Objets usagés

manou-croze

Acteurs d'un autre univers, nos vies se consument mais nous ne nous en préoccupons guère. Sombrant dans un vide vertigineux, nous avons oublié le jour, et fuyons les cieux. L'âge n'a plus de sens, et l'essence de notre nature s'est évaporée. Le temps n'a plus d'emprise, et la brise de l'hiver glace nos silhouettes. Rongés par un enfer sans nom, nous demeurons étrangers à nos existences. Ils prétendaient pouvoir nous aider, mais nous sommes condamnés. Ils prétendaient vouloir nous sauver, mais ils ont échoué.


La lame d'acier prête à s'abattre sur sa frêle nuque, elle effectue une dernière prière. Elle ne réclame pas une seconde chance, elle ne désire pas être épargnée. Elle cherche simplement le pardon. Ses mains tremblantes sont posées au sol, et elle sait qu'il s'agit du dernier instant durant lequel les rayons du soleil levant vont caresser sa peau. La pureté d'une jeunesse égarée se dissipe dans l'assemblée, et la foule réclame le châtiment. Les yeux tournés vers un ciel distant, elle s'efface. La justice victorieuse s'abat sur cette matinée glaciale.


Adossé au bar dans un costume usé, il ne voit plus ceux qui l'entourent. Fixant pensivement les différentes liqueurs alignées sur le comptoir, il ignore depuis combien de temps il se trouve ici. Le visage de sa muse disparaît, et ses peurs resurgissent. Elle ne reviendra pas. Se noyant dans une douleur tortueuse, il veut oublier. Oublier ses yeux d'azur et son teint clair, oublier ses cheveux d'or et son cœur de pierre. N'était-elle qu'illusoire ?


Mis à nus, le cœur à découvert, nous purgeons notre peine. Ils refusent de nous laisser voir la lumière du jour, ni même écouter le champ matinal des oiseaux. Notre plainte languissante ne les émeut pas le moins du monde, mais semble au contraire les amuser. Nos corps s'assèchent et nous ne pouvons guère pleurer, pourtant nous savons quel sort nous attend. L'air, alourdi par la peur, est désormais poison. Rats de laboratoire, nous leur sommes indispensables.

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