Ombres et lucioles
sisyphe
Et les multitudes se ruaient silencieusement sur la ville, le morne eldorado des résignés qui, dans la pâle naissance du jour, promettait aux travailleurs le pain, indispensable à leur vie et qu'ils devaient pourtant mériter...
Moi, c'est l'autre trottoir que je souille. Celui qui sort, celui qui fuit. Cette fois c'est décidé, c'est l'autre chemin que je prend, la tangente. Le bitume fait briller le soleil qui croit en se reflétant sur une petite flaque, vestige des pluies de cette nuit. Et pourtant, sur la cité, le même astre est bien terne. C'est clair, tout s'éclaire, c'est la route qu'il faut prendre. Bien sur, ne pas oublier qu'elle aussi est un héritage pervers de l' « humanité » que nous avons là, dressée dans sa fierté la plus grande, dans sa servilité la plus complète de tous ces gens qui partent se vendre. Mais je veux croire que c'est le soleil qui me guide.
Toujours le même qui luira une dernière fois sur mon par brise quand j'aurai enfin décidé de prendre la route, le crépuscule sur mes pas. Je croiserais des réverbères, comme autant de phares dans ma nuit et mon brouillard. Les miens de phares éclaireront des destinations, je ne les suivrais pas. Au diable les panneaux d'indications si toutefois il en a besoin. On trouvera mieux notre chemin en enfer si toutefois encore, l'enfer n'est pas ici. Dans le doute, je le fuis. Mais ça ne m'étonnerais pas de le rencontrer, planté au milieu d'un carrefour, le diable. Lui et moi, on s'est déjà vu tellement de fois, dressé qu'il était dans son impeccable costume, il m'attendait dés qu'on a coupé le cordon à ma naissance. Il m'a donné sa carte de visite avec écrit le nom de sa société :
« La vie en société civilisée, bienvenue chez nous. »
Depuis on s'est croisé bien des fois, vieille branche ! Je me souviens encore de lui, un vrai camarade, là pour m'aider au moment de perdre mes illusions et d'arriver à ce qu'on m'avait dit qu'était l'age adulte. Cette fois, il avait la superbe apparence des moralistes de notre temps, « allez petit, tu ne peux rien changer, servitude ou servitude ? Tu veux faire un marché ? »
Oui, au diable les panneaux...
C'est sous les ombres que je me tire, comme une flèche. A contresens sur l'autre voie, il y en a d'autres. Je ne les connais pas mais leurs phares sont autant de flèches lumineuses qui me frôlent, le long d'une autoroute, on est tous intimes le temps de se croiser. A force, je ne vois plus que de la nuit à perte de vue et des lucioles fugaces, juste là pour me croiser et me rappeler ce que je fuis. A perte de vue, le néant, régénérateur.
Brancher l'autoradio ? La vitesse produit déjà le bruit de mon évasion...
Et si on s'évadait à plusieurs ?
Magnifique texte que j'ai pris plaisir à lire tout en écoutant Gnossienne1 : moment magique!merci!
· Il y a plus de 13 ans ·manonlou
L'éternel insatisfait, à la recherche d'un semblant de bonheur, guidé par une quête bien précise, et près à tout pour affirmer ses convictions. C'est beau ce que t'écris, placer les mots justes au bon endroit, avec son propre style, et dégageant sa propre émotion, quelque chose qui apaise tellement quand c'est bien fait. Je vais tout lire, tu m'as donné envie de continuer, c'est fou comme parfois, les mots peuvent transporter. Et quand il y a du fond, que ça prend aux tripes, c'est juste trop magique.
· Il y a plus de 13 ans ·je sais pas pourquoi je dis tout ca, peut être parce que ça m'a redonné envie de reprendre ma plume, bref, je vais pas te faire trop de compliments tu risquerais de prendre la grosse tête ;)
Quoi qu'il en soit, "nulle cause est perdue tant qu'il existe encore un fou pour se battre pour elle", garde cela à l'esprit!
Bonne continuation.
forever-young