On a ferryboat (3)

blanzat

Novembre 2020 : « On n'est pas obligé, pour enseigner la liberté d'expression, de montrer des caricatures qui sont à la limite de la pornographie »

Décidément, Luc Ferry est un marqueur des erreurs de pensée. Il a une constance qui balise les fossés de la bêtise. Chacune de ses paroles phosphore comme les gaz nauséabonds des marais et nous indique les lieux qu'il ne faut pas approcher.

Une nouvelle fois, il nous donne des leçons sur la liberté d'expression, et ce qu'il ferait s'il enseignait. Sur l'enseignement, il est bon de rappeler qu'il a été payé par l'État pour des cours qu'il n'a jamais donnés (voir mon article de janvier 2019).

Quand il qualifie les caricatures de Charlie Hebdo de pornographie, qu'il leur préfère Louis-Philippe en forme de poire, on sort complètement du sujet. Il a cette faculté de se décentrer et de finir en toupie à côté de la plaque, c'est fascinant. Il oublie que Samuel Paty a montré ces dessins non pas pour un cours de SVT ou d'arts plastiques, le sujet n'est pas d'aimer ou pas, si c'est beau ou pas, drôle ou pas. C'était une illustration de ce qui a provoqué des attentats. Il faut remettre les choses en vis-à-vis : un dessin, une tuerie, impossible proportionnalité. Les caricatures de Daumier n'ont pas provoqué de mise à mort ni d'appel au massacre. Cette vision passée, conservatrice, montre ses limites, elle n'est plus capable de comprendre notre époque.

De manière générale, ces discours à rebours persistent, les mêmes que ceux estimant qu'une bonne raclée ça n'a jamais tué personne, ceux qui remercient même leurs parents pour ces mauvais traitements. Il est quand même question, ici de violence. Ces paroles qui disent toutes choses égales nous amènent à ces pertes de sens : est-ce qu'un dessin est aussi violent qu'une décapitation ?

L'autre question : faut-il les montrer ? Faut-il provoquer ? Ce serait une autre erreur, certes, de stigmatiser, discriminer une catégorie de personnes pour leurs orientations philosophiques, religieuses, ou autres. Mais ce n'est pas à une communauté que s'en prennent ces dessins, c'est à des individus spécifiques, porteurs d'un discours de haine, auteurs d'actes de barbarie. Voilà pourquoi Charlie Hebdo a fait des caricatures de Jésus, de Moïse et de Mahomet, parce que des individus, au nom d'une religion, ont commis des actes atroces, ont proféré des paroles ignobles. On peut en dire de même de tous les idéologues, rappelons que Luc Ferry s'est hautement distingué par un appel à la violence sur les manifestants (voir mon article de janvier 2019).

Je pense qu'il faut caricaturer, tourner en dérision et exhiber des images pornographiques de tous ceux qui se prennent au sérieux, même moi. C'est le sens de ces dessins, au-delà de la liberté d'expression : la liberté de rire, mais aussi la liberté de penser par soi-même.

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