Ô joie, ô désespoir.

ttr-telling

Le jour déclinait doucement, alors que la tiédeur annonciatrice de la fin du printemps persistait dans l'air chargé de parfums iodés. Le vent marin peinait de plus en plus à rafraichir la côte, et davantage encore sur ces falaises dont le granite s'était gavé de soleil. Quelques fleurs basses ondulaient gaiement là où la terre et la mousse s'étaient faites une place parmi les rochers. L'océan venait courtiser le récif en contrebas, dans une danse d'écume bouillonnante, chantant un air sauvage, claquant contre la falaise.

Elle était assise là, comme à son habitude. Trônant à la pointe du roc sur lequel elle se plaisait à lire, à écouter, à méditer. Ses jambes se balançaient doucement dans le vide, tandis qu'elle profitait des derniers rayons du soleil, ses cheveux doux comme le miel flottants au vent.

Je restais un moment là, à l'admirer, à m'imprégner de ce sentiment que me procurait cette image. Dieu sait que je l'ai gravée, et gravée, et gravée à nouveau dans mon âme, cette image. Et pourtant, à chaque fois, la sensation était la même. Cette espèce de chaleur improbable, cet écho vibrant dans tout mon être. Ce sourire benêt, toujours le même, après tout ce temps.

Au bout de quelques minutes, alors que je restais immobile, dans la crainte de bafouer la plénitude qui accompagnait ce tableau, elle se tourna vers moi, avant de se fendre de son sourire si franc et bienveillant que j'aimais tant. Je la rejoignais alors, en m'installant juste derrière elle, la prenant dans mes bras, tandis qu'elle se laissait aller contre moi, me laissant tout le loisir de m'imprégner du parfum de ses cheveux. Elle me rendit mon étreinte, serrant mes bras dans les siens.

Nous restâmes ainsi, immobiles, bercés par la mélodie de l'océan, couvés par le soleil déclinant, enrobés par la brise. Les quelques nuages flottants dans le ciel s'embrasaient, comme pour faire leur ultime révérence à cette nouvelle journée passée.

Alors que la noirceur de la nuit se propageait, difficilement contenue par les frêles étoiles qui tentaient autant que possible d'étinceler après le soleil, je senti un frisson la parcourir.

Je me redressais alors, avant de retirer ma veste et de la lui enfiler sur les épaules. Elle me remercia de la tête avant de prendre ma main pour l'aider à se relever.

J'étais en train de l'écouter me raconter le dernier chapitre du livre qu'elle lisait, tandis que nous remontions la rue déserte menant à notre maison. J'étais fasciné par la passion qu'elle arrivait à transmettre, et par l'éclat dans ses yeux lorsqu'elle racontait avec de grands gestes les aventures des personnages qu'elle suivait.

Puis il y eu un choc sourd, suivi d'un cri.

Je m'effondrais au sol, alors qu'à l'arrière de mon crane se formait une nappe sombre et visqueuse. J'eu à peine le temps de l'apercevoir disparaitre dans une camionnette, avalée par quatre paires de bras, avant de sombrer dans le néant.


TTR.

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