Oh Dieu ! Que la nature est cruelle !

cyrano

Concours : "Les portraits de l'Irrévérence" - Magazine NEON

''Oh ! Dieu ! Que la nature est cruelle !''

Pourquoi les grands sont-ils ridicules ?

Ou pourquoi sommes-nous si contents que David botta les fesses de Goliath ?

 

La maxime citée précédemment établit que les grands sont ridicules. Bien qu'assez évidente cette affirmation nécessite néanmoins d'être vérifiée et prouvée. Dire que le grand est ridicule parce qu'il est grand est vrai, mais insuffisant ; j'irai même jusqu'à dire que c'est une Lapalissade (''Quelques heures avant sa mort, le comte de Vigny était toujours vivant''). Ainsi donc, pourquoi un grand ridicule l'est-il ?

 

Observez autour de vous et vous verrez très vite que le grand n'est jamais vraiment à son aise. Debout, il ne sait que faire de ses interminables bras qui pendouillent comme des lianes dans une forêt vierge. Alors il les croise, les fourre dans ses poches ou fait de grands gestes pour appuyer ce qu'il dit. Don Quichotte en aurait rencontré un, il l'aurait mis à bas le prenant pour un moulin qui se serait pris pour un géant. Avez vous déjà vu un grand Italien parler ? C'en est presque dangereux tant ses bras virevoltent en tous les sens, les coudes hauts et les poignets souples. Les infortunés de taille normale ne peuvent s'approcher trop près de peur de se transformer en moulin. Assis, ses jambes remontent haut et ses genoux pointent vers le ciel tel les ballons d'Alsace. Si par malheur, on l'invite à s'asseoir à une table, on le voit frémir à l'idée de renverser les verres en tentant de faire rentrer ses guibolles sous celle-ci ou de la soulever si jamais il lui venait le désir incongru de mettre ses jambes droites bien parallèles aux pieds de la chaise qui d'ailleurs est toujours trop petite. Couché, il ne pourra jamais se blottir entièrement sous son drap rose et devra laisser dépasser ses deux énormes pieds informes du bout du lit. Quelle grotesquerie ! Le grand est ridicule, mais la grande l'est plus encore. Une grande ne sera jamais pour les hommes (sauf pour les très grands) une femme que l'on voudra défendre et protéger et ne trouvera son bonheur qu'avec un petit homme faible et lâche sur lequel elle pourra veiller comme une maman tyrannosaure et lui la regardera d'en bas les yeux mouillés de reconnaissance lubrique.

 

La plupart des hommes normaux, considéreront la grande comme une ogresse et se méfiera d'elle surtout si celle-ci les invite à manger à la maison. L'homme suspectera une entourloupe et refusera poliment l'invitation ; poliment, car on n'est pas des monstres quand même. Mais revenons à notre ogresse, dans la vie de tous les jours, une ogresse n'invite pas les hommes à la maison pour les dévorer à la sauce au poivre. Enfin, je pense, je n'ai jamais pris le risque d'accepter l'invitation d'une grande. Une grande est donc théoriquement une femme comme les autres mais en plus haut et en plus terrifiant. De ce fait, on peut supposer qu'elle a des sentiments, des rêves et des pensées, mais j'en doute quand même un peu.

 

Un peuple de grands est-il forcément ridicule ? L'accumulation d'altitude corporelle d'une population entraine-t-elle de fait sa chute dans les méandres du ridicule ? Oui. Y'a qu'à voir les Hollandais. C'est le seul peuple au monde qui ne voit pas d'inconvénient à vivre au-dessous du niveau de la mer. Les grands ont-ils le droit de vote ? Est-ce une bonne chose ? Oui. Non.

 

Toutefois, les grands ont des avantages que les moins grands comme vous et moi n'ont pas. Ils peuvent attraper des choses en hauteur. C'est bien, mais les petits ont depuis inventé l'escabeau, c'est mieux. Ils peuvent voir plus loin dans une foule. C'est vrai, la belle affaire. Ils voient le dessus des crânes de tout le monde et peuvent se moquer de ceux d'entre vous qui ont une calvitie naissante (suivez mon regard) ; mais nous on a le privilège de voir ce qu'ils ont dans les narines alors na !

 

Les grands hommes sont petits. Napoléon ne dépassait pas 1m60, Alexandre le Grand ne l'était pas, Hitler était aussi méchant qu'il était nabot, Homère on ne sait pas, Richard Cœur de Lion n'était pas très grand, Churchill ressemblait à un babybel, Picasso était un tout petit chauve, Chaplin sans son chapeau est un demi Chaplin et De Gaulle était en réalité un nain monté sur des échasses, enfin parodiant Pyrame en un sanglot, le voici ce nez qui de son maitre a trahi l'harmonie, il en rougit le traitre. Oups, je m'emporte. Lorsque sur la façade du Panthéon la patrie reconnaissante grave aux yeux de tous ''A nos grands hommes'', elle veut dire : soit comme un père dirait à son petit garçon qui lui apporterait ses pantoufles en les portant dans sa gueule : ''Merci mon grand poulet'', soit et c'est beaucoup plus probable : ''A nos grands petits hommes''.

 

Lorsque David botta les fesses de cet imbécile de Goliath, il cria haut et fort à qui voulait bien l'entendre : ''Le grand con est mort ! Vive le grand con !'' Il voulait dire par là que c'était déjà un de moins, mais qu'il y avait encore du boulot. Ce combat épique est un symbole, celui du triomphe de l'agilité sur la force. Certains disent que c'est le symbole de l'intelligence sur la force brute. C'est faux. Ces gens-là ne savent pas que David est mort étouffé par son édredon. Une mort plus bête tu meures (une deuxième fois je veux dire). Mais tous comptes faits cet exemple n'est pas très pertinent. C'est surement le seul petit idiot qui ait jamais existé.

 

L'histoire comme la littérature est envahie par des anecdotes similaires, par exemple, La Fontaine, qui n'était pas le dernier des imbéciles, en a fait son Leitmotiv : le roseau qui met une pâtée au chêne, la souris qui aide le lion parce qu'elle n'avait rien d'autre à faire ce jour-là, etc., etc.

 

Les grands et les petits pourront-ils un jour s'entendre ? Oui, si le petit crie assez fort. Mais rassurons-nous, tout n'est pas perdu, il nous reste l'escabeau.

 

Il faut cultiver son jardin puis il faut détruire Carthage.

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