pas faite pour rester au foyer et les journées passées entre les tâches ménagères, les biberons et les changes commençaient sérieusement à lui peser. Benoit faisait de son mieux mais il devait reconnaitre que tout reposait sur les épaules de sa femme. Son travail de chercheur dans un laboratoire de virologie l'accaparait totalement. Il quittait la maison aux aurores et ne rentrait que tard le soir. Il pouvait comprendre qu'Emilie se sente seule et qu'elle en ait assez. Il était naturel qu'elle souhaite retrouver une vie sociale.
Comme bien souvent sur les aires d'autoroute où le client est captif et de passage, la nourriture était de qualité très moyenne pour un prix exorbitant. Quant au service, il y avait là-aussi à redire. Ils durent patienter près d'une demi-heure avant qu'on leur amène enfin le dessert et le café. La serveuse faisait de son mieux mais la salle était bondée et il manquait visiblement du personnel en salle pour faire face à cet afflux de convives. Il allait être temps de reprendre la route. Il leur restait encore presque deux cent kilomètres à parcourir avant d'atteindre leur destination et ils avaient hâte d'arriver pour profiter de la piscine attenante au mas qu'ils avaient loué. Alors seulement les vacances allaient vraiment commencer et ils pourraient se détendre. En attendant il allait falloir réintégrer la migration des vacanciers, les ralentissements et les invectives d'automobilistes stressés et énervés.
Benoit Levasseur régla la note et le couple alla rejoindre sa voiture. La température à l'intérieur était intenable. Il n'était pas question d'installer tout de suite le bébé sur son siège auto. Il mit en marche le moteur pour faire tourner la climatisation un moment avant de monter à bord tandis qu'ils se mettaient tous les trois sous un arbre pour se mettre à l'abri des ardeurs du soleil. Ils avaient déjà replié et chargé le landau dans le coffre. Emilie tenait Océane dans les bras. La petite fille s'était réveillée et gigotait à nouveau et on sentait bien que les pleurs n'étaient pas loin. Quelque chose la dérangeait visiblement.
"Zut, elle a encore fait dans sa couche. Il va falloir que je retourne la changer" annonça Emilie, contrariée.
Benoit Levasseur haussa les épaules, résigné. C'était toujours comme cela. On aurait dit que leur fille prenait un malin plaisir à les rendre fous. Elle attendait que ses parents la change et à peine propre, elle remettait ça.
"Vas-y, pendant ce temps je vais en profiter pour refaire le plein. Cela nous évitera un deuxième arrêt. Rejoins-moi aux pompes. Fais vite, on a encore de la route à faire. "
"Je me dépêche"
Le bébé dans les bras et le vanity à la main, elle s'éloigna à grandes enjambées en direction du relais routier, de cette démarche chaloupée qui la rendait irrésistible. Bruno Levasseur démarra la voiture et alla prendre son tour dans la file d'attente de la station service. Pour tuer le temps, il mit en marche l'autoradio et écouta info trafic pour savoir ce qui les attendait plus au sud. Comme d'habitude il dut d'abord subir de longues minutes de musique et autres baratins inutiles avant qu'enfin ne vienne l'heure du point sur la circulation. A priori ils allaient pouvoir parvenir sans encombre à bon port. Pas d'accident signalé et pas de bouchons majeurs, juste un ralentissement de quelques kilomètres un peu plus loin. En revanche, dans le sens des retours, c'était la pagaille.
Après une bonne dizaine de minutes d’attente, ce fut enfin son tour. Émilie n’était toujours pas de retour mais il ne s’inquiéta pas outre mesure. Avec tout ce monde, elle avait du sans doute elle aussi faire la queue. En plus Océane était parfois intenable. Elle détestait la sensation de froid des lingettes sur ses petites fesses potelées et se tortillait comme un beau diable, compliquant encore davantage la tâche de ses parents. Benoit Levasseur compléta son plein et alla régler en caisse. Il revint à sa voiture, cherchant sa femme du regard. Toujours personne en vu. Agacé, il remonta dans son véhicule et retourna en direction du relais routier. Cette fois, Émilie exagérait. Il ne fallait quand même pas un quart d’heure pour changer un bébé ! Pour couronner le tout, elle avait laissé son sac à main dans la voiture. Inutile donc de chercher à l’appeler sur son portable. Il se gara devant la porte donnant accès au restaurant ainsi qu’aux boutiques. De là, il ne pouvait pas la rater lorsqu’elle ressortirait, ce qui ne devrait normalement plus tarder maintenant. Il grilla une cigarette pour tromper l’ennui et passer ses nerfs. Benoît Levasseur ne supportait pas les contrariétés et ce contretemps inattendu commençait sérieusement de l’irriter. A ce rythme là, ils n’arriveraient pas avant le soir. Le temps d’aller chercher des provisions, la journée serait foutue. C’était bien la peine de s’être levés à 4 heures du matin et d’être partis dès potron-minet pour en arriver là ! Après avoir encore patienté cinq bonnes minutes, il se décida à aller chercher Émilie. Un rapide coup d’œil dans la salle de restaurant lui confirma qu’elle n’y était pas. D’ailleurs, il n’y avait aucune raison pour qu’elle y retourne. Il inspecta les boutiques une par une, sans trouver de trace de son épouse et de sa fille. Pas de doute, elles étaient encore coincées dans les toilettes. Pourquoi cela prenait-il donc autant de temps ? D’accord, il y avait beaucoup de monde mais quand même. Toutes les « pisseuses » entrant dans ce lieu d’aisance n’avait pas un bébé à changer ! Il passa les dix minutes suivantes à guetter chaque femme sortant des WC. Mais toujours pas d’Émilie. Il ne pouvait tout de même pas entrer lui-même dans les toilettes pour femmes ! N’y tenant plus, il finit par arrêter une dame d’une cinquantaine d’années qui venait tout juste de sortir de là.
« Pardon Madame, je suis désolé de vous déranger, mais auriez-vous vu une jeune femme brune dans les toilettes avec un bébé ? C’est mon épouse et ça fait un bon moment que je l’attends. Je ne sais pas ce qu’elle fabrique. »
Son interlocutrice le dévisagea un instant avant de secouer la tête.
« Non, je suis navrée mais je ne crois pas. Je n’ai pas fait très attention. L’emplacement pour les changes bébés est dans une pièce à part. »
« Écoutez, cela vous ennuierait, de retourner voir et de dire à Émilie de se dépêcher ? »
Par chance il était tombé sur une personne serviable qui accepta de bonne grâce de lui rendre ce service. Cette fois, Benoît Levasseur était furieux contre sa femme. A tous les coups elle avait fait les boutiques avant d’aller changer Océane. C’était tout à fait son style de musarder et de prendre son temps, même lorsqu’ils étaient pressés. Ce trait de caractère l’exaspérait parfois, lui qui avait horreur d’arriver en retard ou de faire attendre. Quelques instants plus tard, la brave dame ressortit et s’approcha de lui en secouant à nouveau la tête d’un air contrit :
« Je suis désolée Monsieur, mais il n’y a personne dans la pièce à langer. »
« Vous êtes certaine ? Vous avez regardé dans les toilettes ? »
« Écoutez, Monsieur, je vous dis que je n’ai pas vu de jeune femme avec un bébé. Elle a du ressortir avant que vous arriviez et doit vous attendre quelque part. »
Benoît Levasseur commençait de paniquer. C’était impossible, il avait déjà regardé partout. Émilie et Océane ne pouvaient qu’être là-dedans. Il décida d’aller vérifier par lui-même et tant pis pour le scandale. Il se précipita dans les toilettes pour dames, déclenchant une vague de cris et de protestations outrées des personnes présentes.
« Émilie ? Émilie ? » Sa voix trahissait une angoisse croissante.
Une des jeunes femmes s’énerva contre lui se montrant plus virulente que les autres :
« Mais enfin, Monsieur, qu’est-ce qui vous prend ? Vous n’avez pas le droit d’entrer ici ! C’est une honte ! »
Sans tenir compte des récriminations contre lui, Benoît Levasseur se rua dans la petite pièce prévue pour permettre aux mamans de changer leurs enfants à l’abri des regards. La porte à peine ouverte, il sentit ses jambes défaillir sous lui : il venait de reconnaitre leur petit vanity noir resté ouvert sur la table à langer. Le lait de toilette était encore sorti ainsi qu’un paquet de couches. Émilie était bien venue ici mais il n’y avait aucune trace d’elle ou du bébé. Il sentit une sueur froide lui couler le long du dos. Il s’était passé quelque chose d’anormal. Jamais sa femme n’aurait laissé traîner ainsi leurs affaires. Qu’avait-elle fait ? Pourquoi était-elle partie si brutalement de cette pièce ? Où était-elle maintenant et où avait-elle emmené le bébé ? Autant de questions sans réponse qui l’oppressaient brutalement.
Benoît Levasseur quitta les lieux, livide et hagard, sans donner d’explications aux femmes présentes choquées par son intrusion. C’était bien là le cadet de ses soucis. Il parcourut à nouveau toutes les boutiques, une par une. Il retourna ensuite sur le parking et en fit le tour, toujours sans apercevoir ni sa femme ni sa fille. Au bout d’une heure de vaines recherches, il lui devint évident qu’elles avaient disparues toutes les deux. A bout de nerfs, il se résigna à composer le 17 et tomba sur la gendarmerie. En quelques mots il tenta de résumer son histoire, pensant qu’ils allaient sans doute le prendre pour un fou. La personne qui prit son message ne laissa rien paraître. Des histoires rocambolesques, ils devaient en voir tous les jours. Il dut décliner son identité et indiquer où il se trouvait exactement. Après lui avoir fait préciser le numéro d’immatriculation de sa voiture, on lui demanda de rester près de son véhicule et d’attendre l’arrivée de la patrouille qui allait être envoyée. Il obtempéra comme un zombie, l’estomac noué par la peur. Tout cela n’avait aucun sens. Comment une femme et son bébé pouvaient-ils bien se volatiliser sur une aire d’autoroute pleine de monde ? Qui aurait pu s’en prendre à Émilie et Océane et pourquoi ?
Moins de vingt minutes plus tard il aperçut une estafette de la gendarmerie arrivant à vive allure, gyrophare en marche. Il leur fit de grands signes pour signaler sa présence. Le véhicule ralentit et bifurqua dans sa direction. Trois hommes en uniformes en descendirent et s’approchèrent de lui. Le plus gradé des trois le salua poliment.
« Monsieur Levasseur ? C’est vous qui avez appelé le 17 pour signaler la disparition de votre femme et de votre fille ?»
« Oui, c’est moi »
« Capitaine Grangier. Racontez-nous ce qui s’est passé. »
« Ma femme et moi nous nous sommes arrêtés pour déjeuner. Nous avons mangé là dans le restaurant » répondit-il en désignant l’entrée du relais derrière eux.
« Au moment de repartir, Émilie m’a dit que la petite avait à nouveau fait dans sa couche et qu’elle devait aller la changer. Pendant ce temps là, je suis allé faire le plein à la station service. Comme je ne la voyais pas revenir, je suis venu jusqu’ici pour l’attendre. Au bout d’un moment, je suis allé vérifier dans les toilettes mais elles n’y étaient pas. Je les ai cherchés toutes les deux partout… S’il vous plait, retrouvez-les ! ».
L’homme paraissait sincèrement inquiet et même paniqué.
« Calmez-vous, elles ne doivent pas être très loin. Quel âge a votre fille ? »
« Trois mois »
« Comment étaient-elles habillées ? »
« Ma femme porte un short noir et un T-shirt blanc. Océane a juste une petite layette à manches courtes. »
« Quel âge a votre femme et quelles sont ses mensurations ? »
« Émilie a 28 ans. Elle mesure 1.70 mètres et pèse environ 53 kilos. »
« Vous avez une photo récente d’elle et de votre bébé sur vous ? »
Benoît Levasseur fouilla mécaniquement son portefeuille et en sorti un cliché pris trois semaines plus tôt chez ses parents. Émilie et Océane y figuraient en gros plans. La jeune femme était radieuse, ses grands yeux verts rivés sur l’objectif, un large sourire aux lèvres.
« Votre épouse et vous, vous vous entendiez bien ? »
L’homme sursauta comme sous l’effet d’une gifle.
« Bien sûr, qu’est-ce que vous insinuez ? Qu’elle aurait pu décider de me quitter, comme ça, sur un coup de tête ? »
« Désolé, nous devons envisager toutes les hypothèses. Vous savez, vous ne seriez pas le premier à être plaqué brutalement et sans avertissement. »
« C’est impossible. Émilie et moi nous entendions très bien. Elle n’avait aucune raison de vouloir partir. »
Le capitaine Grangier songea intérieurement que les cocus étaient en général les derniers informés et que cet homme risquait de tomber de haut. Cette affaire sentait la disparition volontaire avec enlèvement d’enfant à la clé. Il garda néanmoins ses commentaires pour lui et poursuivi sur le même ton neutre et professionnel.
« Avez-vous réellement vu votre femme entrer dans le relais pour se rendre dans les toilettes pour femmes ? »
« Non, je vous l’ai dit, je suis parti à la station service pendant ce temps. »
«Donc, vous ne pouvez pas être sûr qu’elle s’y est vraiment rendue ? »
« Si, j’en suis sûr parce que lorsque j’ai fini par vérifier moi-même, j’ai retrouvé sur la table à langer la petite mallette dans laquelle ma femme mettait les affaires pour Océane…. »
L’information était importante et pouvait s’avérer préoccupante.
« Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où votre femme est repartie en direction du relais et le moment où vous avez réalisé qu’elle n’était pas dans les toilettes pour femmes ? »
« J’ai du mettre environ un quart d’heure pour faire le plein et j’ai peut-être encore attendu une dizaine de minutes avant de m’inquiéter vraiment. »
« Donc en gros il s’est écoulé quasiment une demi-heure ? »
« Oui, c’est cela. »
Se tournant vers les deux autres gendarmes, il lança rapidement :
« Ok les gars, vous avez entendu : on recherche une femme brune de 28 ans vêtue d’un short noir et d’un t-shirt blanc, taille 1.70 m, poids 53 Kgs, accompagnée d’un bébé de 3 mois. Vous ratissez les alentours et demandez à tous les automobilistes et chauffeurs routiers s’ils ont vu quelqu’un correspondant au signalement. Montrez-leur la photo, ça leur rappellera peut-être quelque chose. Je vais aller faire un tour dans les toilettes pour femmes pour voir s’il y a des indices qui pourraient nous mettre sur la voie. Vous m’appelez immédiatement si vous avez du nouveau. »
Les deux autres gendarmes se dispersèrent commençant méticuleusement à interroger toutes les personnes présentes. Pendant ce temps là, le capitaine Grangier se dirigea vers le relais, Benoît Levasseur sur les talons. L’officier demanda à parler au responsable du site et expliqua en deux mots ce qui se passait. Il exigea que les toilettes pour dames soient évacuées et interdites d’accès. Quand il fut sûr que plus personne n’était à l’intérieur, il y pénétra, accompagné par le mari qui lui désigna le vanity, toujours là sur la table à langer.
« Vous êtes certain que c’est bien le votre ? »
« Oui. Je reconnais les affaires d’Océane dedans. »
Le capitaine inspecta les lieux, sans relever la moindre trace anormale. Pas de signes de lutte qui aurait pu laisser penser à une agression. Cette affaire était étrange. En sortant de la petite pièce dédiée aux changes bébés, il remarqua tout de suite une porte coup-de-poing servant manifestement d’issue de secours. Si personne ne pouvait entrer par là, en revanche quelqu’un pouvait facilement en sortir sans repasser par l’intérieur du relais. Voila qui était intéressant et qui constituait une piste sérieuse. Le gendarme ouvrit la porte pour observer l’extérieur. Elle donnait sur l’arrière, là où étaient entreposées les poubelles. Les parkings étaient situés de l’autre côté, si bien que là non plus personne ne pouvait voir quelqu’un sortant par cette issue de secours.
Le capitaine Grangier retourna à l’intérieur du bâtiment et demanda au gérant de pouvoir visionner les caméras de surveillance. Ce dernier obtempéra à contrecœur car en cette période de grands départs il avait bien d’autres choses à faire que de s’occuper de la fugue d’une cliente. Ils conduisit néanmoins les deux hommes dans l’arrière boutique et les laissa se débrouiller, non sans leur avoir expliquer le fonctionnement des caméras et des moniteurs. Ils firent défiler les bandes d’enregistrement jusqu’au créneau horaire pendant lequel Émilie et Océane avaient disparu. La première caméra, celle donnant sur l’extérieur finit par leur montrer la jeune femme se dirigeant vers le relais, son bébé dans les bras. Il était exactement 13h34. La deuxième leur permit assez rapidement d’identifier Émilie au milieu des autres touristes au moment où elle accédait aux toilettes pour femmes, quatre minutes plus tard. Mais ensuite, plus rien. A aucun moment ils ne la virent ressortir de là. Ils eurent beau visionner les autres bandes, celles des boutiques, comme celles des parkings, ils n’aperçurent aucune personne ressemblant de près ou de loin à la jeune femme. Le doute n’était plus permis, Émilie était nécessairement ressortie par l’issue de secours. Il restait à savoir si elle l’avait fait de son plein gré ou sous la contrainte. Le capitaine Grangier était de plus en plus persuadé qu’elle avait organisé sa fuite et que quelqu’un devait l’attendre avec un véhicule à l’arrière du bâtiment. Mais pourquoi un tel stratagème ? Avait-elle tellement peur de son mari qu’elle n’avait pas osé lui annoncer qu’elle voulait se séparer de lui ? Mais dans ce cas là, pourquoi attendre ce départ en vacances plutôt que de quitter discrètement le domicile conjugal pendant que son conjoint était au travail ? Cela aurait pourtant été une solution nettement moins alambiquée.
« Dîtes-moi, votre femme a un portable ? »
« Oui mais elle a laissé son sac dans la voiture avec toutes ses affaires : papiers, carte bleue, chéquier et téléphone. »
Le gendarme fronça les sourcils. Cet élément mettait sa théorie par terre. Et puis il y avait le vanity. Quel intérêt aurait-elle eu de le laisser derrière elle ? Tout cela ne collait pas. Il en était là de ses réflexions lorsque son propre téléphone se mit à sonner. C’était un de ses hommes.
« Capitaine, je crois que vous devriez venir vite. On est sur l’aire des poids lourds. On a du nouveau et du pas banal. »
« On arrive »
« Ils les ont retrouvées ? » demanda Benoît Levasseur plein d’espoir.
« Je n’en sais rien mais ils ont quelque chose. Venez ! »
Les deux hommes se hâtèrent en direction du parking pour les camions et les autocars. Ce dernier se trouvait en retrait, assez loin du relais. Ils l’atteignirent en moins de cinq minutes. Ils repérèrent assez rapidement les deux gendarmes en grande discussion avec un grand costaud devant un trente cinq tonnes flambant neuf. L’homme se retourna vers eux et Benoît Levasseur eut un haut le cœur. Dans ses bras énormes, un minuscule bébé gigotait et donnait des coups de pieds. Même de loin, il aurait reconnut ses pleurs entre milles. Il se rua comme un fou sur lui, la tête en feu et lui arracha Océane des mains. Il était blanc comme un linge.
« Comment avez-vous osé enlever ma fille ? Et où est ma femme ? »
« Mais qu’est-ce qu’il raconte celui là ? Je l’ai pas enlevé moi sa fille ! »
L’un des deux gendarmes s’interposa :
« Calmez-vous ! Ce monsieur n’a pas kidnappé votre fille. Il l’a trouvée sous les arbres, posée dans l’herbe là-bas derrière son camion en rentrant de sa pause déjeuner. Ce sont ses cris qui l’ont alerté. Il ne sait absolument rien au sujet de votre femme… »
Synopsis
Episode 1:
Emilie Levasseur disparait sur une aire d'autoroute de l'A666. La gendarmerie est alertée. Océane, son bébé de 3 mois est retrouvé abandonné dans l'herbe sous un arbre du parking poids lourds mais aucune trace de la jeune femme.
Episode 2:
L'enquête piétine. Les appels à témoins n'ont rien donné. Seule une femme affirme avoir vu Emilie dans les toilette en train de changer Océane. Elles ont même échangé quelques mots. Tout avait l'air tout normal.
Episode 3:
Benoit Levasseur reçoit un appel d'une personne lui affirmant avoir enlevé son épouse. Les ravisseurs exigent une rançon de cinq cent milles euros. En dépit des menaces des ravisseurs, il met la gendarmerie au courant.
Episode 4:
Benoit Levasseur est mis sur écoute et sous surveillance. Un rendez-vous est fixé. La gendarmerie prépare une souricière mais l'opération échoue lamentablement. Le lendemain, il reçoit un lobe d'oreille de sa femme avec une de ses boucles. Les ravisseurs menacent de la tuer s'il continue de collaborer avec les gendarmes.
Episode 5:
Benoit Levasseur décide de faire cavalier seul. A l'insu de la gendarmerie, il parvient à établir le contact avec les ravisseurs. Ceux-ci lui révèlent alors qu'ils ne veulent pas d'argent mais le résultat des recherches sur un virus pathogène mortel menées par son employeur. Il parvient à fausser compagnie aux gendarmes et remet les documents demandés.
Episode 6:
Emilie n'est pas libérée. Benoit Levasseur est identifié comme l'auteur de l'intrusion au laboratoire. Il finit par avouer la vérité aux gendarmes qui lui reprochent alors d'avoir mis la vie de sa femme en péril. Ils commencent de s'intéresser de plus près à lui et découvrent qu'il a souscrit une assurance décès au nom de sa femme quelques mois plus tôt et qu'il a ouvert un compte en Suisse sur lequel de fortes sommes d'argent ont été versées depuis l'enlèvement.
Episode 7
Les gendarmes reçoivent un appel anonyme d'une femme prétendant être la maîtresse de Benoit Levasseur. Selon elle, il voulait quitter Emilie mais ne voulait pas perdre la garde du bébé. Il est alors accusé d'avoir vendu une arme bactériologique à une puissance étrangère et d'avoir organisé l'enlèvement pour se forger un alibi. Il aurait profité de l'occasion pour se débarrasser de son épouse. Il nie les faits mais il est incarcéré.
Episode 8
D'autres preuves s'accumulent contre lui. Pendant les semaines précédant l'enlèvement d'Emilie, il a reçu de nombreux appels en provenance de pays arabes. La sœur d'Emilie obtient la garde d'Océane et l'emmène dans son pays d'origine, Israël. Benoit Levasseur engage un détective privé pour prouver son innocence. Ce dernier ne croit pas à la thèse de l'espionnage. Il concentre ses recherches sur la vie d'Emilie et ses faits et gestes dans les mois qui ont précédé le voyage sur l'A666.
Episode 9
Le détective a découvert des éléments troublants. Il part en Israël pour enquêter dans le passé d'Emilie. Il retrouve sa sœur Sarah ainsi que la petite Océane. Il soupçonne qu'Emilie est encore en vie et qu'elle finira par venir voir sa fille.
Episode 10
Le détective parvient à entrer en contact avec Emilie. Elle avoue faire partie du Mossad et avoir épousé Benoit Levasseur sur ordre. Ses employeurs ont décidé de l'exfiltrer lorsqu'elle est tombée amoureuse de son mari. Elle remet au détective des preuves démontrant le complot contre lui. Il ne doit plus jamais chercher à la revoir car le Mossad va lui faire payer sa trahison. Elle demande au détective de ramener Océane à son père.