Nu devant la glace (9)

Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké

Quelques heures plus tard, après être passé au marché aux fleurs choisir le plus beau des bouquets, notre homme, sur son 31 flânait jusqu'à chez Héloïse, manière de retarder le moment de sans doute se dire définitivement au revoir. Si elle partait le lendemain de la manière dont elle en parlait, nul doute qu'elle ne voyait de futur avec lui.

Arrivé devant chez elle, il la vit au balcon cigarette en bouche, comme pressée de le voir arriver. Elle lui cria depuis là-haut « La porte est ouverte, et moi je suis bouche bée devant votre élégance ».

Notre homme monta les marches pour rejoindre sa belle. Elle était dans un simple peignoir, les cheveux tout humides, fraîche comme la rosée. Elle sortait visiblement de son bain, ce qui expliquait la zénitude de son visage.

« Vos messages labyrinthes m'ont fortement intrigués. Comme si vous retardiez le moment de nous revoir. J'ai été très surpris seul sur le bateau. Il me manquait compagnie, je vous l'avoue. J'avais grande hâte de vous retrouver.

-       Je suis joueuse, peut-être une façon de me protéger et de fortifier ma personnalité. Et puis pendant notre séparation, je me suis amusée à continuer à vous écrire quelques vers. Voulez-vous les entendre ?

-       Bien entendu ! J'en suis fortement intrigué.

-       Alors asseyez-vous sur le divan après avoir été vous chercher de quoi vous rafraîchir dans le frigo. Pendant ce temps, je vais chercher mes notes.

Notre homme profita de l'aubaine pour mieux explorer l'appartement. Une décoration sobre, une lampe de luminothérapie qui éclairait la pièce d'une douceâtre lumière et quelques peintures abstraites. Peu de signes de vie en vérité, pas de photos, pas d'éléments personnifiant l'ensemble. Comme s'il ne s'agissait que d'un appartement de transit.

Brusquement, refit son apparition Héloïse qui le surpris là en pleine contemplation. 

« Et oui, je vis sobrement ici. Mon appartement parisien est plus personnalisé. Je vivais ici avec mon mari, j'essaie désormais d'y faire le vide.

-       Je ne voulais pas être indélicat…

-       Peu importe, je souhaitais vous livrer mes dernières pensées avant de nous quitter…

Grand froid pris notre homme, « avant de nous quitter » le désespérait d'avance. Tout ébahi et abruti, il se lova dans le canapé prêt à entendre les derniers mots. Et elle de commencer :

« Depuis que je vous ai vu, j'ai su,
Que ma vie n'était pas finie, pas repue,
J'essayais d'oublier un homme,
Quand j'en ai découvert un autre ;
Je n'ai pas croqué la pomme,
Comme timide je suis un astre ;
Mais je me suis laisser me découvrir,
Apercevoir un nouvel avenir,
A vous je peux enfin vous dire,
Que vous me plaisez, avec plaisir,
Vos premiers mots m'ont touchés,
Et depuis je suis toute chose,
Il faudrait que dans ma vie j'ose
Ne plus fuir, ne pas partir demain
Pour que peut-être nous joignons nos mains
Avec entrain et douceur,
A la bonne heure…
Je vous suis gré de votre passage
Et de tous vos messages
Mais timide je suis tellement
Qu'il faudrait que très calmement
Vous me montriez la confiance
Qu'en vous je peux avoir sans offense
Alors peut-être que demain je ne partirai
Pas sans vous et que je vous suivrai où vous irez…
Qu'en pensez-vous ? Prenons garde à nous ? »

Et dans un souffle, notre homme de l'embrasser comme un fou, sans lui laisser le temps de placer une autre phrase.

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