Tant Pis

redstars


08/10/2017

 

Tu es dans le canapé. Là face à la télé. A qui la faute, dis-le moi, à qui la faute si l'on ne se voit pas ?

 

Je prie, je supplie en moi, je t'en supplie rejoins-moi, viens à moi, ne me laisse pas toute seule. Ne me laisse pas comme ça. Tu ne vois pas que j'en crève de nos solitudes, de cette distance, de ce toit que l'on partage, et c'est peut-être bien la seule chose… je crois. J'ai envie de hurler, ou de m'enfuir, juste pour voir si je te manquerais, si je partais. Je suis devenue un fantôme, peut-être ne me vois-tu même plus, errant ici et là, cherchant à attirer ton attention. Mais tu ne vois plus, mais tu ne vois rien, mais je n'existe plus, alors je mange de moins en moins, pour voir si tu vas t'en apercevoir, pour peut-être apparaître à tes yeux.

 

Tu sais, j'ai de vilaines pensées. Ou non, tu n'en sais rien, et d'ailleurs je me tairai, parce que je sais le mal que ça te ferait. Mais oui, je pense que je pourrais bien dire merde à tout, à tous, dire merde une fois pour toutes. Et disparaître, un soir ou un matin. Parce qu'elles me le chuchotent, parce qu'elles me le murmurent, parce que je les entends m'assurer que je n'ai pas à avoir peur. Que mourir, c'est pas si compliqué, surtout avec mon imagination, surtout avec… ma solitude.

 

Je vais aller me lover sous les draps. Si seulement je savais encore pleurer, peut-être qu'au moins, cela m'aurait soulagée. Mais c'est quelque chose que j'ai trop pratiqué. Les larmes, c'est bien joli, quand on a quinze ans, après… après, ça ne veut plus rien dire.

 

Tu es dans le canapé, je ne compte plus les heures, devant cette fichue télé, mais qu'a-t-elle de plus que moi ? Tu ne dis rien, tu ne réponds pas, quand je parle de ma plus petite voix, à peine audible, quand je raconte que tu me manques, que l'on ne partage plus rien, que…. Oh et puis, à quoi bon, puisque ton regard continue de fixer l'écran, d'ailleurs m'écoute-tu au moins ? Tu dis « oui », à tout ce que je dis, comme pour me faire taire. Je sais que toi, cela te convient, je sais que tu es la personne la plus solitaire que je n'ai jamais rencontrée, et la plus casanière, et je sais que tu as besoin d'air, que je suis souvent de trop, dans ta vie….dans la vie ?

 

J'attends bêtement que tu viennes voir comment je vais. Ou n'importe quoi. J'attends bêtement une attention, un regard, un geste quelconque, mais je sais que cela ne sert à rien. J'ai le cœur entrecoupé, ça se déchire, ça gicle, mais tu ne vois plus rien. Peut-être que si je disparais, tu le verras ? Peut-être que si je ne mange plus, tu t'en apercevras ? Ou si un jour je pars d'ici, sans rien emporter, si ce n'est ma peine et ma mélancolie.

 

Sortir prendre l'air. Tu ne viens pas. Je tapote sur mon téléphone. Qui appeler ? Qui pour partager ma solitude quelques minutes, juste assez pour que je retrouve la foi ? Je ne trouve pas, je remets le portable dans mon sac, et je marche dans les feuilles rouges qui saupoudrent le sol. Tu me manques tant. Que sommes-nous devenus, peux-tu seulement me le dire ? T'as jamais été fait pour ça. Pour moi. Je le sais bien. Mais voilà, je suis naïve ou sotte, je croyais qu'avec les années, peut-être que tu changerais, et que j'existerais. Je vais devoir le faire toute seule. Après toi, il n'y aura plus jamais d'hommes.

Parce que si je continuais, je finirais par en crever.


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