Péage infernal

Jean Louis Bordessoules

Péage infernal

Sketch

Jean-Louis BORDESSOULES

bordessoules@orange.fr

Durée approximative : 15 minutes

Synopsis

Un personnage très snob tombe sur un nouveau modèle de borne de péage autoroutier entièrement automatique. Mais rien ne fonctionne.

Personnages

La conductrice ou le conducteur. La ou le même comédien(ne) jouera aussi le personnage de l'employé(e) d'autoroute.

Décor

Deux chaises côte à côte (les deux sièges de la voiture)

Costumes

Assez snob si possible. Ou un simple accessoire pour poser le personnage.

La conductrice - Enfin ! Nous sommes arrivées ! Il ne nous reste plus qu'à régler l'octroi pour quitter cette longue et ennuyeuse autoroute ! (le comédien se penche par la «fenêtre» du véhicule et regarde, l'air incrédule) Ciel ? Qu'est-ce ! Je ne vois point l'orifice réglementaire destiné à l'insertion du ticket ? Comment vais-je régler ? La peste soit de ces équipements automatiques ! Ces gueux ont remplacé le système usuel par un écran. Lisons ce que l'on nous y baille : « Bonjour madame Germaine Dubide... » Oh les mécréants ! Voyez de quel nom de roturier ils osent m'affubler ! Je poursuis : « Le réseau des Autoroutes de l'Avenir vous remercie de sa confiance » Ils ironisent, les marauds, de surcroît « et vous souhaite bon voyage pour la suite de votre trajet. » Tout de même, un peu de politesse ! « Vous êtes en présence d'un prototype de caisse entièrement automatique. Votre véhicule et votre trajet ont été mémorisés par notre système de surveillance. Cela nous a permis, avec la collaboration des services de l'Etat, de connaître votre identité et vos coordonnées bancaires. » Nous sommes espionnés, cher amie, les rouges ont pris le pouvoir ! Je vous l'avais bien dit. « Vous avez emprunté notre réseau au péage de Coulon-sur-Larive. Vous y avez effectué 3 566 kilomètres. La somme de 1 135 € sera débitée de votre compte bancaire au Crédit Populiste au dernier jour du mois en cours. » Morbleu ! Vous avez oui ? « Merci de confirmer ces informations en appuyant sur le bouton vert situé sur la borne qui est à votre gauche. Il vous suffira de prendre le justificatif qui va s'imprimer pour faire se lever la barrière. Si vous souhaitez obtenir de l'assistance ou des informations complémentaires, il vous suffit de maintenir le même bouton enfoncé pendant 5 secondes. Les Autoroutes de l'Avenir vous souhaitent un bon voyage. »

La conductrice - Tudieu ! Vous êtes témoin, chère amie ! Cet équipement me semble être en plein délire ! J'aurais été identifiée comme une certaine Germaine Dubide ! Moi, Cunégonde Duparc de la Galetouse, m'affubler du patronyme de Germaine Dubide ! Et l'on me demande de surcroît plus de 1 000 € comme si nous avions effectué plus de 90 lieues ! C'est tout bonnement insensé ! Il est hors de question qu'une descendante de Hubert de Champmelon des Gourdasses, héros de la XIIe croisade, se laisse escroquer de la sorte ! Je m'en vais à l'instant presser de l'index de ma dextre leur fameux bouton vert et attendre leur assistance ! Ces malotrus ne savent point à qui ils s'adressent ! (le personnage appuie sur un bouton virtuel et attend en montrant son impatience)

Cette attente devient insupportable, ma chère Bérénice. L'ire me gagne ! Je préfère sortir de l'automobile, l'air frais me fera le plus grand bien (le comédien mime la sortie du véhicule)... Enfin j'aperçois ce qui doit être une sorte de préposée à l'entretien qui s'avance. Elle va apprendre ce qu'il en coûte de me contrarier, la gueuse ! Regardez-moi cette allure ! Toute la vulgarité et la nonchalance du bas peuple !

L'employée d'autoroute - B'jour... z'avez sonné ?

La conductrice - Exactement, ma fille ! Votre système me semble tout bonnement détraqué !

L'employée d'autoroute - Détraqué ?

La conductrice - Parfaitement ! Et cessez de me regarder de la sorte en prononçant le mot « détraquée » ! Me serai-je mal exprimée ? Cet appareil me prend pour une dénommée Germaine Dubide, c'en est presque une insulte. Et j'aurais effectué plus de 90 lieues – 3 500 kilomètres au cas où vous l'ignoreriez - sur vos autoroutes. Et l'on ose me réclamer la somme incroyable de 1 000 € et plus !

L'employée d'autoroute - Et vot'nom c'est pas Dubide ?

La conductrice - Qu'ouis-je ? Regardez-moi bien ! Ai-je une tête et un port à me nommer Dubide ?

L'employée d'autoroute - Bof... vous savez, moi...

La conductrice - Si vous continuez à douter de ma parole et osez me demander mes papiers d'identité, je vous préviens que je convoque mon avocat immédiatement ! Oncques ne m'a-t-on traitée de la sorte !

L'employée d'autoroute - Bon, bon, vous z'énervez pas. Ça m'étonne, quand même, nos nouvelles bornes marchent super, d'habitude... Bon. Je vais téléphoner au service technique.

La conductrice - Ah ! Tout de même ! Et faites prestement, je n'ai point que cela à faire, moi.

L'employée d'autoroute - Allô ? Ah, salut Mathilde ! Ça va ? (...) Oui, oui, merci. Et tes vacances ? C'était bien ? (...) Veinarde !

La conductrice - Bon dites donc ma fille ! Vous vous gaussez, ou quoi ? Il me semble que vous n'êtes pas rémunérée pour évoquer vos vacances avec vos commensaux ! Peu me chaut ce que vous fîtes de votre temps libre !

L'employée d'autoroute - (à la cliente) Oui, bon, ça va ! S'cusez-moi ! Faut pas vous énerver pour un rien. On est entre gens civilisés, quand même, on est pas des machines ! (à sa collègue) Excuse-moi, Mathilde, mais faut que j'te coupe. J'ai une cliente pressée (regard ironique vers la cliente). Tu peux m'passer Norbert, j'ai un problème sur sa nouvelle caisse automatique. (...) En congé ? Comment j'fais, moi ? La cliente veut pas payer, il y a déjà plus de 10 voitures qui font la queue et j'sais pas dépanner son truc, moi ! (...) OK, je l'appelle chez lui. A plus...

La conductrice - Bon dites, vous déciderez-vous à vous hâter ou bien dois-je héler la maréchaussée ? Faire quérir mes gens ?

L'employée d'autoroute - Ho, calmez-vous, m'dame ! Le technicien est en congé, et à cause de vous il faut que j'le dérange chez lui !

La conductrice - Qu'entends-je ? Par ma faute ? Votre installation ne fonctionne point et vous tentez d'en faire rejaillir la responsabilité sur ma personne !

L'employée d'autoroute - Hé, du calme... ça sonne, j'vais l'avoir... Allô ? Norbert ? (...) Ah ! Salut Martine ! Tu vas bien ? (...) Je sais, je sais, ça fait un bail qu'on a pas bouffé ensemble ! Attends, samedi prochain je peux pas...

La conductrice - Bérénice, retenez-moi ou je vais faire dresser un bûcher pour cette manante qui persiste à me faire perdre mon précieux temps !

L'employée d'autoroute - Heu... J'te rappellerai plus tard, Martine, j'ai une chieus... une cliente qui est coincée par la machine de Norbert. Tu peux m'le passer ? (...) La sieste ? Mais il est presque 18 heures ! Y va rater l'apéro ! (...) OK, merci... (à la cliente) Il arrive, m'dame, on va régler ça.

La conductrice - Tout de même !

L'employée d'autoroute - Salut Norbert, ça boume ? (...) Eh ouais, je sais, j'te dérange en pleine sieste, mais y'a ta borne qui déconne encore, elle est comme toi ! (...) Ben y'a le nom qui est pas bon et puis elle trouve plus de 3 500 kilomètres de trajet ! (...) Le nom que donne la borne ? Dubide. (...) Celui de la cliente ? Attends, je lui demande...

La conductrice - Duparc de la Galetouze ! Cunégonde Duparc de la Galetouze.

L'employée d'autoroute - T'as entendu ? Duparc de la Galetouze (...) Arrête de rigoler, Norbert... c'est pas drôle, elle a pas choisi son nom. Et puis Dubide, c'est pas mieux. (...) Ah ouais, je comprends. Bon. T'arranges ça de chez toi sur ton ordi, on appuie dans 30 secondes sur le bouton vert et ça s'ra bon ? (...) OK, merci Norbert, et à tchao ! (à la cliente) Ouais, en fait, c'est que votre nom est trop long, ça a complètement détraqué le système !

La conductrice - Vous avez oui comme moi, Bérénice, ce que cette maraude insinue ? Ce serait de ma faute, si leur mécanique ne fonctionne pas ? Avoir un nom glorieux, attaché à la grande histoire de la France d'avant la Révolution serait aujourd'hui une faute, un crime ? Retenez-moi, Bérénice, je sens que je vais piquer une crise de nerf !

L'employée d'autoroute - Bon, vous appuyez sur le bouton vert ou vous voulez dormir ici ?

La conductrice - Je presse, ma fille, je presse car je suis pressée. Mais il semblerait que votre système soit à nouveau récalcitrant ! Rien n'en émerge... (à un automobiliste faisant la queue derrière et s'impatientant) Non mais dites-donc, le malotru ! Un ton en dessous, s'il vous plaît. Vous ne savez pas à qui vous vous adressez ! Mes ancêtres étaient à Marignan ! Respectez-les ! (l'autre automobiliste s'énervant) Arrière, sans-culotte, ou je fais quérir la garde ! (...) Comment cela « bonne à enfermer » ?! Bérénice ! Bérénice ! Vous avez entendu ? Cet individu ose prétendre que ma santé mentale défaille ! Vite, Bérénice, donnez-moi une cigarette, cela me calmera... (le comédien allume une cigarette, ce qui déclenche le système anti-incendie) Ciel ! Mais quel est ce déluge ? Madame, la préposée, je vous prie de faire cesser immédiatement cette aspersion aussi désagréable qu'inutile ou je fais convoquer votre hiérarchie pour tentative de noyade à l'encontre de ma personne !

L'employée d'autoroute - Putain mais vous faites chier, vous ! Vous z'avez pas vu qu'y faut pas fumer ? Vous z'avez déclenché la sécurité anti-incendie !

La conductrice - Oh ! Comment osez-vous ? Ah, je m'en souviendrai de cette sortie d'autoroute ! Me voilà entièrement liquéfiée, maintenant ! (à l'automobiliste de derrière) Et vous, le gueux, cessez de vous esbaudir ! Cela n'est point hilarant !

L'employée d'autoroute - Râlez pas... En tout cas, vous avez eu un lavage de voiture gratuit !

La conductrice – Et mon tailleur ? Avez-vous constaté l'état de mon tailleur ? Quant à ma mise en plis... je préfère n'en rien dire. Et votre système qui ne fonctionne toujours pas ! Faites quelque chose, au lieu de reste là la bouche béante comme un poisson rouge !

L'employée d'autoroute – Ouais, OK... J'rappelle Norbert, y'a encore un truc qui cloche... (...) Allô, Norbert ? Ah, Martine... c'est encore moi. Tu peux me passer Norbert ? (...) Hein ? Reparti siester ? Ben... tu peux aller le réveiller quand même ? (...) Merci Martine. J'te revaudrai ça. (à la cliente) Il arrive ! (...) Allô, Norbert ? (...) J'sais, j'te gâche ta sieste. Mais c'est pas d'ma faute, c'est l'autre fol... la cliente. Le ticket s'imprime pas. (...) L'imprimante de secours... oui, d'accord. Et elle est où, l'imprimante de secours ? (...) Hein ? Tu déconnes, Norbert ! (...) Bon. J'y vais. Salut, Norbert, à demain ! (à la cliente) J'reviens, m'dame, j'vais chercher vot'ticket aux chi... dans l'imprimante de secours et on pourra ouvrir la barrière...

La conductrice - Tout de même... J'en fais le serment, Bérénice, la prochaine fois je fais atteler la calèche et nous cheminerons par les routes forestières, nous irons plus vite et n'aurons point à subir l'haleine infâme de certains individus (elle regarde avec insistance vers l'arrière l'automobiliste mécontent).

L'employée d'autoroute – Et voilà, m'dame... Heu... c'est un modèle spécial, avec l'imprimante... de secours. Vous passez le code barre devant le lecteur et la barrière s'ouvrira. Bon voyage, m'dame.

La conductrice – Quoi ? Du papier hygiénique ! Ils me donnent un morceau de papier hygiénique en guise de ticket ! C'est le comble ! Vous vous moquez à nouveau, ma fille ! Vous voulez que je perde définitivement mon calme ! Vous voulez faire défaillir ma raison ! Vous cherchez, par le biais de cet immondice me faire comprendre ce que vous pensez de la noblesse, la vraie ! C'est cela, n'est-ce pas ? C'est un message politique !

L'employée d'autoroute – Mais non, m'dame, c'est mon collègue Norbert... il a branché l'imprimante de secours sur la bobine de... enfin vous comprenez, quoi. Et puis vous pouvez toujours vous en servir après pour... enfin vous voyez ce que je veux dire...

La conductrice – Et de surcroît vous osez faire de l'humour ! Ne cherchez pas à faire des choses qui ne relèvent pas de votre classe sociale, mon amie, laissez cela à ceux qui en sont capables. Je ne vous salue pas, madame. À ne jamais vous revoir ! Bérénice, allons-y. Je passe mon ticket... enfin, quand je dis mon ticket, je passe cet immondice devant le lecteur et la barrière est sensée se lever... Alléluia ! Elle se lève. Enfin quelque chose qui fonctionne ! Voyez-vous, Bérénice, j'en serais presque surprise... Avançons vite et rentrons en notre château. (...) Ciel, que se passe-t-il encore ? Cette barrière ne cesse de monter et descendre et massacrer notre automobile ! C'est la révolution, ils ont inventé un nouveau modèle de guillotine, Bérénice, fuyons, ils veulent, nous occire ! Mais ils ne nous auront pas, nous résisterons... (le comédien sort de scène ou noir selon la mise en scène)

Péage infernal

Sketch

Jean-Louis BORDESSOULES

bordessoules@orange.fr

Durée approximative : 15 minutes

Synopsis

Un personnage très snob tombe sur un nouveau modèle de borne de péage autoroutier entièrement automatique. Mais rien ne fonctionne.

Personnages

La conductrice ou le conducteur. La ou le même comédien(ne) jouera aussi le personnage de l'employé(e) d'autoroute.

Décor

Deux chaises côte à côte (les deux sièges de la voiture)

Costumes

Assez snob si possible. Ou un simple accessoire pour poser le personnage.

La conductrice - Enfin ! Nous sommes arrivées ! Il ne nous reste plus qu'à régler l'octroi pour quitter cette longue et ennuyeuse autoroute ! (le comédien se penche par la «fenêtre» du véhicule et regarde, l'air incrédule) Ciel ? Qu'est-ce ! Je ne vois point l'orifice réglementaire destiné à l'insertion du ticket ? Comment vais-je régler ? La peste soit de ces équipements automatiques ! Ces gueux ont remplacé le système usuel par un écran. Lisons ce que l'on nous y baille : « Bonjour madame Germaine Dubide... » Oh les mécréants ! Voyez de quel nom de roturier ils osent m'affubler ! Je poursuis : « Le réseau des Autoroutes de l'Avenir vous remercie de sa confiance » Ils ironisent, les marauds, de surcroît « et vous souhaite bon voyage pour la suite de votre trajet. » Tout de même, un peu de politesse ! « Vous êtes en présence d'un prototype de caisse entièrement automatique. Votre véhicule et votre trajet ont été mémorisés par notre système de surveillance. Cela nous a permis, avec la collaboration des services de l'Etat, de connaître votre identité et vos coordonnées bancaires. » Nous sommes espionnés, cher amie, les rouges ont pris le pouvoir ! Je vous l'avais bien dit. « Vous avez emprunté notre réseau au péage de Coulon-sur-Larive. Vous y avez effectué 3 566 kilomètres. La somme de 1 135 € sera débitée de votre compte bancaire au Crédit Populiste au dernier jour du mois en cours. » Morbleu ! Vous avez oui ? « Merci de confirmer ces informations en appuyant sur le bouton vert situé sur la borne qui est à votre gauche. Il vous suffira de prendre le justificatif qui va s'imprimer pour faire se lever la barrière. Si vous souhaitez obtenir de l'assistance ou des informations complémentaires, il vous suffit de maintenir le même bouton enfoncé pendant 5 secondes. Les Autoroutes de l'Avenir vous souhaitent un bon voyage. »

La conductrice - Tudieu ! Vous êtes témoin, chère amie ! Cet équipement me semble être en plein délire ! J'aurais été identifiée comme une certaine Germaine Dubide ! Moi, Cunégonde Duparc de la Galetouse, m'affubler du patronyme de Germaine Dubide ! Et l'on me demande de surcroît plus de 1 000 € comme si nous avions effectué plus de 90 lieues ! C'est tout bonnement insensé ! Il est hors de question qu'une descendante de Hubert de Champmelon des Gourdasses, héros de la XIIe croisade, se laisse escroquer de la sorte ! Je m'en vais à l'instant presser de l'index de ma dextre leur fameux bouton vert et attendre leur assistance ! Ces malotrus ne savent point à qui ils s'adressent ! (le personnage appuie sur un bouton virtuel et attend en montrant son impatience)

Cette attente devient insupportable, ma chère Bérénice. L'ire me gagne ! Je préfère sortir de l'automobile, l'air frais me fera le plus grand bien (le comédien mime la sortie du véhicule)... Enfin j'aperçois ce qui doit être une sorte de préposée à l'entretien qui s'avance. Elle va apprendre ce qu'il en coûte de me contrarier, la gueuse ! Regardez-moi cette allure ! Toute la vulgarité et la nonchalance du bas peuple !

L'employée d'autoroute - B'jour... z'avez sonné ?

La conductrice - Exactement, ma fille ! Votre système me semble tout bonnement détraqué !

L'employée d'autoroute - Détraqué ?

La conductrice - Parfaitement ! Et cessez de me regarder de la sorte en prononçant le mot « détraquée » ! Me serai-je mal exprimée ? Cet appareil me prend pour une dénommée Germaine Dubide, c'en est presque une insulte. Et j'aurais effectué plus de 90 lieues – 3 500 kilomètres au cas où vous l'ignoreriez - sur vos autoroutes. Et l'on ose me réclamer la somme incroyable de 1 000 € et plus !

L'employée d'autoroute - Et vot'nom c'est pas Dubide ?

La conductrice - Qu'ouis-je ? Regardez-moi bien ! Ai-je une tête et un port à me nommer Dubide ?

L'employée d'autoroute - Bof... vous savez, moi...

La conductrice - Si vous continuez à douter de ma parole et osez me demander mes papiers d'identité, je vous préviens que je convoque mon avocat immédiatement ! Oncques ne m'a-t-on traitée de la sorte !

L'employée d'autoroute - Bon, bon, vous z'énervez pas. Ça m'étonne, quand même, nos nouvelles bornes marchent super, d'habitude... Bon. Je vais téléphoner au service technique.

La conductrice - Ah ! Tout de même ! Et faites prestement, je n'ai point que cela à faire, moi.

L'employée d'autoroute - Allô ? Ah, salut Mathilde ! Ça va ? (...) Oui, oui, merci. Et tes vacances ? C'était bien ? (...) Veinarde !

La conductrice - Bon dites donc ma fille ! Vous vous gaussez, ou quoi ? Il me semble que vous n'êtes pas rémunérée pour évoquer vos vacances avec vos commensaux ! Peu me chaut ce que vous fîtes de votre temps libre !

L'employée d'autoroute - (à la cliente) Oui, bon, ça va ! S'cusez-moi ! Faut pas vous énerver pour un rien. On est entre gens civilisés, quand même, on est pas des machines ! (à sa collègue) Excuse-moi, Mathilde, mais faut que j'te coupe. J'ai une cliente pressée (regard ironique vers la cliente). Tu peux m'passer Norbert, j'ai un problème sur sa nouvelle caisse automatique. (...) En congé ? Comment j'fais, moi ? La cliente veut pas payer, il y a déjà plus de 10 voitures qui font la queue et j'sais pas dépanner son truc, moi ! (...) OK, je l'appelle chez lui. A plus...

La conductrice - Bon dites, vous déciderez-vous à vous hâter ou bien dois-je héler la maréchaussée ? Faire quérir mes gens ?

L'employée d'autoroute - Ho, calmez-vous, m'dame ! Le technicien est en congé, et à cause de vous il faut que j'le dérange chez lui !

La conductrice - Qu'entends-je ? Par ma faute ? Votre installation ne fonctionne point et vous tentez d'en faire rejaillir la responsabilité sur ma personne !

L'employée d'autoroute - Hé, du calme... ça sonne, j'vais l'avoir... Allô ? Norbert ? (...) Ah ! Salut Martine ! Tu vas bien ? (...) Je sais, je sais, ça fait un bail qu'on a pas bouffé ensemble ! Attends, samedi prochain je peux pas...

La conductrice - Bérénice, retenez-moi ou je vais faire dresser un bûcher pour cette manante qui persiste à me faire perdre mon précieux temps !

L'employée d'autoroute - Heu... J'te rappellerai plus tard, Martine, j'ai une chieus... une cliente qui est coincée par la machine de Norbert. Tu peux m'le passer ? (...) La sieste ? Mais il est presque 18 heures ! Y va rater l'apéro ! (...) OK, merci... (à la cliente) Il arrive, m'dame, on va régler ça.

La conductrice - Tout de même !

L'employée d'autoroute - Salut Norbert, ça boume ? (...) Eh ouais, je sais, j'te dérange en pleine sieste, mais y'a ta borne qui déconne encore, elle est comme toi ! (...) Ben y'a le nom qui est pas bon et puis elle trouve plus de 3 500 kilomètres de trajet ! (...) Le nom que donne la borne ? Dubide. (...) Celui de la cliente ? Attends, je lui demande...

La conductrice - Duparc de la Galetouze ! Cunégonde Duparc de la Galetouze.

L'employée d'autoroute - T'as entendu ? Duparc de la Galetouze (...) Arrête de rigoler, Norbert... c'est pas drôle, elle a pas choisi son nom. Et puis Dubide, c'est pas mieux. (...) Ah ouais, je comprends. Bon. T'arranges ça de chez toi sur ton ordi, on appuie dans 30 secondes sur le bouton vert et ça s'ra bon ? (...) OK, merci Norbert, et à tchao ! (à la cliente) Ouais, en fait, c'est que votre nom est trop long, ça a complètement détraqué le système !

La conductrice - Vous avez oui comme moi, Bérénice, ce que cette maraude insinue ? Ce serait de ma faute, si leur mécanique ne fonctionne pas ? Avoir un nom glorieux, attaché à la grande histoire de la France d'avant la Révolution serait aujourd'hui une faute, un crime ? Retenez-moi, Bérénice, je sens que je vais piquer une crise de nerf !

L'employée d'autoroute - Bon, vous appuyez sur le bouton vert ou vous voulez dormir ici ?

La conductrice - Je presse, ma fille, je presse car je suis pressée. Mais il semblerait que votre système soit à nouveau récalcitrant ! Rien n'en émerge... (à un automobiliste faisant la queue derrière et s'impatientant) Non mais dites-donc, le malotru ! Un ton en dessous, s'il vous plaît. Vous ne savez pas à qui vous vous adressez ! Mes ancêtres étaient à Marignan ! Respectez-les ! (l'autre automobiliste s'énervant) Arrière, sans-culotte, ou je fais quérir la garde ! (...) Comment cela « bonne à enfermer » ?! Bérénice ! Bérénice ! Vous avez entendu ? Cet individu ose prétendre que ma santé mentale défaille ! Vite, Bérénice, donnez-moi une cigarette, cela me calmera... (le comédien allume une cigarette, ce qui déclenche le système anti-incendie) Ciel ! Mais quel est ce déluge ? Madame, la préposée, je vous prie de faire cesser immédiatement cette aspersion aussi désagréable qu'inutile ou je fais convoquer votre hiérarchie pour tentative de noyade à l'encontre de ma personne !

L'employée d'autoroute - Putain mais vous faites chier, vous ! Vous z'avez pas vu qu'y faut pas fumer ? Vous z'avez déclenché la sécurité anti-incendie !

La conductrice - Oh ! Comment osez-vous ? Ah, je m'en souviendrai de cette sortie d'autoroute ! Me voilà entièrement liquéfiée, maintenant ! (à l'automobiliste de derrière) Et vous, le gueux, cessez de vous esbaudir ! Cela n'est point hilarant !

L'employée d'autoroute - Râlez pas... En tout cas, vous avez eu un lavage de voiture gratuit !

La conductrice – Et mon tailleur ? Avez-vous constaté l'état de mon tailleur ? Quant à ma mise en plis... je préfère n'en rien dire. Et votre système qui ne fonctionne toujours pas ! Faites quelque chose, au lieu de reste là la bouche béante comme un poisson rouge !

L'employée d'autoroute – Ouais, OK... J'rappelle Norbert, y'a encore un truc qui cloche... (...) Allô, Norbert ? Ah, Martine... c'est encore moi. Tu peux me passer Norbert ? (...) Hein ? Reparti siester ? Ben... tu peux aller le réveiller quand même ? (...) Merci Martine. J'te revaudrai ça. (à la cliente) Il arrive ! (...) Allô, Norbert ? (...) J'sais, j'te gâche ta sieste. Mais c'est pas d'ma faute, c'est l'autre fol... la cliente. Le ticket s'imprime pas. (...) L'imprimante de secours... oui, d'accord. Et elle est où, l'imprimante de secours ? (...) Hein ? Tu déconnes, Norbert ! (...) Bon. J'y vais. Salut, Norbert, à demain ! (à la cliente) J'reviens, m'dame, j'vais chercher vot'ticket aux chi... dans l'imprimante de secours et on pourra ouvrir la barrière...

La conductrice - Tout de même... J'en fais le serment, Bérénice, la prochaine fois je fais atteler la calèche et nous cheminerons par les routes forestières, nous irons plus vite et n'aurons point à subir l'haleine infâme de certains individus (elle regarde avec insistance vers l'arrière l'automobiliste mécontent).

L'employée d'autoroute – Et voilà, m'dame... Heu... c'est un modèle spécial, avec l'imprimante... de secours. Vous passez le code barre devant le lecteur et la barrière s'ouvrira. Bon voyage, m'dame.

La conductrice – Quoi ? Du papier hygiénique ! Ils me donnent un morceau de papier hygiénique en guise de ticket ! C'est le comble ! Vous vous moquez à nouveau, ma fille ! Vous voulez que je perde définitivement mon calme ! Vous voulez faire défaillir ma raison ! Vous cherchez, par le biais de cet immondice me faire comprendre ce que vous pensez de la noblesse, la vraie ! C'est cela, n'est-ce pas ? C'est un message politique !

L'employée d'autoroute – Mais non, m'dame, c'est mon collègue Norbert... il a branché l'imprimante de secours sur la bobine de... enfin vous comprenez, quoi. Et puis vous pouvez toujours vous en servir après pour... enfin vous voyez ce que je veux dire...

La conductrice – Et de surcroît vous osez faire de l'humour ! Ne cherchez pas à faire des choses qui ne relèvent pas de votre classe sociale, mon amie, laissez cela à ceux qui en sont capables. Je ne vous salue pas, madame. À ne jamais vous revoir ! Bérénice, allons-y. Je passe mon ticket... enfin, quand je dis mon ticket, je passe cet immondice devant le lecteur et la barrière est sensée se lever... Alléluia ! Elle se lève. Enfin quelque chose qui fonctionne ! Voyez-vous, Bérénice, j'en serais presque surprise... Avançons vite et rentrons en notre château. (...) Ciel, que se passe-t-il encore ? Cette barrière ne cesse de monter et descendre et massacrer notre automobile ! C'est la révolution, ils ont inventé un nouveau modèle de guillotine, Bérénice, fuyons, ils veulent, nous occire ! Mais ils ne nous auront pas, nous résisterons... (le comédien sort de scène ou noir selon la mise en scène)

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