Nu devant la glace (5)

Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké

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Un interphone. Notre homme se rappelait alors qu'il ne connaissait pas le nom d'Héloïse. Qu'importe il se sentait avoir le flair. Et c'est tout naturellement qu'il appuya le bouton 3 : « Héloïse, vous êtes arrivé à bon port je présume ? », et le clac d'une porte qui s'ouvre. Troisième étage, notre homme était peiné de sa sueur. La porte de l'appartement était grande ouverte, il y risqua un œil.

« Entrez, lui dit une Héloïse amusée. »

Elle était aujourd'hui sans fard, dans une simple chemise de nuit. A cette vue, l'homme la trouvait encore plus belle qu'avant.

« Un café ? Un thé ? 
- Un café s'il vous plait.
- Vous avez l'air embêté, riait-elle. Seriez-vous un peu gêné de mon naturel ?

-       Je commence à avoir l'habitude de vous voir sous tous vos appareils et attributs.

-       Vous, vous êtes toujours dans le même costume gris, où vous bouillonnez de chaleur. Laissez-vous aller, nous sommes en plein été. Mettez des couleurs, ça me tient à cœur. Installez-vous sur ce fauteuil, il est moelleux, il est farceur.

-       Farceur ?

-       Une fois assis, vous aurez peine à vous relever.

-       Tenteriez-vous de me garder ?

-       Joker !

Et lui de la regarder peiner avec la cafetière. Mais étant assis, il se décida à profiter de la profondeur du fauteuil et de se laisser faire.

-       Bien, s'assit la jeune femme à côté de lui, sur une chaise en paille. Vous sentez-vous dans l'immédiat mélancolique ?

-       Il me semble que non, cet instant est unique.

-       Moi pourtant je le suis. Je vous rencontre, vous m'attirez, ne nous cachons rien. Et je revois alors défiler ma vie de misère avec la gente masculine. Je ne peux m'empêcher de regarder en arrière, alors que je suis une femme forte et du futur.

-       Pourtant, vous ne me connaissez qu'à peine, vous ne devriez faire des similitudes.

-       Oh je n'en sais que trop, mais j'ai tellement eu malheurs que je préfère n'avoir aucune illusion.

-       Il est triste qu'une vie sans illusions. En perdre sa passion en plus de sa raison.

-       Je prends garde, garde à moi, garde à vous. Je me connais si peu que comment voulez-vous que je connaisse autrui.

-       Je commence à vous connaître moi, et je peux vous apprendre que vous êtes franche, naturelle, drôle, incroyablement belle et que vous semblez fidèle à vos idéaux.

-       Ne me faites pas rougir, tous les hommes essaient ça.

-       Je ne suis tous les hommes, juste une âme esseulée.

-       Vous semblez évoquer sans cesse Isabelle, que représentait-elle ?

-       Mon premier et unique amour, un parfum de toujours qui trainait entre nous. Je l'ai connu pucelle, elle m'a connu sans le don. Nous étions tous deux jeunes, elle attirait du monde. Je suis entré dans sa ronde. Elle a largué les amarres chez moi, au bout de trois jours. Je ne vous dis pas le déguisement de l'appartement d'un célibataire qui voit arriver trois cartons d'éléments féminins, je ne me sentais plus chez moi mais la sensation était des plus agréable, comme un soupçon de voyage.

-       Vous aimez les voyages…

-       Je ne connaissais, avant de venir ici, que le voyage d'Isabelle. Sa façon d'être, toujours en retrait de la société. Sa façon de n'être jamais en satiété de ce qui l'entoure. Elle ne me complimentait jamais, mais m'assurait qu'elle m'aimait. Nous faisions l'amour tendrement, nous apprenions l'un de l'autre. Elle, n'était pas mélancolique mais plutôt sur-énergique. Elle avait des projets. Mariage, maison, enfants. Tout me semblait l'idéal et couler de source. Nous avions peu le sou, mais nous nous débrouillions. Elle était créative, elle était une âme vive. Oui, j'étais amoureux…

-       Je vais chercher le café.

Notre homme se sentit là devenir glaçon, comme s'il avait parlé pour rien. Mais il se trompait :

-       Votre Isabelle me ressemble. Du moins à la jeune fille que j'étais, sur-énergique et peu mélancolique. Mais il eut fallu que je rencontre Karl, mon mari. J'étais alors si timide et si maladroitement habillée et perlée, des femmes je ne connaissais rien. Ma mère étant décédé, et n'ayant de frangine, je n'avais aucun idéal féminin. J'étais fagotée comme je le pouvais. Karl est venu me voir après mon emploi d'été de serveuse. Il n'avait pas de bouquet en mains, mais me déclara un poème… Ce fut cet instant-là qui bouleversa ma vie, un simple poème. Si j'avais su qu'après la vie deviendrait invivable et imbuvable. Un homme colérique, qui n'écrivait plus rien, qui se prenait pacha et me faisait être bonne. Depuis, je ne recherche plus rien mais j'idéalise encore l'homme qui me fera un poème et qui continuera à m'en faire à tout jamais.

-       Et moi qui arrive désarmé de tout, fleurs, poème…

-       Et oui mon pauvre ami, vous n'aurez pas de bon point ! riait-elle avec douceur.

-       Donnez-moi une feuille et une plume, je vais vous montrer de quoi je suis capable…

Et elle, surprise et excitée, d'aller lui chercher le nécessaire…

  • Quelle belle prose Alice ! Je continue ma lecture ...

    · Il y a environ 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Eh bien, moi, j'adore ! Je crois même que je préfère ta prose, mais bon, cela dépend aussi du moment, de l'inspiration !

      · Il y a environ 8 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Oui, quand on trouve un thème qui nous remue le cœur, là ça vient bien !

      · Il y a environ 8 ans ·
      Louve blanche

      Louve

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