Obsession.

scoiattola

Obsession.

Elle se tourne et se retourne. Le drap colle à sa peau. Elle se tourne et se retourne et elle pense. Plus jamais elle n’arrivera à dormir. Elle pense. Elle se souvient surtout de son odeur. Une odeur piquante, légèrement âcre, très masculine. Une odeur qui prend le nez et qui ne lâche plus. Elle la sent encore parmi les effluves portées par le vent. Elle est là, dans les draps, sur l’oreiller, dans ses cheveux, sur sa peau. Elle se tourne et se retourne et l’odeur s’empare d’elle. Elle la sent, elle le sent comme s’il était là. Elle ouvre les yeux, il n’y a personne. Evidemment.

Elle se lève, il est 7h, la cafetière est allumée. Merci l’allumage automatique. Elle se lève et elle boit et elle pense. Elle pense à l’odeur du café, elle pense à la tranche de pain grillé, elle pense au jus d’orange et elle s’en va. Elle claque la porte sans fermer. De toute façon, il a les clés. Il a surement les clés. Son parfum sera toujours là ce soir, quand elle rentrera.

Et elle marche, de grandes enjambées sur le trottoir. Aller vite. Que cette journée passe vite et qu’elle retrouve son odeur. Elle bouscule les gens. Et alors ? Vous n’aviez qu’à être pressés et aller plus vite. Elle entre dans son bureau, et comme tous les jours depuis lui, elle reste le visage impassible devant son écran. Tout le monde la croit activement au travail. Elle ne fait que fixer cet écran, cette fenêtre sur le monde. Et elle pense. Elle pense à ses mots, ses mots d’amour répétés, ses mots crus balancés, ses mots doux susurrés dans le creux de son oreille. Ma chérie, mon amour, mon soleil. Ton putain de soleil qui s’est éteint le jour où tu l’as quittée. Tu es ma vie, tu es mon vœu exaucé. Et ses vœux, qui les exaucent ?

Midi. Une salade verte s’il-vous-plaît. Elle mange une feuille, et déjà la satiété. Elle veut retrouver son odeur, elle veut rentrer. Elle se fera porter malade, et tant pis.

Elle ouvre la porte. L’odeur est là, piquante, légèrement acre, très masculine. Elle pose son manteau, et dans ses gestes elle le revoit. Il ouvre la porte, fait tomber ses clés dans le grand saladier en métal de l’entrée. Ça fait du bruit, elle lève le ton, comme tous les soirs. Pourquoi tu les mets pas sur le porte-clés ? C’est fait pour ça non ? Il hausse les sourcils. Oui oui.

Tant d’amour et pourtant, tant de quotidien.

Elle le revoit poser ses pieds sur la table. Elle le revoit ouvrir sa bouteille de bière, faire tomber la capsule par terre et ne pas la ramasser. Elle le revoit ronchonner car son programme à la télé a déjà commencé.

Elle se revoit prendre une fine cordelette. Dans les films ça a l’air facile, mais elle a toujours cru que ça ne l’était pas. En fait si, c’est comme dans les films. Elle se revoit serrer fort le cou de son amour. Elle revoit ses yeux, exorbités. Elle entend son dernier souffle, dernier son de la BO de leur histoire. Elle revoit son corps pantelant sur le canapé, devant la télé allumée.

Elle sort de sa rêverie. L’odeur est là, il est là, c’est tout ce qui compte. Elle se déshabille, plie ses vêtements et les range dans l’armoire. Elle nettoie son visage, doucement. Elle se passe de la crème sur tout le corps. Elle veut être belle pour lui. Elle vaporise son odeur, piquante, légèrement âcre, très masculine.

Et alors seulement, elle va se blottir dans ses bras, sur le canapé, devant la télé. Mince, le programme a déjà commencé…

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