Nu devant la glace (8)

Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké

Ces quelques premiers mots l'avaient sonné. Son cœur battait la chamade. Amoureux, il s'avoua. Deux aiguilles contraires se titillaient. Ecouter la promenade en effet, ou bien lire les mots qu'il avait sous la main. Respiration profonde, le ron-ron du bateau ne le faisait guère quitter sa torpeur. De toute façon, avec le vrombissement du navire et les commentaires du capitaine, il n'arriverait pas à intégrer tout le vocable de la belle. Il avait de toute façon le mal de mer, mais ne serait-ce pas le mal d'aimer ? Les marmots de devant lui ne l'aidaient pas à se concentrer sur son voyage. Qu'importe, il n'attendait que l'abordage pour aller s'enquérir du contenu de la lettre sur un banc près des canaux.

Le supplice se terminait. Il s'en voulait farouchement, il n'avait pas pris le plaisir demandé par Héloïse à son voyage. Qu'importe les cieux, quand on est amoureux, on est aveugle. Aveuglément aveugle de pouvoir lire cette lettre. Le premier banc ferait l'affaire.

Lecture attentive.

« Cher, mon nouvel ami qui n'a pas de nom, je préférai vous mettre dehors tellement je n'étais à mon aise. N'aviez-vous point remarqué la moiteur de mes mains et le rose sur les joues ? Sans fard et sans poudreuse, vous auriez été bien aveugle. Je n'ai ensuite voulu faire la navigation avec vous, vous n'auriez jamais profité de l'instant présent mais nous serions partis dans des élucubrations. Déjà que nous n'avons finalement jamais visité le musée. J'essaie de vous faire passer tout de même un excellent moment dans la ville.

Qu'importe les villes en fait non ? Quand on fait connaissance. J'étais venue ici en quête de sens, vous y étiez venu, perdre votre sens, et l'ennui c'est qu'ainsi, l'on est tombé nez à nez. Et que depuis, je vous rêve. Vous rendez-vous compte, je vous rêve ? Alors je me suis moi-même lancée le défi de vous écrire un poème :

Je suis la rose éclose,
La rose parfois morose,
Difficile à faire succomber,
Sur des épines elle est tombée
Je n'ai peut-être jamais vraiment aimé
Alors, qu'en saurai-je si tel effet s'arrimait ?
A mon esprit, à mon être
Ne serait-ce que du paraitre ?
Je vous vois et je rougis,
Je vous imagine, et je gis,
Sur le carrelage de ma cuisine
Pour oublier que je m'y sens comme dans une mezzanine
A température élevée
Parce que vous me semblez un plat relevé
Qu'en sais-je de l'amour ?
De tous ces voyous qui promettent pour toujours ?
Qui êtes-vous, vous, le grand Inconnu ?
Devant vous, puis-je vraiment me mettre à nue ?

Je repars à Paris demain matin. Je vous propose que l'on se revoie une dernière fois ce soir, à mon appartement. »

Ainsi se terminait la lettre, de façon tranchante après un si beau poème.

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