Objet de Désir

Elle pénètre dans le couloir de l’appartement,

Avance et lâche son sac d’un geste négligeant.

Il s’écrase sur le parquet trop ciré,

S’éventre et répand ses trésors secrets.

Elle traîne ses pieds jusqu’au grand canapé,

Où elle s’étire de la tête aux pieds.

Derrière ses paupières mi-closes, elle voit défiler,

Le film long, froid et insignifiant de sa journée.

Nul souvenir heureux ne pourra subsister.

Au milieu du flot incessant de ses pensées

Au coin de ses yeux, des larmes viennent déjà perler.

Tout a commencé là où tout s’est achevé.

Comme une rencontre largement avortée.

Il était une fois ou deux ou trois, telle une banalité.

De ses yeux ténébreux, il l’avait à peine effleurée.

Elle avait cru y voir danser une lueur d’intérêt.

Devant son audace et face au tournant que prenait la soirée

Ne voulant passer à côté d’une conquête, il avait cédé.

Habitué des lieux, il l’accompagna dans une salle privée.

Subjuguée, elle le suivait. Trop éméché, il était pressé.

Il ne prit pas le temps de caresser, de l’effeuiller.

Il voulait en finir avant d’avoir commencer.

Déçue, elle comprit tout de suite ce qu’il se passait.

La lueur d’intérêt était déjà bien consumée.

Il repartit comme il était venu, sans attention accordée

Elle s’en alla, aussi vide que désemparée.

Son esprit ne cessait de la torturer.

Il se faisait un plaisir de lui rappeler

Que, malgré tout ce qu’elle croyait,

Elle était et resterait un Objet.