Nouvelle pour Anne
aile68
Elle avait perdu son père, elle avait perdu son frère, dans quel ordre, je ne sais pas. C'était son frère jumeau, il faisait des rallyes, sa voiture c'était une 205 turbo, je ne vous en dirai pas plus, je n'y connais rien en mécanique. Il faisait sûrement du tuning aussi. Enfin, c'est comme ça que je l'imagine. Elle avait une soeur, bien vivante, être solaire qui s'amusait même à la fac. La famille était grande en fait. Elle s'appelait Anne, elle était belle, de ces beautés menues et petites, au caractère bien trempé. Elle me parlait quelques fois dans le bus, j'aurais voulu devenir son amie, elle avait déjà son cercle d'amies, peut-être ai-je été pot de colle, je ne sais pas. Pourquoi n'ai-je pas réussi à sympathiser avec quelqu'un?... A un moment je l'ai cru. Je ne parlais pas beaucoup, j'étais mal dans ma peau. J'aurais dû faire comme Julie, naviguer de groupe en groupe, mais je n'avais pas son aisance. Je n'étais pas la seule à n'avoir pas réussi à m'intégrer, pauvres êtres perdus, esseulés dans les couloirs de la fac. On n'osait même pas se regarder, et on était malheureuses, du moins moi, je l'étais. Si encore ça allait dans le travail que je pouvais fournir. Je peinais dans certaines matières, j'aurais dû tout arrêter, mais pour faire quoi? J'étais en fait prisonnière de mes études, mais ça je ne l'ai réalisé que plus tard grâce à une prof que j'aimais bien. J'étais partie pour vous parler d'Anne, je parle de moi comme un besoin impérieux de m'affirmer au moins dans mes écrits. ça fait longtemps maintenant que l'époque de la fac est passée, moi, je suis toute abîmée, je recolle les pots cassés, j'ai évolué à ma manière. Je m'appelle Anne moi aussi, enfin Anna, sur les papiers et pour certains. Qu'importe... La différence est difficile à expliquer, et je ne suis pas certaine qu'elle se trouve là. Je me souviens quand même de bons moments avec des filles qui auraient pu devenir mes copines. Mais rien à dire, rien que ce maudit fiel qui me bouffait de l'intérieur.
Aujourd'hui je vis dans le passé et me débrouille comme je peux avec le présent, mon futur c'est des rendez-vous que je note par-ci par-là, des numéros de téléphone qui pourraient prendre la forme de grands moments dans ma vie, je le sais. Y a des gens comme ça qui par leur générosité et gentillesse intérieures, leur humanité, donnent à votre vie, le sens que vous cherchiez. Je ne sais pas si je m'explique bien... Me sortir de tout ça, ce serait bien. J'y arrive quand je ne pense à rien, que mon esprit est occupé à quelque chose qui me captive, m'entraîne ailleurs. Passé, futur n'existent plus, le présent se fait plénitude, comme pris dans une éternité, quelque chose d'infini.
Une main se tend parfois....il y a des rencontres très rares où la générosité, la gentillesse, comme tu le soulignes, nous fait réconcilier avec le genre humain.
· Il y a plus de 4 ans ·Louve
Je suis contente que tu mettes ce passage en relief. C'est capital dans la vie de mon personnage et des gens dans la vraie vie.
· Il y a plus de 4 ans ·aile68
La vie est un long fleuve et il n'est pas facile de remonter le courant.
· Il y a plus de 4 ans ·yl5
Oui, c'est le cas de ma narratrice mais parfois elle connaît des états de grâce, ça allège le récit.
· Il y a plus de 4 ans ·aile68
C'est toujours très compliqué, les relations humaines. L'être humain est tellement complexe, psychologiquement parlant...
· Il y a plus de 4 ans ·Sy Lou
Oui, et c'est dur de trouver sa voie ou de réussir quand ça va mal comme la narratrice de cette nouvelle.
· Il y a plus de 4 ans ·aile68