Paris et son air d’autrefois !

Simonne Carre

Parfois, lorsque j’y pense, il me manque la rue ! Pas celle des jours de fête où ceux qui se promènent sont bien endimanchés autant dans leur tenue que dans l’air empesé qu’ils semblent respirer. Non ! Celle de tous les jours où les gens se côtoient, sans même se regarder tellement ils sont pressés. Le tout-venant de la rue, celui qui se déplace dans un flot incessant, sans se faire remarquer dans une foule anonyme qui ne sait que passer. Je n’oublie pas les filles qui arpentent le trottoir, qu’on regarde de travers par ce que ça sent « l’clinquant » et le rire effronté ; qui sont là jusqu’au soir espérant s’endormir auprès d’un bon client. Les autres sont en voiture, se repoudrant le nez dans leur petit miroir, guettant si « un képi » se pointe à l’horizon… Il faut vite démarrer, et les places se libèrent… dans une rue de Paris ! Et puis, il y a celui qui, ayant peur des flics qui vend à la sauvette quelques bouquets de fleurs… ou des paires de chaussettes… au fon d’un parapluie ! Je ne peux oublier le camelot du trottoir qui vous brasse de l’air avec une telle ardeur qu’en l’écoutant parler on en oublie l’objet qu’il est sensé vous vendre à force d’arguments ! Je m’y suis laissée prendre avec un tel bonheur que j’ai dû constater une fois rentrée chez moi que mon achat servait à faire un double emploi ! Je me souviens aussi des marchands de chansons où, pour quelques centimes, on achetait un refrain. A l’angle d’une rue, avec l’accordéon les badauds apprenaient les succès de demain. Bravant les courants d’air et donnant de la voix, c’était bien un peu faux… mis on mettait sn cœur dans chaque partition. Et c’était du bonheur cueilli sur un trottoir sans se soucier de l’heure ou du temps qu’il faisait… car c’était un bon temps qui prenait tout son temps. Au début de l’automne, c’était alors le tour du marchand de châtaignes qui allait faire griller  sur un grand braséro percé de petits trous, ces petits fruits brillants qui craquaient sous la dent. On se brulait les doigts pour les déshabiller de cette coque brune qui sentait les sous-bois et la terre mouillée. Le marchand a lui seul embaumait toute la rue. Noël allait bientôt pouvoir pointer son nez et ce serait alors au tour des vitrines de montrer leurs trésors aux enfants ébahis par tant de féerie. Avec vous, mes amis je viens de m’évader dans un siècle lointain où l’on avait sa place. Je dois bien constater que chaque nouveauté apporte son progrès. J’aurais mauvaise grâce à refuser en bloc tout ce que vous louez ! Mais Paris, voyez-vous est un livre d’images que l’on ouvre chaque jour en tournant une page. Printemps ou bien automne ? Qu’importe la saison car cela m’indiffère puisque son cœur est là et qu’il bat aussi fort que dans mes jeunes années lorsque j’avais vingt ans et qu’il s’était offert un peu comme un cadeau, en jouant à l’amant… Je suis restée fidèle mais lui a bien changé ! Des tunnels et des tours ! Des millions de fourmis qui courent dans tous les sens même dans les « interdits ». Je ne reconnais plus celui de ma jeunesse qui m’avait tant appris… il y a si longtemps !

  • Merci ! Je suis très touchée par l'évocation pleine de poèsie de ce Paris là que vous nous offrez par ce texte plein de charme. J'ai essayé de le faire revivre, je vous partage ce texte où je raconte :

    · Il y a environ 13 ans ·
    Camelia top orig

    Edwige Devillebichot

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