Nuit d'ivresse

lena-siwel


... Longtemps, je me suis levée tard.

En moi, les tempêtes prenaient d'assaut mon cerveau, me clouant au lit. Je luttais contre mes vents contraires, et la houle brouillait ma tête, prise entre le jeu de deux castagnettes infernales. J'accédais à des abîmes protégés par les chiens de garde de l'enfer. De Charybde je passais en Scylla, incapable de franchir le cap de mes mers noires, intérieures et en furie. Amarrée au lit, je restais-là, immobile de lutter contre mes vents contraires. La folie imbibée de rhum, c'est cette nausée-là...

J'étais en transe quand j'abordais dans mon imaginiare aussi vaste que le noir du cosmos, des rivages hostiles aux côtes dentelées et peuplées de poissons venimeux. Je savais que j'avais atteint l'autre rive. Celle où la tranquillité n'a pas de prise. Ma chambre devenait alors bateau ivre, et je savais que je n'aurais pas de paix. Je tanguais, amarrée à la proue du navire, sur mes eaux abyssales.

Qui pourrait comprendre et appuyer sur le bouton «stop» ?

… Aucun sauveteur à l'horizon. Pas même une simple esquisse... Alors je tombais à l'eau, je m'y noyais, puis parvenais à recracher l'eau salée qui brûlait mes narines, écrasait mes poumons. Bizarre... je me sens bizarre... mais il m'est impossible de décrire cette sensation ni d'en déterminer les contours. Une tête qui explose à l'intérieur d'elle-même c'est ça.. : elle s'avale toute seule comme un serpent qui se mordrait la queue.

… Et dire que je suis dans mon lit, fou navire sans origine ni destination... Un bateau sur pieds, sans eau, et dans les airs... Un navire dans lequel aucun des passagers n'a emporté de valise, et moi, encore moins que les autres. Je suis l'otage de mon bâteau saoul, seule, sans acolyte pour partager mon mal au cœur, mon mal de mer, mon mal à être, mon mal à devenir. Je ne suis pas le noyau dur d'un abricot écrasé mais l'inverse, sa chair tendre alors que je voudrais être indestructible, résister et surnager...

Philosopher me sauvera t-il du naufrage ?

… Ou bien est-ce un naufrage que de philosopher ?

Quel est le sens de ma vie ? Est-ce celui des vents ? Pire ? Celui des vents contraires ?

Etre immobile dans ce lit, est-ce l'être vraiment ? Ou est-ce résister à des forces qui s'opposent ?

L'immobilité est-elle un statut ou bien une lutte ?

*

Mais qui vois-je ?

Le tireur de cauchemar de nuits alcoolisées !

Il est là !

Viens ! Viens, aide-moi ! 

*

Merci.


Signaler ce texte