Paris sous la neige

C’est à la fois infiniment beau et effrayant, Paris sous la neige.

De là où je suis, on dirait une tempête de boules de coton, légères mais glaciales. Piquantes aussi. Elles attérissent où elles peuvent, elles s’agrippent aux arbres et crèvent la peau des gens quand elles réussissent à passer sous les couches de vêtements.

Paris sous la neige, ça a beau être le bordel, ça n’empêche pas les gens de sortir. Et les parisiens, lorsqu’ils sortent à cette époque de l’année, ce sont des hommes sans âme. Ils se serrent les uns contre les autres tout en essayant de mettre le plus de distance possible entre eux. S’ils pouvaient, ils rentreraient à l’intérieur d’eux-même, oui, si ça pouvait les empêcher d’avoir froid, si ça pouvait leur faire croire qu’ils ne dépendent pas les uns des autres.

Dans le métro surtout, une guerre civile effroyable. Et silencieuse. Du ventre de la terre ne ressortent que les plus forts et les plus gras, tandis que les plus faibles et les plus minces meurent peu à peu, étouffés dans la froideur commune. C’est l’instinct de survie qui remplace l’âme d’un homme à Paris. Il n’y a rien d’autre à l’intérieur, tout le reste est glacé.

Paris sous la neige, c’est une bataille imprévisible contre des bouts de ciel pas tout à fait palpables ni tellement invisibles. Surtout pas invisibles. Paris sous la neige, c’est effrayant, oui effrayant. Ca donne a voir un ciel sans air pur, rien d’autre que le brouillard glacial qui alourdi les yeux. C’est le ciel qui nous tombe sur la tête.  

Mais c’est infiniment beau, Paris sous la neige. C’est le sourire d’un enfant, l’étonnement d’un adulte et la raideur d’un vieillard. Et moi quand je fends la foule d’hommes sans âme, j’ai la tête en l’air et la langue qui essaye d’attraper des bouts du ciel. Et le plus possible, surtout quand ils sont gros et majestueux comme ça. Car je préfère les emporter avec moi plutôt qu’ils se fassent marcher dessus. Paris sous la neige c’est l’enfance qui nous rattrappe, à grands coups de flocons et de bonhommes de neige sur les trottoirs ; c'est un peu de magie aussi.

Oui, c’est à la fois infiniment beau et effrayant, Paris sous la neige.