Nuit onirique

Maud Garnier


Jo a fait la manche près d'un supermarché, cela lui a permis de s'acheter un sandwich et une bière. Il lui faut garder assez d'argent pour acheter sa dose auprès de son dealer. Il le trouve coin de rue habituel. Celui-ci lui déclare qu'il n'a pas sa came, mais a quelque chose de nouveau « une tuerie », il suffit d'avaler un comprimé

—    je te conseille d'être seul, dans un endroit sûr, car l'effet est sidérant, ne l'avale pas avant d'être en sécurité

Jo n'a pas le choix, c'est ça ou rien, il paye le stupéfiant. Où serait-il en sécurité pour la nuit ? Il se souvient de cette maison qui semble abandonnée un peu en dehors du centre-ville aperçue au cours de ses déambulations, il décide de s'y rendre.

La nuit est claire lorsque le jeune homme arrive enfin près du  jardin qui entoure la maison. Jo écoute, seul le silence puis une hulotte lui répondent. Il scrute à travers les arbres du jardin, aucune lumière dans la bâtisse. Il escalade la grille rouillée, s'approche doucement de la maison, en fait le tour à la faveur de la lune qui éclaire le site. Il se dirige vers la porte d'entrée, celle-ci est fermée bien évidement. Il y a une porte à l'arrière, plus légère, celle-ci est close également, mais un coup de pied suffit pour l'ouvrir et investir les lieux.

A  l'entrée, une odeur de renfermé saisit Jo. Il utilise sa torche, les meubles sont couverts de draps qui les protègent de la poussière. Jo déambule dans les pièces, un cellier, une cuisine, un salon, une salle à manger, une entrée derrière la porte verrouillée, et un escalier qui monte  à l'étage, sûrement pour les chambres. Il verra plus tard, pour l'instant il pense au comprimé dans sa poche. Il ôte le drap sur le canapé, s'allonge dessus, sort le sachet qui contient la drogue et le porte à ses yeux, comme pour percer le mystère que recèle la substance, il la verse dans sa paume. Hésite un court instant et l'ingère avec un coup de tête en arrière, murmure « aléa jacta es». Il se couche à nouveau, éteint sa torche ferme les yeux. La lune éclaire le visage blême du jeune homme qui tressaille dans l'attente.

Il se voit emprunter la montée d'escaliers qui n'en finit pas, enfin un hall apparait plusieurs portes sont disposées tout autour. Il décide de pénétrer dans la première pièce.

La pénombre est profonde, sa torche est restée sur le canapé, il passe le seuil. La porte se referme derrière lui, il sursaute et son pouls s'accélère. Il se répète « je ne risque rien, il n'y a personne ici depuis longtemps » comme un mantra. Il avance, sent un voile effleurer son visage, surement une toile d'araignée, « saleté de bestioles, je déteste les insectes ». Il distingue des ombres, surement des meubles, la pièce est vaste. Il entend soudain une stridulation, peut-être un simple insecte qui a pénétré par un interstice.

Il avance vers les volets, ceux-ci refusent de s'ouvrir. La lune luit lugubrement à travers les fentes des volets, striant le sol de rayures obliques. Jo les observe et les voit onduler. Soudain, ce sont des serpents qui se tordent sur le sol. La panique le prend, il veut fuir. Les stridulations reprennent de plus belle, ce sont des criquets qui couvrent les murs qu'il avait d'abord pris  pour des motifs sur la tapisserie. Il recule, son pied écrase quelque chose qui craque, le sol autour de lui est couvert de blattes, il veut s‘enfuir, surgissent alors de grosses araignées qui tissent à toute vitesse des toiles pour l'emprisonner. En panique, il arrive à s'extraire de cette pièce maudite, frottant ses vêtements et ses cheveux avec frénésie, mais il n'y a aucun insecte sur lui.

Doit-il pénétrer dans les autres pièces ?

Malgré sa frayeur, une curiosité impérieuse l'incite à ouvrir la seconde porte. Celle-ci semble vaste également  et la lune l'éclaire comme un soleil. Il jette un regard circulaire, aucun insecte ni serpents ici. Surpris, il entend soudain de petits rires.

—    Il y quelqu'un ?

—    par ici, par ici

 Il aperçoit alors de petits êtres habillés de vert, les cheveux roux et se frotte les yeux.

—    Nous sommes les Leprechaun de la maison

—    non, non nous sommes l'âme de la maison

—    non, nous sommes son cœur

 Tous s'interrompent sans cesse.

—    Arrêtez de parler tous en même temps ! je n'ai jamais vu des êtres petits comme vous !

—    C'est parce que nous ne sortons que les nuits claires quand la lune se déguise en soleil

—    Vje sors de la pièce d'à côté tout était obscur et effrayant

—    Viens te détendre avec nous

—    oui, on va s'occuper de toi, viens t'asseoir

—    viens sur le lit

 Ils l'entourent et le guident vers le lit. Jo abasourdi les laisse faire,

—    on va te câliner

 s'allonge sur le lit. Alors, tel des Liliputiens envers Gulliver,  ils lancent des filins pour coller Jo au lit.

—    Oui on va te câliner

—    non, on va t'attacher

—    non, on va te manger

—    Mais qu'est-ce que vous faites, laissez-moi !

en moins de 5 minutes, Jo est saucissonné sur le lit. Les petits lutins se métamorphosent en un instant, leurs visages deviennent grimaçants, les dents pointues et aiguisées.

—    On va te dévorer

—    non, on va t'ingérer

—    on a tellement faim

—    Depuis si longtemps on a dévoré les habitants, on désespérait de voir arriver un nouveau diner

—    le dernier couinait comme un gamin

—    c'était pourtant un vieux grincheux et pas très goûtu

—    non, pas du tout goûteux

—    oui, grâce à toi, nous allons reprendre des forces

—    considère donc que ton sacrifice sera une bonne action

—    mais vous êtes fous

—    non, affamés, affamés, affamés

 Jo se débats dans ses liens, mais ceux-ci sont solides

—    c'est les araignées d'à côté qui nous tissent ces filins, si elles n'arrivent pas à attraper la proie on leur laisse une part en échange des fils solides.

—    Je ne suis pas comestible

—    mais si, mais si

—    mais non ! je suis drogué et si vous me mangez, vous allez faire une overdose

—    c'est embêtant, mais quelle drogue as-tu pris ?

—    la plus puissante des drogues sur le marché

—    c'est quoi, c'est quoi ?

—    une nouvelle drogue contre laquelle vous n'êtes pas immunisés.

Les petits abominables lutins tiennent un conciliabule.

—    Nous allons tirer au sort et l'un de nous va te goûter

—    ah, ça ne servira à rien, la drogue a un effet retard, si vous pendez qu'il va bien et me manger, vous serez tous morts demain

—    c'est embêtant, c'est embêtant

—    Tu dois nous dédommager, nous amener une nouvelle proie

—    oui, tu dois nous amener un autre corps sain

—    oui, oui, on en a assez de manger des criquets et des blattes puantes

—    d'accord, je vous amènerai une autre personne si vous me libérez

—    qu'est-ce qui t'empêche de sortir et de plus revenir ?

—    non, je vous promets, je reviendrai, le soleil va bientôt briller, vous devrez vous cacher, j'amènerai quelqu'un pour la nuit  prochaine, promis

—    Pouvons-nous lui faire confiance ?

—    Dommage, il était si appétissant

—    si l'un de nous le goûtait et qu'on attend jusqu'à la nuit prochaine pour voir s'il est mort ?

—    oui, oui, mais qui va le goûter ?

—    Attendez, ne risquez pas une vie alors que je vous promets un prochain repas gargantuesque

—    Garganquoi ?

—    un repas pantagruélique

—    Pantaquoi ?

—    je veux dire un repas délicieux

—    hum délicieux, oui délicieux

—    vite, vite

Les petits êtres commencent à détacher Jo, dès que les liens sont assez clairsemés, il se relève, arrachant les dernières attaches, se lève et essaye de les écraser

—    au secours, au secours, il nous a floués.

Jo se précipite vers la porte et sort dans le hall, il vérifie si aucun lutin ne s'est glissé dans ses poches, tout va bien.

Une autre porte, va-t-il oser entrer, va-t-il oser ne pas entrer ? Comme hypnotisé, il se dirige vers la porte ?

 

Jo doit être plus prudent, il entre et bien sûr la porte se referme. La lumière est douce, tamisée par la lune complice.

Et là, soudain, une apparition subjugue le jeune homme. Sur le lit, une jeune femme le dévisage  et murmure

—    Bonjour, je t'attendais

—    Me, moi ? bredouille-t-il

—    Oui Jo

—    comment, comment connaissez-vous mon prénom ?

—    Je te connais depuis longtemps

—    ah oui ?

—    Oui, Jo mon amour

—    votre, ton, amour ? mais…

—    Approche !

le jeune homme s'exécute, hypnotisé et irrésistiblement attiré. Cette jeune femme est si belle, elle commence un chant d'amour, la chambre commence à se remplir d'eau, mais Jo ne semble pas y porter attention. Quand il arrive près du lit, l'eau lui arrive à la taille et la belle chante toujours, envoûtant le garçon. Elle lui prend la main et caresse son visage de l'autre main, si douce et si tendrement que Jo est complètement subjugué.

Lorsqu'elle tend ses lèvres, l'eau arrive au menton de Jo. Le drap s'abaisse, et la queue de la sirène apparait, s'enroulant autour de la taille du garçon l'attirant vers elle. Le baiser de l'ondine est savoureux, délicieux, et Jo ne suffoque pas quand l'eau submerge son nez, ses yeux, son front. Soudain, dans sa tête résonne des mots

—    Je m'appelle Océane, comme tu vois, je suis une sirène emprisonnée dans ces murs par un mauvais sort. Je t'attendais Jo pour que tu me sauves

—    Moi ? pense Jo

—    Oui, tu as passé les deux chambres précédentes  sans te sauver, certains sont venus ont fui après la première ou la seconde pièce. Je souhaitais t'attirer vers moi, mais à cause du sort je ne peux rien tenter ou espérer. Et te voilà mon amour.

—    Mais que faut-il faire pour casser ce  mauvais sort .

—    Passer certaines épreuves, comme dans les pièces précédentes qui ont testé ton courage et ta capacité à te sortir des mauvais pas

—    Ah ? Vraiment ?

La transmission de pensée se poursuit dans la chambre transformée en aquarium.

—    Et maintenant, que va-t-il se passer ?

—    Il faut que tu m'aimes !

—    ça n'est pas difficile, pense Jo avant de sourire.

—    me trouves tu belle ?

—    tu es éblouissante, très séduisante, tes lèvres sont douces comme ta peau, ta poitrine est magnifique et ta queue… Heu ta queue est, est, très souple et ondoyante

 Océane sourit,

—    je te plais vraiment, Jo ?

—    Oh oui Océane, tes yeux clairs ont la couleur d'un lagon, qu'il doit être doux de vivre à tes côtés, tu m'hypnotise ma belle. Je t'aime déjà ! Que faut-il faire ensuite

—     Il faut que tu me ramènes dans l'océan et que tu acceptes de quitter ta vie, de vivre sous les eaux, sans jamais revoit ta famille ou tes amis, que tu quittes tout pour moi. M'aimes-tu assez pour ça ?

—    heu, comme ça sur un coup de tête ? C'est un peu rapide, nous venons de nous rencontrer, il me faut un peu de réflexion !

—    pas sur un coup de tête, mais sur  un coup de foudre, pas si tu m'aimes vraiment

Océane virevolte autour  de  lui, caresse son corps de sa queue de sirène.

—    Vois comme notre vie serait belle et douce, nous vivons en harmonie avec les dauphins. As-tu vraiment une vie rêvée ? Je t'offre un nouveau départ, un nouveau monde !

—    Il n'y a pas que les dauphins mais des dangers, et des requins, et moi je n'ai pas de queue de poisson !

—    Crois-tu ? Si tu me suis il t'en poussera une ! Comment crois-tu que tu respires sous l'eau ? C'est grâce à mon baiser, sinon tu te noierais !

—    Et si un jour tu ne m'aimes plus ?

—    tu ne pourras plus respirer sous l'eau si je le veux, mais je ne le voudrai pas

—    Tu peux changer d'avis une fois à ta merci.

—    Si tu me sauves de ce sort, je te serai éternellement reconnaissante, mais comment faire ? Tu ne m'aimes pas assez, sinon un baiser aurait dû lever le sort

—    Ah, je suis désolé, je suis ébloui par ta beauté mais il faut un peu plus de temps pour que l'amour naisse

—    pas sous l'océan

—    Et bien sur terre, si !

—    Es-tu vraiment sur terre ici ? ne sommes-nous pas déjà sous l'eau ?

—    je ne sais pas tout est si bizarre cette nuit. Je ne sais pas si tu es réelle

Océane lui donne un coup de queue qui le fait vaciller.

—    Eh, tu es violente !

—    je voulais te prouver que tout est réel

—    Océane, je ne sais plus où j'en suis. Crois-tu que ta famille m'accepterait ?

—    Oui puisque tu serais mon sauveur. Tu ne serais pas le premier humain à vivre avec nous

—    ah oui, on entend que les sirènes, par leurs chants sont la perte des marins qui se noient

—    Pas tous, certains choisissent de vivre parmi nous

—    mais pourquoi vouloir la mort des marins ?

—    ils pillent nos ressources avec leurs filets, piègent nos amis les dauphins, raclent les fonds marins en arrachant tout sur leur passage. Certains  poissons se raréfient, ils polluent la mer et tout notre écosystème

—    je comprends.

Océane se met à chanter

—    Aime moi, aime moi, aime moi

Jo ferme les yeux, prêt à succomber, il ouvre les yeux, un miroir dans l'eau apparait, il y voit une vieille femme, décharnée, ridée, qui chante, Océane, avec quarante, cinquante ou cent ans de plus. Jo suffoque, prêt à se noyer.

—    Cela fait partie du sort ! ah, tu ne m'aimes pas, s'écrit la sirène

Instantanément la chambre se vide de l'eau. Jo tousse, évacue l'eau de ses poumons. Océane belle à nouveau lui susurre

—    je t'ai attendu trop longtemps, désormais je finirais mes jours dans cette pièce, loin de miens et de l'océan. J'ai échoué à te charmer, je n'ai plus aucun espoir

—    Océane, tu m'as charmé, mais je ne peux tout quitter pour toi. Ne pourrais-je pas quand même te conduire à l'océan malgré tout, afin que tu rejoignes les tiens ?

—    non, car si un homme ne m'aime, je mourrai dès la porte de la chambre passée

—    Tu es certaine Océane ?  Je suis désolé de te laisser ainsi ici de ne pouvoir faire plus pour toi belle sirène, vieille sirène qui attend ici depuis trop longtemps, peut-être un autre que moi pourra t'aimer envers et contre tout. Ton chant à faillit me prendre à tes filets, sans le miroir, j'étais pris. Pourquoi le miroir est-il apparu ?

—    Cela fait partie du sort, si un homme peut passer outre cette apparence, le sort est levé, c'est le plus dur instant pour moi, plusieurs, avant toi sont partis à ce moment. En fait, tu sais, cette apparence dans le miroir est illusoire, elle est là pour tester l'amour du prétendant, dans l'océan, mon apparence serait le même que celle que tu vois aujourd'hui. C'est un rendez-vous manqué entre nous, je t'aimerai encore en rêvant quand tu seras déjà reparti vers ta vie terrestre, je rêverai à notre vie océane avorté.

—    Océane, crois-moi je reviendrais essayer de t'aimer assez fort pour te rendre ton lustre ta liberté, je t'aime bien. Ma vie, ici-bas n'a rien d'un rêve même si j'ai peur de la quitter malgré tout. J'ai beaucoup de sentiments pour toi. Je reviendrai une autre nuit claire comme celle-ci et peut-être pourrons-nous alors te libérer

—    Je t'attendrai, Jo mon amour perdu, avant de partir, offre moi un dernier baiser

—    ne me tente pas, l'eau a disparu, la partie est jouée, cette nuit ! je reviendrais ma belle sirène, je rêverai à toi jusqu'à mon retour

—    Adieu Jo

—    au revoir Océane

et Jo quitte la pièce l'esprit en miettes.

Sur le palier, devrait-il partir ? Une dernière porte est là devant lui, faut-il l'ouvrir ? Jo est déboussolé, puis se décide.

 

 Jo ouvre et entre. Douce lumière de la lune, la nuit n'en finit pas, aux aguets, Jo s'arrête, la porte se referme.

Un jeune garçon le regarde entrer.

—    Bonjour Jo

celui-ci n'est même plus étonné que son nom soit connu.

—    Bonjour, comment dois je t'appeler ?

—    c'est de peu d'importance, tu peux m'appeler, esprit, conscience, culpabilité, délivrance, dieu même ou diable

—    C'est beaucoup pour un jeune garçon

—    Mon aspect n'a pas d'importance, je pourrais être un vieillard, une jeune femme ou un animal quelconque, ce physique est plus simple pour discuter tous les deux

—    je ne comprends rien  à cette soirée, tout est sidérant, je suis passé dans un monde parallèle ?

—    Crois-tu ?

—    Ce doit être les effets de cette drogue que m'a vendue ce dealer

—    pourquoi prends-tu de la drogue ?

—    pour ressentir un bien être qui n'existe pas dans la vie que je mène

—    vivre une expérience onirique ?

—    Oui, tout en sachant que rien n'est réel, alors que cette nuit rien ne ressemble à un songe, des univers différents derrière chaque porte ?

—    Crois-tu ? Tout est relié Jo

—    je ne vois pas comment

—    Première pièce : peurs primales de l'enfance, tout grouille, rampe, stridule, tisse, effrayant, répugnant. Tu as passé ce palier.

—    Deuxième étape : adolescence, lectures et histoires fantastiques, tu grandis.

—    Troisième pièce : l'amour qui fait entrer dans un monde merveilleux, l'amour est aveugle, mais déjà terminé.

—    Te voilà ici pour le bilan, courage, lâcheté, peur d'être dévoré, de disparaitre, euphorie de l'amour, abandon et culpabilité. Deux fois, tu as dit « je reviendrai ». Pourquoi, si ta vie est si terne n'as-tu pas saisi l'occasion de changer de vie auprès d'Océane ?

—    je pensais que tout n'était qu'un leurre, l'effet produit par une pilule. Et si Je retournais dans la pièce précédente ?

—    Tu n'y trouveras plus Océane, tout est issu de ton esprit. Un voyage onirique sur le cours de ta vie. Enfance, adolescence, joie et fin de l'amour, tout en condensé. Que reste-t-il Jo à vivre encore après ça ?

—    plein de choses

—    faire la manche pour acheter ta dose ?

—    non, cette nuit n'en finit pas, je veux voir le soleil se lever, un nouveau jour pour éclaircir mes idées

—    L'aube se lève, la nuit s'efface, va maintenant

Jo sort de la pièce, il descend les marches, se voit dormir sur le canapé.

—    Vais-je disparaitre quand Jo va se réveiller sur le canapé ? Je suis si fatigué, une nuit résumée en une nuit d'épouvante éprouvante, et l'amour… j'aurais dû suivre Océane, vivre éternellement une félicité sous-marine

S'il n'avait vu cette vieille femme dans ce miroir menteur, ici aussi il y a une glace sur la cheminée du salon. Il s'approche lentement, regarde l'image réfléchie : le portrait d'un vieillard.

—    Toute une vie en une nuit, chuchote-t-il, puis touche son reflet et disparait à l'intérieur.

 

Jo se réveille, quel rêve étrange. Il monte à l'étage, ouvre les portes, le soleil éclaire des chambres poussiéreuses.

Dans la première se trouve une vitrine sur la commode, à l'intérieur des créatures de cauchemars naturalisées, grouillent ici des serpents près à mordre, des insectes et araignées épinglés dans la mort.

Dans la deuxième,  une chambre d'enfant. Un cadre avec pour décor des petits lutins qui jouent de la musique et dansent en riant.

La dernière est décorée d'une splendide sirène, Océane, prononce Jo en caressant la toile, un chant léger s'élève 

—    Jo, Jo, Joooo.

Le jeune homme sort en courant, dévale les escaliers.

—    Je veux vivre ma vie pleinement, plus de drogue, de maléfices, vite quitter cette maison pleine de fantômes. 

Dans le jardin, Jo se retourne une dernière fois, par une fenêtre il lui semble voir des reflets, comme ceux qu'une piscine renvoi sous le soleil, et fugitivement l'image d'un couple qui s'enlace en nageant.

—    Ai-je perdu une partie de mon âme cette nuit ?

Comme il escalade le portail pour s'enfuir, une patrouille de police le cueille à sa sortie. Jo se débat, et crie

—    Je ne suis pas un voleur, j'ai même laissé une partie de moi à l'intérieur.

—    Vous êtes accusé de violation de propriété et de viol également

—    N'importe quoi, j'ai dormi toute la nuit sur le canapé de la maison

—    Vous êtes peut être venu hier soir, mais vous êtes ressorti, vous avez agressé une jeune femme à la sortie du club « la piscine » à deux pâtés de maisons plus loin la nuit dernière

—    Non, j'ai dormi ici toute la nuit… je n'y comprends rien

—    Elle dit que vous étiez incohérent, ne cessant de répéter « aime moi Océane, aime moi »

—    mais non, c'est elle qui ..

—    Ah, vous avouez que vous avez rencontré cette jeune femme cette nuit

—    Ce n'est pas ce que vous croyez, c'était un rêve

—    un cauchemar pour elle plutôt ! Vous dites avoir dormi sur le canapé ici ?

Le policier fait un geste vers la maison.

Jo commence

—    oui, et…

Devant ses yeux, plus de maison, juste une ruine.

—    Je ne comprends pas, pourtant…

—    Et comment expliquez-vous ces griffures sur votre cou ?

—    Un coup de nageoire,  ou une vengeance peut-être

—    Embarquez moi ça !

Jo se laisse emmener, menottes aux poignets, les maléfices de la nuit ne sont pas terminés.

Avant de pénétrer dans le véhicule, il entend un  petit rire… puis « tu reviendras ? »

Quatre ans plus tard, Jo sort de prison, disculpé par la jeune fille, mineure au moment des faits qui avoue avoir beaucoup bu cette nuit-là, et elle n'est plus certaine des évènements survenus.

Pendant ces années, il a pensé sans cesse à cette bâtisse où il a laissé une partie de son âme qui le laisse incomplet. A la première pleine lune après sa sortie, sûr, il y retournera, retrouver son âme et son amour pour vivre éternellement à ses côtés.

La lune éclaire le jardin comme autrefois,  Jo avance prudemment, le cœur battant. Il tourne et derrière ce bosquet… un petit immeuble flambant neuf a pris la place de l'ancienne bâtisse démolie. 

Jo s'effondre et pleure son rêve perdu, tandis qu'il sanglote, il entend une hulotte, seul un petit rire lui répond…

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