Nouvel extrait Rockonnection

walkman

J'aimais quand elle était ivre. Pas l'ivresse qui fait rire, non, mais quand elle jouait à Pong avec les murs d'un couloir d'un mètre de large pour venir s'écrouler dans le premier lit qui venait. J'la rejoignais vers trois ou quatre heure, en baffouillant "Competition in other places... oh but the horns they blowin' that sound" et je me laissais choir à coté d'elle, parfois directement le nez dans sa chevelure. J'ignorais ce que ça sentait mais ça sentait bon, ça sentait la même chose que le matin. Et je roulais pour me mettre sur le dos et je la sentais toujours. Elle respirait fort, endormie, et ailleurs dans la maison les grandes gueules faisaient encore plus de bruit. Y avait les vases qui tombaient, ou les verres et des voix qui s'insurgeaient. J'étais beaucoup trop amoureux pour en avoir quelque chose à faire de ces objets qui se brisaient. Toute la nuit on avait ri, on s'était croisé et souri, on avait partagé des critiques hypocrites sur des invités et quelques baisers volés devant la porte des toilettes. J'avais constament envie d'elle... Ô la peindre ! Je remuais dans le lit en suant les litres de trucs qui ont tendance à mettre mal et bien en même temps. Comme une femme. Alors avant de croire que j'allais compter les tours de montagnes russes en fermant les yeux, je prenais sa main non-consentante dans la mienne. Et je la gardais comme ça jusqu'à ce que je finisse, comme elle, par m'évanouir. 

Désormais quand je rebondis dans mon couloir étroit, j'imagine qu'elle m'attend encore dans le lit. J'aime la retrouvée complètement morte comme si j'étais nécrophile. Je m'allonge dans mon grand lit vide le visage dans un coussin et je soupire. Il me suffit de rien pour sentir sa main tendre venir se poser sur ma nuque. Je sais que ce n'est pas réel mais j'ai toujours dit que si cette femme n'avait pas existée il aurait fallu l'inventer. Je roule encore pour la voir me contempler. Le sourire que ma mémoire lui prête me rappelle que je ne me souviens plus de son vrai sourire. Et puis c'est moi qui me fend la gueule d'un coup venu de nulle part parce que je l'ai vue en vrai aujourd'hui. 

"Ah oui ? Et qu'est-ce que je t'ai dit ?

- D'aller me faire voir, d'aller au diable. Mais ça m'est égal. C'est comme si j'y étais déjà."

Je pose mon index sur son nez. 

"Mais dés que je crois que je te vois, c'est comme quand Kurt Cobain rejoint le Nirvana."

Mon sourire niais l'a fait ricanner. Comme ce sont mes hallus, j'prends ça pour de l'autodérision. Mais j'arrête de la regarder. Elle m'a encore dit qu'elle était désolée de ne pas m'aimer. Alors qu'elle n'y est pour rien, c'est moi qui nous ai mis là. 

"Alors, comment va-t-on te sortir de cette nouvelle merde, Hayden ?"

Le sourire renaît. Je lui tourne le dos pour aller fouiller dans le tiroir de la table de chevet. Je lui présente le Johnnie Walker vert. 

"Eh bien en te faisant mourir un peu."

Le drame de ma vie, c'est toujours la veille. 

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