Passants du Père-Lachaise

Philippe Thivet

Nous étions quelque chose

C’est gravé dans la pierre

Ce que durent les roses

Le temps d’une prière

Nous étions des grands hommes

Qui s’en souvient encore ?

Disparus que nous sommes

Dans ce curieux décor

A nos chers disparus

C’est gravé dans le marbre

Cette vérité nue

D’une farce macabre

Mausolées, monuments

Aiguillons de granit

L’orgueil a fait son temps

Et le temps passe vite

Passants du Pèr’-Lachaise

Ces noms que vous lisez

Sont entre parenthèses

Un temps ressuscité

Passants du Pèr’-Lachaise

Le mot est bien trouvé

Car ne nous en déplaise

Tout ne fait que passer

Passants du Pèr’-Lachaise

Tout ne fait que passer

Nous nous pensions uniques

Et bien sûr nous l’étions

Pour le chant ironique

De quelques gravillons

Nous nous croyions de roc

Nous n’étions que poussière

Géants d’une autre époque

Au bal des éphémères

La vie sur les mémoires

Jette sont dévolu

On fait semblant d’y croire

Mais le cœur n’y est plus

Tombaux monumentaux

Apparats de vitrines

Présentent aux badauds

La grandeur de nos ruines

Passants du Pèr’-Lachaise

Ces noms que vous lisez

Sont entre parenthèses

Un temps ressuscité

Passants du Pèr’-Lachaise

Le mot est bien trouvé

Car ne nous en déplaise

Tout ne fait que passer

Passants du Pèr’-Lachaise

Tout ne fait que passer


Nous étions maréchaux

Ministres, musiciens

Peut-être des héros

Voire des gens très bien

N’étions-nous rien de moins

Que de parfaits quidams

Notre mort dans son coin

N’en fut pas moins un drame

Le temps qui balaie tout

Tourne et tourne les pages

L’être cher pour le coup

Fait bien plus que son âge

Caveaux pharaoniques

Ou bien simples lopins

La terre est amnésique

Il ne restera rien

Passants du Pèr’-Lachaise

Ces noms que vous lisez

Sont entre parenthèses

Un temps ressuscité

Passants du Pèr’-Lachaise

Le mot est bien trouvé

Car ne nous en déplaise

Tout ne fait que passer

Passants du Pèr’-Lachaise

Tout ne fait que passer

Quelques célébrités

Jouent un peu de leur nom

Pour le temps d’un cliché

« Voyez, nous y étions »

Mais qui peut dir’ vraiment

Qui étaient ces idoles ?

Ces illustres gisants

Dont les œuvres somnolent

Ils étaient des génies

Sans dout’, quand on y pense

Que sont-ils aujourd’hui

Devant tant d’ignorance ?

Épitaph’s et louanges

Granit ou marbre noir

Et la mémoir’ nous range

Au rayon accessoires

Passants du Pèr’-Lachaise

Qui ne fait’s que passer

 

Philippe Thivet

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