Pensée insensée
justine_diot
J'allais t'appeler. Je suis seule. C'est vide. Personne. Un gros blanc. Comment dire ? Je ne pourrais qualifier cet état de néant total. Je suis là, moi. Et toi, puisque je te parle. Non, je dirais qu'un vide s'est installé autour de moi. La chaleur m'oppresse, m'étouffe. Je suffoque à chaque respiration que je tente de prendre. La vie est difficile parfois. Pourquoi ces mots ? Je ne sais pas. L'inspiration m'a quittée au moment où tu as dit ne plus vouloir me parler. C'est étrange parfois. Il suffit d'un geste, d'un mot, un petit instant dans notre vie pour ressentir un vide. Il m'attire, m'aspire. Je somnole. Pourtant, ton image est toujours présente. Quoique je fasse, quoique je dise, je vis pour toi. Et pourtant, tu es loin.
C'est incroyable. Il y a tout ce monde autour de moi, ces fleurs qui poussent et éclosent au soleil dans ce jardin... Cette petite fille qui sourit lorsqu'elle demande quelque chose ou cette mère qui tente de cacher en vain ce qu'elle réclame. Il y a ce couple assit sur un banc près de la fontaine. Ils ne sont pas jeunes. Loin de là. Mais, dans leurs regards, leurs gestes, on ressent tout l'amour qu'il ont l'un pour l'autre. On sait qu'il s'aime et s'aimeront toujours. Il y a ce chien qui court après ces papillons. Et, toujours cette petite fille qui rigole quand un petit garçon tombe devant elle. Elle rit. Et moi ? Je ne ris plus.
La solitude. Quelque chose qu'on apprend avec le temps. On l'acquiert, elle ne se détache plus lorsqu'elle entre dans notre vie. Moi, elle est rentrée hier. Et, depuis, je ne souris plus. La petite fille, elle, peut rire. Il y aura toujours quelqu'un avec elle pour l'entendre rire. Sa mère. Son père. D'autres enfants. Même l'arbre l'écoute. Elle a de la chance. Moi, qui m'écoute ? Je suis grande. Je t'ai fait confiance. Regarde ce que ça m'apporte...
Tout autour de moi, chacun vaque à ses occupations. On tue le temps comme on le peut. Moi, le temps m'a manqué. Je n'aurais plus de rêve. Non, pas de rêve pour les grands. Rien que la réalité et tout ce qu'elle comporte. La réalité et ses casses-gueules... La réalité et ses peines... La réalité et, moi, seule, sur ce banc, toute cassée.
On ne m'aime plus. Elle, on l'aimera. Elle grandira et on continuera à l'aimer. Le monde s'ouvrira à elle. Tout autour d'elle, on moulera un édifice où elle se contentera d'être elle-même, d'évoluer, d'aimer et d'être aimé. Moi, ça fait longtemps que je ne sais plus qui je suis, qui je pourrais être ou qui je devrais être... Elle se posera des questions sur les garçons. Elle s'amusera avec ses copines... Des déceptions, elle en aura aussi. Mais, pas autant que moi aujourd'hui.
On imagine ce que l'on pourrait faire de sa vie. Il y a ce que l'on fait et ce que l'on imagine. On explore chaque coin que le vie nous laisse librement atteindre. Moi, je n'imagine pas... Je n'imagine plus. Le temps a posé sa barrière... Une semaine... Un mois.. Un an... Peut-être mais pas une vie. La petite fille a disparu. Elle n'a pas tenu l'année. Elle a cessé de respirer... Le souvenir du goût de l'air... Je l'ai oublié...
Le vide est arrivé, un jour, sans prévenir. Il a tapissé son univers et a tout emporté... Mon univers... Je continue à errer... Ici et là...Seule...C'est mieux comme ça. Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que je ressens. Peut-être n'y a t il rien à trouver, pas de mots. Après tout, je ne ressens plus rien.
J'ai déjà pleuré. Aujourd'hui, je ne sais plus si c'est possible. Des souvenirs... C'est ce qu'il me reste. Tu embrassais les larmes sur mes lèvres. Je n'avais pas envie d'être consolé mais je trouvais ça si bon, si beau. Tout comme tes cheveux épais dans lesquels mes doigts aimaient se frayer un chemin. Je me disais que rien n'était simple avec toi. Mais pas à ce point... Je me souviendrais de ce corps contre le mien, tremblante.... De ses yeux flamboyants... De ces mains qui exauçaient chacun de mes désirs... De ce souffle sur ma peau, frissonnante. Je me souviens. Je ne peux pas ne pas me souvenir.
Un drôle de vide. Un vide. Le vide. Je n'ai pas compris tout de suite. Immobile, j'aurais pu fuir ou continuer à m'accrocher à ce souvenir. Mais, je ne l'ai pas fait. Je m'en veux de ressentir ce que je ressens. J'aurais aimé sourire de nouveau... Une seconde ou deux... Libérer mon corps, mon cœur, mon esprit encore une autre seconde. Cette bouche gravée dans mon esprit... C'était l'amour que je ressentais ? Mais, est-il possible d'y croire encore ? De croire qu 'il existe... Juste se dire que c'est une mauvaise passe et que le monde tournera toujours demain. L'amour, c'est ça ?
Je voudrais oublier ça, passer mon tour... Ce n'était pas mon jour hier... Un « coup » du hasard qui est venu et, est reparti ne laissant qu'un vide autour de moi.
Cette petite fille est revenue, elle s'est avancée et m'a souris. Un joli visage d'ange... Des boucles flottants autour et retombant dans son cou. Elle est belle, cet ange. Insouciante, je ne le suis plus. J'étais grande désormais.
Je n'aime pas être grande. Le cœur vide, je voudrais vivre, être de nouveau cette petite fille... indifférente... fragile... qui, il y a longtemps, m'a quittée.