Pause cassée
hariash
Il jeta ses affaires sur le sofa, ses yeux à travers vitre, et contempla d'un souffle las le bâtiment d'en face, trop près pour être laid, trop distant pour être beau. Un monolithe de béton désarmant, du genre à attirer les moineaux suicidaires. Ce qui expliquerait les tâches rougeâtres.
A l'évidence, Mercedes venait de briser son élan positif. Il sourit à son reflet, prit son tabac à rouler dans le tiroir et redescendit dans la cour. Une belle et rugueuse table en bois y était installée depuis trois ans, agora de tout un peuple brassant fumeurs, caféinomanes et autres glandouilleurs. Autant dire qu'on y retrouvait toute l'agence, des stagiaires à Mercedes en passant par les livreurs, avares en temps mais avides de café. Le genre d'endroit pensé pour la détente, pourtant visible de toutes les pièces de l'agence – toilettes incluses, la gêne étant alors réciproque. Si le concept peut sembler sympathique, la scène a tout d'une épreuve d'arène, tant un dérapage trop familier peut singulièrement ralentir votre ascension dans la famille.
Aristide s'assit en bout de table et alluma d'un briquet usé son mégot, tel un Néron boudeur face à un feu qui peine à prendre. L'oeil droit flouté par une fumée corrosive, il vit arriver – de l'oeil gauche, donc - une jeune femme au visage poupin.
- Bonjour, Mr Wornov. Réveil difficile ?
- Difficile de vous répondre, je suis dans le gaz. Vous êtes?
- Lea Saline, je suis la nouvelle du pôle Grande Consommation. Je suis là pour six mois qui, je l’espère ! déboucheront sur un CDI. J'ai eu un baccalauréat S, mention assez bien, j'aurai pu avoir la mention du dessus si j'avais fait L.. ne le dite pas à ma soeur ! gloussa t-elle d'un rire suintant l'anxieuse furie. J'ai une soeur de deux ans ma cadette, intermittente du spectacle. Les L doivent y être prédestinés... enchaina t-elle, sûre de son effet.
- J'ai brillamment obtenu un bac L, sans mention.
- Comme je vous comprends. J'ai toujours eu l'âme d'une littéraire, pour tout vous dire hier encore je me suis surprise à écrire quelques vers. Le souci, pour moi, n'étant pas de commencer un poème mais de le finir. J'ai une réelle aisance pour apposer les justes mots aux images, et j'aime faire part de mes inspirations créatives. Voilà un profil qui sans doute, vous déroute. Une âme littéraire aux compétences scientifiques ! Pour sûr, un profil peu commun, et c'est ce qui fait ma force. J'ai fais S car mes parents m'ont toujours poussé à développer mon savoir dans les meilleurs formations qui soient. Je leur en ai souvent voulu, par le passé, d'avoir bridé mes transes artistiques – j'étais parfois couverte de sueur à l'issue d'un boeuf - musical, j'entends. Les années ont passé et je me suis finalement rendu compte que la communication était faite pour moi. Il est vrai, après tout ! Que le secteur a la réputation d'attirer les personnalités créatives. Banksy, un artiste de rue, a d'ailleurs persiflé un jour qu'il n'aimait pas la publicité car elle cannibalisait les talents créatifs.
- C'est un point de vue créatif.
- Exactement ! Et l'intime conviction de mes parents m'a permis de franchir des montagnes que je n'aurai jamais imaginé ne serait-ce qu'effleurer. Je leur dois tout, ce que j'étais, ce que je suis et deviendrai et croyez moi, jamais, Ô jamais, je ne les oublierai.
Aristide se leva sans mot dire.
Génial, on ne peut que partager l'agacement d'Aristide ! Et la référence à Banksy fait plaisir =)
· Il y a plus de 12 ans ·carlaval
hélas il y a encore des personnes comme ça
· Il y a plus de 12 ans ·franek
Merci pour le commentaire. Le texte finit bien par "Aristide se leva sans mot dire". C'est le troisième chapitre d'une histoire, qui pour le moment ne mène nulle part.. ;) mais je garde espoir !!
· Il y a plus de 12 ans ·hariash
A moins que la coupure soit volontaire, bien sûr !!!
· Il y a plus de 12 ans ·Pascal Germanaud
J'aime beaucoup le style, Niramo mais il manque la fin de la dernière phrase de la page 3 et il en manque davantage en mode "Lire" !?! Sinon, la chute est bien...La pause café, ça se respecte !-)
· Il y a plus de 12 ans ·Pascal Germanaud