Nous étions

Nous étions à quelques jours de Noël, il faisait froid et humide, j'avais revêtu mon grand manteau noir style militaire, j'avais l'air d'un dandy avec. C'est à cette période que j'ai reçu un coup de fil de mon amour d'été, il appelait pour m'annoncer qu'il allait se marier. Je l'ai félicité comme il convient de le faire, on a un peu bavardé et, on a raccroché. Ainsi s'achevait une histoire d'amour, un amour baigné de soleil, un  été à se baigner dans la rivière, j'étais un garçon doué pour la musique que j'écrivais sur des cahiers achetés au bar de la place.

J'ai regardé le feu dans la cheminée, des larmes dans les yeux. Je ne sais ce qui me faisait pleurer le plus, le feu ou cet appel bref, violent comme la bise d'hiver sur le visage. J'avais envie de me cacher dans un trou de souris, de m'échapper sur les chemins de cet été, à vélo avec lui. Ce fut mon premier amour. Un grand jeune homme sûr de lui, il avait un je ne sais quoi de désinvolte dans sa manière de dire "à plus". Je ne sais pas à quel moment j'ai commencé à l'aimer. C'était l'été, cette saison chaude et légère propre aux premières expériences, humaines et amoureuses. On s'est promis de se revoir bien sûr, mais je n'y croyais guère. C'est loin l'Amérique, surtout quand on se marie.

Derrière la table des convives croulait sous des mets fins, une bonne table qui met du baume au coeur, Eugénie avait bien travaillé, comme d'habitude elle avait cuisinait seule, César lui avait apportée du poisson de la rivière et de truffes que Yago notre chien avait trouvées dans la forêt. Tout ce petit monde me faisait du bien, mon père allait arriver du continent pour une semaine de vacances de bonheur. Ma mère serait belle comme toujours et nous réciterait des vers de Rilke, une coupe de champagne à la main. Mon univers me faisait du bien, mais mon coeur avait besoin d'un pansement réparateur, il avait besoin de respirer, de plonger à nouveau dans la rivière, comme cet été où je suis tombé amoureux d'un homme pour la première fois.