Nothing Else (2)

Mathilde En Soir

"Aussi longtemps que les hommes ne seront pas complets et libres, ils rêveront la nuit." Paul Nizan


Les premières constructions commencèrent. Mady se rendait enfin compte de la tâche qui l'attendait. Les hommes s'impatientent, il y a tous à bâtir. Le plus difficile sera de regagner leur confiance. Mady l'a compris. Le temps, c'est la seule chose qu'il reste dans les gravas de la cité.

Mady : "Je pense qu'il serait préférable de redessiner les plans de la cité."

Théophane : "Quel serait l'intérêt ? Nous n'avions rencontré aucun problème avec les anciennes fondations."

Mady : "Pour changer. Le peuple n'aura confiance que s'il voit un renouveau. Une cité ne peut pas rester inchangée pendant 50 ans."

Théophane : "J'ai confiance en toi. Je te suivrai."

Silence

Mady : "Que fait cet homme au loin ?"

Théophane : "C'est un éclaireur. Il doit se frayer un chemin en dehors de la cité et informer notre guide."

Mady : "Le guide ?"

Théophane : "Le chef des éclaireurs."

Mady : "Théophane, je sais que je ne peux pas tout remettre en question, mais je ne suis pas sûre que le guide ait un rôle primordial dans le travail des éclaireurs."

Théophane : "Pourquoi ? Le guide est notre troisième œil. Il est d'une aide précieuse."

Mady : "L'éclaireur peut tout simplement nous informer directement."

Théophane : "Nous ne pouvons pas pour le moment être sur tous les fronts. Et l'armée doit être informée s'il y a des mouvements de troupe."

Mady : "L'armée ? Nous possédons toujours des corps d'infanterie ?"

Théophane : "Oui ,c'est primordial d'en disposer d'une."

Mady : "C'est une armée comme la nôtre qui a quasiment rasé la cité. Elle a voulu sceller son destin."

Théophane : "Sur ordre de leur chef, Mady. Ton prédécesseur était loin d'être innocent."

Mady : "Tu penses qu'un homme tenant un glaive à la main est incapable de réfléchir à ce qui est juste ?"

Théophane : "Je pense surtout qu'il y a certains éléments que tu n'as pas en ta possession."

Mady : "Lesquels ?"

Théophane : "Il y en a plusieurs. Malheureusement, en temps de guerre, on les comprend. Je ne veux plus vivre cela, Mady. J'ai ... (tenant son pendentif à la main) Nous avons assez souffert."

Mady : "Qui est la femme photographiée sur votre pendentif ?"

Théophane : "Un souvenir ... Un beau souvenir.  Elle représentait tout. Mon avenir, ma raison d'être."

Mady : "C'était votre femme ? Comment s'appelait-elle ?"

Théophane : "Danaé. Elle était tout pour moi. J'étais fou d'elle. J'ai tant cru en notre union. Elle était sculptrice. Elle modelait des animaux. Elle avait une sainte horreur des loups, à l'époque la vallée en était peuplée. Alors pour vaincre sa peur, elle les modelait, toujours de plus en plus gros. Je suis incapable de l'oublier. Si un homme devait n'avoir à vivre qu'un seul amour, alors je sais que je l'ai vécu auprès d'elle."

Mady : "Pardon Théophane, pardon de raviver ce souvenir douloureux."

Théophane : "Il n'y a pas que ça. Mady, je suis comme eux."

Mady : "Comme qui ?"

Théophane : "Comme ceux qui trônaient sur le siège royal avant toi. Comme celui qui prétendait être un bon souverain, le serviteur de la paix. Comme celui qui l'a aidé à fabriquer des armes terribles pour attaquer à tout va, comme celui qui l'a conseillé d'attendre que les denrées viennent à manquer pour conquérir les terres voisines."

Mady : "Mon prédécesseur avait tout manigancé, tout était prévu d'avance. Tout le monde lui a fait confiance. Vous n'y êtes pour rien."

Théophane : "Je l'ai secondé. J'ai secondé cet homme qui est à l'origine de ce carnage. Elu par les habitants, arborant de grands sourires, et décrétant des lois pacifiques, il a attendu de posséder une armée suffisamment puissante pour combattre ce que nous autres, nous considérions comme nos alliés. Nous autres, le peuple. Et dire que j'ose dire "nous" alors que Danaé, mes proches, mes amis, m'ont considérés comme un monstre. J'ai laissé faire, je n'ai rien vu de ce qu'il se tramait et j'ai osé dire que je les aimais. J'ai cru en ce dictateur. Peu après cette invasion qui s'est soldée par un échec cuisant, nous fumes assiégés de part et d'autre de la cité. Tu sais ce qu'il s'est passé ensuite. La guerre. Le sang. Les dégâts. Suite à ce désastre, les anciens collaborateurs du souverain furent emprisonnés. Pensant qu'il allait se couvrir de gloire et de fortune, l'ancien dirigeant a tout perdu. Il a été retrouvé mort dans son bureau. J'ai été emprisonné. J'étais là, couvert de crasse. Seul, à croupir derrière des barreaux en fer. Danaé n'était plus là ... Elle me disait que tant je serai là, elle serait protégée... C'est cette maudite guerre qui l'a tuée.... et je ne verrai plus son visage, ses cheveux, ses traits,  je souhaite tant la revoir ...  "

Mady : "Ça n'arrivera plus. Non, de telles choses n'arriveront plus. Ça ne doit plus jamais arriver."

  • Je serais curieux de voir jouer cette pièce de théâtre. Belle illustration sonore. Sur la forme "de telles choses" et non de "telles chose". A vous relire

    · Il y a environ 10 ans ·
    Mouette des iles lavezzi orig

    valjean

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