Pensées à propos de Fight Club

evagreen

Fight Club c'est l'histoire d'une implosion, d'une révolution sans ennemi, d'une quête de sens perdue d'avance. Propulsé au rang d'Evangile par toute une génération d'adolescents un peu paumés en manque d'idole, compressée entre la publicité hédoniste et les petis boulots sans avenir Fight Club sait frapper là où ça fait mal. Roman prophétique d'une chute des valeurs de notre société, d'une vaste dépressurisation au sein de la culture occidentale en quête de sagesse, d'idéaux.

La révolution spirituelle entamée par un narrateur en proie à toutes sortes de troubles mentaux apparemment sérieux trouve sa cristallisation dans la personne de Tyler Durden : gourou anarchiste charismatique sérieusement entamé qui va drainer derrière lui tous les rêves avortés d'une génération entière laissée pour compte, en pleine confusion mentale et incapable de trouver sa place dans une société post-moderne aux repères fuyants.

Fight club c'est le roman pop d'une génération sans couleurs et sans issue, bonbon acide et sucré. Le Fight Club c'est une église qui empeste le sang et la transpiration , où les prières sont des cris , des bruits sourds de l'éclatement de la peau contre la peau ou du choc des os entre eux.

La réponse de Tyler, prophète d'une religion de la violence sainte va prendre forme sous la forme d'une destruction sacrée. Destruction des fausses idoles à travers les corps ensanglantés, les os brisés, les cris, la sueur, la puanteur qui hante chaque sous-sol où se déroulent ces combats à la violence légendaire. Chaque identité s'effrite et se liquéfie : les points de suture, les bleus, les coupures, les dents cassés, comme symbole d'une identité qui tombe littéralement en morceaux.

Les personnages trouvent à travers le Fight Club un moyen de se réconcilier avec eux-mêmes. Sorte d'anti-bouddhiste Tyler prône la destruction de soi comme moyen de libération du monde et de ses illusions. Personnage charismatique, devenu symbole de l'anti-héros loin des clichés hollywoodiens son nom est devenu synonyme de révolution, de libération intérieure, de renaissance. Le succès du roman se conçoit surtout à travers le mode de vie et la philosophie de Tyler Durden qui sait réveiller le révolutionnaire caché en chacun de nous. Idole au crépuscule précoce et déjà tracé Tyler s'efface progressivement derrière son accomplissement, l'histoire déjà en route ne peut plus être arrétée, pas même par sa propre personne. Tyler et ses singes de l'espace ne sont au fond que les pions d'un plan délirant, les dindons d'une vaste farce qu'est le roman.

Car au Fight Club on prend la vie à bras le corps, loin des futilités quotidiennes, des boulots de serveur ou d'avocats, des faux-semblants, des sourires hypocrites et des masques de la société.Le Fight Club permet à ces hommes «émasculés », symbolisés par Robert Paulson , de redécouvrir leur vraie virilité, loin des modèles vendus par la publicité et les films. Chacun sait que le Fight Club n'apporte aucune réponse, il n'en pose même pas en fait, au Fight Club on se fiche de tout ça. Car peu importe, l'expérience de l'absurde du monde est pleinement réalisée lorsque deux volontaires s'avancent et entrent dans leurs cercles. Lorsque le lendemain chacun rejoint sa vie régulière et ses tracas quotidiens c'est tout le zen de la violence absurde du Fight Club qui apaise, sorte de jardin philosophique post-moderne Tyler enseigne à ses disciples le stoïcisme , capables dès lors de prendre un vrai recul sur leur vie. La fuit en avant de l'autodestruction afin de placer l'individu face à son absurde condition est censée conduire à la libération , consciente ou non, de gré ou de force. Lorsque narrateur braque Raymond Hessel il ne lui demande pas son avis pour le libérer de lui-même.La philosophie extrémiste qui pousse jusqu'au bout sa philosophie, sa condition absurde assumera jusque dans l'autodestruction ses contradictions. Tyler le répète, il est libre car il n'a rien à perdre, les limitations du monde matériel sont terminées pour lui, sous la pluie de coup du Fight Club il apprend à retrouver tant bien que mal un ordre intérieur au sein du Chaos ambiant. Tyler est un affranchi. Affranchi des limites physiques, matérielles, il séduit par sa remise en cause d'un mode de vie consumériste lui aussi extrémiste, il réveille l'ardeur du guerrier qu'on voudrait tous être mais qu'on ose pas réaliser.

Faute de révolution une génération entière de jeunes gens prêts à aller jusqu'à s'autodétruire pour donner un sens à leur vie confieront leur vie à Tyler Durden et l'accomplissement de sa volonté.

Tyler devient le gourou d'une secte, d'une organisation criminelle,ou d'un opuscule éminemment, totalitaire et fasciste, ou d'un simple groupe de marginaux sans repères, ou d'une bande d'ados en pleine crise...Tyler est tout ça et rien à la fois. Tyler représente le leader charismatique, intelligent, charmant, drôle, volontaire, passionné et surtout borderline. Le genre de gars extrême qui fait sauter un immeuble de 191 étages pour accomplir son projet de révolution , l'apôtre du Chaos et de la libération spirituelle, sage de la violence et du sang. Idéal du moi poussé à son paroxysme, face sombre et séduisante tapie dans les limbes de notre inconscient.

Puis au milieu des dents cassés, de la peau à vif, de la haine de soi et du monde il y a Marla. Marla c'est l'histoire d'amour dérangée et dérangeante au milieu de ce brouhaha infernal, de ce chaos sans forme. L'Oasis d'eau croupie qui surgit au milieu de ce monde sans espoir peuplé de personnages défigurés par la violence. C'est elle qui fait croquer la pomme au narrateur anonyme, c'est pour elle qu'il crée Tyler Durden. Marla catalyse les contradictions, les frustrations dont est incapable de se libérer le narrateur.Tyler, celui que la musique de boîte constipe car elle altère son biorythme, celui qui , nu sur la plage construit l'ombre d'une main afin de réaliser le moment parfait , celui qui pisse dans la soupe de riches clients, celui qui vit dans un taudis abandonné, celui qui est défiguré par les coups et les cicatrices, celui qui mène à le destruction une génération entière de fidèles. Entre gourou dangereux, habile meneur de foules, révolutionnaire passionné ,Tyler est « la paillasson du monde » celui qui n'a plus rien à perdre, qui est tombé assez bas pour ne plus se soucier de rien, pas même de sa vie. Car dans Fight Club point de compassion , ni d'amour véritable ni d'embrassades, la vie y est sauvage et sombre, un cul-de-sac au fond d'une ruelle puant le vomi, le sang et la sueur.

Décousue, la forme colle au fond, des phrases coups de poing, comme l'obsession du narrateur qui nous fait descendre dans sa folie. Ses parties du corps qui parlent à la première personnes, cette décomposition du corps, cette violence quasi-mystique prônée par Tyler afin de reprendre possession de sa vie en reprenant possession de son corps.

« C'est à toi d'imaginer, à toi de comprendre ». rares furent les livres qui déchaînèrent tant les passion , tantôt acclamé, tantôt hué, porté en livre sacré par une génération d'ados en quête de révolution, descendu en flamme pour son manque de cohérence et sa saleté ambiante à force d'avoir parlé de Fight Club on en dit plus rien. Le roman reste un roman, à chacun d'imaginer, d'interpréter, de comprendre mais il reste surtout l'oeuvre de l'imagination débridée de Chuck Palanhiuk qui écrivait entre ses heures de boulot. Il a fallu d'ailleurs attendre l'adaptation par Fincher pour que ce roman connaisse un véritable succès.

On peut aborder Fight Club sous beaucoup d'angles, en faire des résumés et ds interprétations aussi multiples que contradictoires, pourtant l'appel du vide fascine, la réponse au premier abord séduisante de Tyler Durden , qui offre libération et révolution semble aller d'elle même. On touche là au côté subversif de l'oeuvre, peut-être même à son côté dangereu.L'appel du leader charismatique qui promet la grande réponse à la vie fascine et attire.

Finalement Fight Club reste une grande farce, une farce entraînante et angoissante, une farce en forme de rupture, avec le monde et avec les codes traditionnels de l'écriture, entre le narrateur et lui-même.

Pas une histoire d'amour, pas un roman de science-fiction ni d'anticipation, pas un roman d'aventure, pas un récit policier, pas un récit d'introspection , ni une fable ni un conte, amorale et sans but Fight Club a la marque des grands livres et des grands auteurs : unique.

  • Ah ! Fight Club de Fincher, l'un de mes chocs esthétiques cinématographiques. Sans changer ma vision du monde, ce film me l'a renforcée. Petit honneur à la scène ou Tyler parle au narrateur de son idéal anarcho-primitiviste, en rêvant de voir des biches et des cerfs courir sur les parkings de béton, vident, et simplement mangé par les herbes sauvages.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Dargon d absinthe orig

    Lézard Des Dunes

  • Unique...c'est ca!

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

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