Pas à pas vers Pattaya

magouille

Entre le moment où l’on part et le moment où l’on revient, il n’y a pas un pas. Il y a Pattaya. Contrairement aux idées reçues, Pattaya n’est pas une plage en Thaïlande. Pattaya n’est pas un Pottock s’échevelant dans les vents d’Espelette. Pattaya n’est pas un bout de monde de l’extrême océanien. Pourtant Pattaya fait rêver. Diable, oui. Pattaya est une perle. De celles qui s’enchevêtrent les unes aux autres. De manière hasardeuse. De celles qui sont nées grains de sable dans une nuée de fumée. Sous le coup d’une incantation. Pattaya est magique. Pattaya est énigmatique. Pattaya est illusoire. Et c’est pour ça qu’elle fait rêver.

As-tu eu ouïr de Pattaya ? "C’est pas dans un film SF des années 90 ? Bienvenue à Pattaya, avec Gouineth Glasgow ?", me suggères-tu. Non, Pattaya n’est pas fiction. Pattaya est bien réelle. Pattaya est à l’antipode de ce paradis artificiel où un Popeye luisant roule mécaniquement ses r en interjectant "oyé sapapaya" par-dessus son icecream à la papaye. Pattaya peut être un arc-en-ciel tripant. Mais ce n’est pas un mirage. C’est plutôt un oasis. J’en fais trop, dis-tu ? Normal, Pattaya rend emphatique. Elle enlève et soulève. Dommage que tu n’y sois jamais allé…

"Mais où est-ce ?", me demandes-tu alors. C’est une question qui ne se pose pas ; bannis ta boussole. Aucun guide n’y emmène. Les voyageurs le savent bien. Les baroudeurs, les bourlingueurs, les boucaniers. Ceux qui n’ont crainte de parcheminer leurs cœurs à l’usure du sel et du ciel. Pattaya se découvre là où on n’ose la trouver. Elle s’offre sur tous les chemins. Elle est rare, donc elle abonde. Rien ne sert de chercher le bon caillou. Le vent t’y mènera et c’est la façon dont ton œil embrassera le paysage qui te transportera. Pattaya se livre aux chanceux. Ceux qui savent créer et choyer leur chance – avec courage et considération.

En général, le genre de réaction que provoque cette évocation, c’est : "bas les pattes, patate, tu te payes ma tête avec ton Pattaya !". En substance, quoi. Plus dans un phrasé écourté. Fleuri, disons. Mais toi qui sais tendre l’antenne, tu cesseras de sourciller. Tu besogneras dans l’immédiateté pour verrouiller ton havresac. En partance directe pour Pattaya ! Attends un peu, quand même. Si tu pars, je dois te prévenir. Fais gaffe. Pattaya donne un sacré goût de reviens-y – de celui qui te condamne à la voyagite aiguë, et damne à tout jamais. Ceci dit, tu ne seras point déçu. Tu piocheras des trésors cachés, tu empliras des carnets écornés, tu collectionneras des bris d’ailleurs… Moi-même, Pattaya m’a rendue riche.

La première fois que j’ai découvert ce cher pays, j’ai été comme hameçonnée. C’était dans des dunes chantantes, où j’étais partie me perdre, avec mes pensées. L’essentiel a pris toute la place. La mélodie inespérée d’un oiseau dans le désert, une plante affriolante auprès d’un oued, un rayon rebondissant sur la bosse d’un dromadaire langui, la philosophie de ces gens loin là-bas, tu sais, ceux qui ne vivent pas comme nous. Pattaya. J’avais envie de tout plaquer pour y vivre à jamais. Vrai leurre, car Pattaya ne s’adopte, ni ne se dompte. Pattaya, c’est l’abandon des contraintes. Comment l’enchaîner ? C’est la liberté. Celle que l’on retrouve à chaque départ, la peau ivre de soleil et le nez goinfré d’odeurs. Pattaya peut être tout prêt, c’est le loin de tout.

Pattaya ondule sous les pirogues, ou se love derrière la liane qui gratte le dos d’un paresseux. Pattaya rit, parfois. Souvent, en fait. Quand elle se fait sombre, ce n’est que pour mieux te tester, ami désireux d’aventures. Ce n’est que pour mieux t’offrir l’éclat qui t’ébahira. Car Pattaya rit de nous, mais ne se moque jamais. Pas mesquine, éperdument sincère. Pattaya se cache sous un élan de bienvenue, dans une invitation à partager, dans une contemplation grandeur nature, dans une découverte inopinée. Elle ne se donne qu’aux âmes désintéressées. C’est pas à pas qu’on y accède. Son sésame est dans un sourire échangé, dans l’exaltation suscitée par un moment simple. Pattaya n’est palais que pour les "chiches !". Ceux qui relèvent les défis, et en toute modestie.

Alors c’est décidé ? Tu mets le cap là-bas ? Stop ! Attends encore un peu. J’ai un paquetage à faire. Si tu pars pour Pattaya, je pars avec toi.

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